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Nous sommes sur la route depuis quinze minutes et Jace n'arrête pas de faire cavaler ses doigts sur le volant, plus tendu que jamais. Seulement, quinze minutes de "Tap tap tap", ça commence à bien faire.

– Jace, je sais que tu es stressé, mais tu veux bien, s'il-te-plaît, arrêter de faire ce truc avec tes doigts ? C'est chiant.

Il obtempère et se met à serrer le volant à la place, un peu trop peut-être.

– Je suis pas stressé, Jace O'Connor n'a peur de rien, il est sûr de lui.

– Et pourtant, Jace O'Connor agace fortement Iliana Harrington depuis qu'ils ont quitté Palm Beach.

Nous nous offrons mutuellement un faux sourire, sauf que contrairement à Jace qui repasse sa tête d'enterrement, moi, je souris vraiment ensuite. Je pose une main sur sa cuisse et il entrelace nos doigts.

– Tu vas assurer Jace. Mercredi, tu maîtrisais parfaitement ton morceau et...

– Ce n'est pas lui que je vais jouer. J'en ai choisi un autre.

Je m'immobilise, interdite.

– Quoi ? Mais, je croyais que...

– J'ai changé d'avis. J'ai travaillé une autre chanson en parallèle, et c'est elle que je veux jouer.

Il quitte quelques secondes la route des yeux pour s'intéresser à moi.

– Fais-moi confiance, OK ? Je sais ce que je fais.

– Je te fais confiance, mais à quoi ça servait que je vienne chez toi mercredi alors ?

Hormis à rencontrer ta mère sans que tu le saches.

Je me suis bien gardée de lui révéler l'information. Il a un sourire mutin, pas du tout le genre de sourire car garçon écorché par la vie devrait avoir. J'admire sa force et sa capacité à passer au-dessus de sa peine, à ne pas se laisser submerger par la désolation.

Ce garçon a perdu son père, son premier amour, et pense aussi avoir perdu sa mère...

Je prends en compte tout cela et ne cherche même plus à savoir ce qui donne toute sa force à sa voix : la douleur, la colère, le sentiment que rien n'a de sens dans ce bas-monde, mais aussi cette fragilité qui, si l'on cherche bien, lui donne aussi toute sa pureté. Mais ce n'est pas tout : je me sens encore plus responsable de Jace, de son bien-être et de son bonheur. Je n'ai décemment pas le droit de le faire souffrir à mon tour, jamais, car jusqu'ici, rien ne l'a épargné. La vie lui a fait miroiter une existence où il pouvait profiter de sa complicité avec son père, jouer de la guitare à ses côtés, partager des moments de rires avec sa mère, autour d'une assiette de pancakes, se sentir aimer par son premier amour. Mon cœur se serre mais je n'en montre rien.

Jace s'arrête à un feu et lâche d'un air rayonnant :

-          Pour faire des cochonneries, quelle question !

Ses traits si harmonieux m'attendrissent et je viens prendre son visage entre mes mains pour déposer un baiser plein d'amour sur ses lèvres. Il accepte mon baiser mais sourcille, étonné.

-          C'est pour quoi ce baiser ?

Pour tout ce que je ne peux pas dire mais qui m'emplit le cœur.

-          Pour te souhaiter bonne chance. Tu vas tout déchirer Jace.

Des coups de klaxon nous font part de l'agacement des voitures derrières nous. Jace leur adresse un doigt d'honneur par la fenêtre et me vole à son tour un baiser. Tout sourire, il murmure :

Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant