Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)

10.

OK, c'était carrément une erreur.

Nous sommes désormais lundi matin et j'ai le plaisir immense d'être toujours la victime de ma cuite de samedi soir. Nausées, vertiges, langue pâteuse... Tout est là, comme si on voulait me donner une bonne leçon pour avoir agi de façon aussi puérile. J'avais bu combien de verres au juste ? Et devant combien de personnes je m'étais donnée en spectacle ? Je me pince l'arête du nez, reprise de maux de tête. Sincèrement, plus j'y repense et plus je regrette. Je me suis toujours contentée de rester dans l'ombre, afin d'être certaine de ne plus jamais souffrir, pour être certaine que plus personne ne m'accorderait un regard et qu'ainsi je pourrai rester tranquille, et là quoi ? Je fous tout en l'air, tout ça pour une question d'égo. Je ne voulais pas me l'avouer mais c'est pourtant vrai : les paroles de Jace ont eu un réel impact sur moi, pas parce qu'il les prononçait avec un ton désobligeant qui se voulait blessant – après tout, il s'agit de Jace et je commence peu à peu à cerner son personnage – mais tout simplement parce qu'il avait raison : je suis cette fille qui laisse filer sa jeunesse par peur d'affronter le monde réel. Alors pour une fois, j'ai voulu déroger aux règles, me donner une chance de vivre autrement, une chance de goûter enfin à la liberté et à la reconnaissance, mais cela a toujours un prix et si je ne le paye déjà pas assez avec cette douleur qui me vrille la tête, alors je prendrai conscience de ce coût bien assez tôt, lorsque j'arriverai au lycée. Eh oui, je vais tout de même en cours aujourd'hui, je suis bien courageuse.

Lorsque Amy se gare dans mon allée et klaxonne gaiement, je place mes mains de part et d'autre de mes oreilles pour atténuer l'écho que cela crée dans mon crâne.

Lorsque l'alcool s'en va, l'existence devient encore plus terrible à supporter.

– Mais qui ai-je en face de moi ? Ne serait-ce pas la nouvelle star du bahut ?

A peine suis-je installée près d'elle qu'Amy me crie dans les oreilles et me saute dessus. Je grogne et le repousse pour que je puisse m'attacher (et garder un minimum d'audition).

– Oh, toi c'est pas la forme.

Comment l'a-t-elle deviné ? Par le biais de ma mauvaise humeur ou bien à cause de cette gueule de déterrée ? A moins que cela soit un peu des deux ? Ouais, sans doute.

– Si tu veux tout savoir, je ne me suis pas encore remise complètement de la soirée de samedi. J'ai vraiment trop mal au crâne.

Je me masse les temps et après un regard en biais de la part de mon amie, cette dernière se décide à prendre la route.

– J'aurais dû plus te surveiller, c'est vrai. Vu ton état lorsque tu t'es époumonée devant tout le monde, tu avais dû t'enfiler au moins deux bonnes bouteilles d'alcool pur !

Amy s'esclaffe et prend un malin plaisir à lancer une vidéo sur son téléphone, alors même qu'elle est au volant. Je la réprimande en lui l'arrachant des mains et manque de défaillir lorsqu'une fille, le rouge aux joues à force de donner de la voix et ondulant les hanches de façon suggestive m'apparaît à l'écran. Je grimace un peu plus.

- Cette vidéo tourne partout sur les réseaux ! Tu es une vraie star poulette !

Comment ça a pu arriver ??! Je voudrais trouver une pelle et commencer à creuser ma tombe, là, tout de suite.

– Je dois avouer que je me suis un peu lâchée sur la bouteille, mais c'est Raph qui préparait les cocktails – je ne sais pas trop comment d'ailleurs – et dès qu'il me tendait un verre, je ne pouvais jamais le refuser. Est-ce que tu as vu son visage ? Lui refuser quelque chose, c'est comme voler sa sucette à un enfant.

– Raph est un vrai bébé, m'accorde Amy. C'est ce qui fait son charme, j'imagine ? En tout cas cocotte, je dois t'avouer que j'ai été époustouflée par ta prestation. Je t'avais déjà entendu chanter par le passé mais là, c'était d'un autre niveau ! Avec les grosses enceintes, les gens autour, tes chorégraphies suggestives... C'était carrément chaud !