Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)

27.

Allongée dans mon lit, je suis en proie à une lutte intérieure. Dois-je appeler Jace pour m'assurer qu'il va bien ? Ou dois-je continuer à le laisser tranquille afin qu'il puisse être un peu seul ? Le problème, c'est que je ne sais pas du tout de quoi retournait la conversation entre lui et John. Je me demande bien ce que l'homme a pu sortir au blond pour qu'il soit aussi chamboulé étant donné que l'un et l'autre ne se connaissent pas personnellement. C'est plus fort que moi, je suis obligée de le contacter, au moins pour savoir comment il va. Je me sentirais coupable s'il s'avérait qu'il a commis une bêtise alors qu'il était seul à lutter contre lui-même. Je me tourne vers ma table de nuit et m'empare de mon téléphone que je n'avais pour une fois pas éteint. Cela prouve bien que mon subconscient était déjà au courant que j'allais flancher pour appeler mon petit ami : lorsque je vais me coucher, je l'éteints automatiquement. Je commence doucement en rédigeant un message, mais au moment de l'envoyer, je me rétracte et préfère entendre sa voix. C'est vrai, par message, on peut toujours décider de mentir. J'attends, le téléphone collé contre mon oreille. Une tonalité, puis une deuxième, une troisième. Je perds espoir mais soudain, une voix étouffée se fait entendre dans l'appareil.

– Il connaît mon père.

Je me redresse dans mon lit et ramène mes jambes contre ma poitrine. Il a lancé ça de but en blanc, sans aucun début de conversation au préalable. C'est vraiment que ça doit le travailler. Je prends ma voix la plus douce, compréhensive.

– Tu veux venir chez moi ?

Il se terre un moment dans le silence. Alors j'attends encore, essayant de faire taire les questions qui se bousculent dans ma tête. John Greesman connaissait-il vraiment Henri ? Comment ? Dans quelles circonstances se sont-ils rencontrés ? Quelle était vraiment leur relation ? Pourquoi l'a-t-il dit à Jace ? Est-ce un hasard s'il a accepté d'être juge au concours ? Ou est-ce parce qu'il avait vu le nom de Jace sur la liste des participants ? Devons-nous nos contrats au défunt père de Jace ?

– Je ne sais pas. Je ne sais même pas pourquoi je réagis comme ça.

Le pauvre. Si cette nouvelle amène autant de questions chez moi, je n'ose pas imaginer les conséquences qu'elle a eues pour Jace. Je me mords la lèvre en tentant de trouver comment lui venir en aide. Son père était son idole, et j'imagine qu'être confronté à un nouveau pan de sa vie alors qu'il n'est plus là, ce doit être difficile. J'imagine que Jace aurait aimé que son père le mette en contact avec John lui-même, pas que ce dernier fasse son apparition comme par enchantement en lui apprenant qu'il connaissait son père, et Dieu sait quoi d'autre. C'est alors que mes yeux se posent sur la petite clé argentée que mon père m'a remise tout à l'heure. Les mots sortent de ma bouche avant même que je ne réfléchisse.

– Je dois te montrer quelque chose. Tu es apte à conduire ?

Je l'imagine hausser un sourcil interrogateur puis hocher la tête, ses cheveux trop longs lui tombant sur le front, tandis qu'il lâche un « J'arrive. » lointain. Avant qu'il ne raccroche, je lui demande d'apporter des affaires de toilette et des vêtements chauds : la maison n'a pas été chauffée depuis un bail et je n'ose pas imaginer la température qui y règne par ce temps venteux. Je me débarrasse de mon pantalon de pyjama en laine et y préfère un jean. Malgré tout, je garde mon sweat à capuche qui me sert de pyjama, pas trop motivée à l'idée de me rhabiller complètement. Après avoir rassemblé quelques affaires susceptibles de me servir pour South Ocean – ma trousse de toilette, des affaires chaudes et une tenue de rechange – je passe mes baskets Nike multicolores et essaie de ne pas réveiller la maison. Il est plus de minuit et demi, mais même si mes parents sont allés se coucher il y a une bonne heure déjà, je me méfie. Ma maman n'est pas au courant que je suis en possession de la clé de South Ocean, et elle serait sans doute contre le fait que je m'y aventure seule avec Jace au beau milieu de la nuit. Je peste contre les lattes de mon plancher qui n'arrêtent pas de grincer et prends la direction des escaliers en faisant de mon mieux pour alléger mes pas : je sais que ma démarche a tendance à se faire entendre. Et puis, je m'assois dans le canapé en attendant Jace qui ne devrait pas tarder, les yeux s'habituant doucement à l'obscurité régnant dans le salon.