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Il est à peine quinze heures lorsque j'arrive sur les lieux et comme on pouvait l'attendre de la part de Monsieur McMiller, tout est parfaitement orchestré pour que le spectacle soit au rendez-vous. Pas étonnant qu'il cherche des investisseurs : les jeux de lumière et le matériel musical coûte très cher et nous sommes vraiment bien équipés pour une simple scène ouverte. D'énormes sonos se dressent majestueusement de part et d'autre de la scène de l'amphithéâtre et des projecteurs inondent la pièce selon la bonne volonté d'un élève qui, d'après ce que j'ai compris, a toujours été passionné par la mise en scène. Pas étonnant qu'il fasse parti du club de théâtre... Bref, dès que l'on rentre, ça claque. J'ai même un instant l'impression d'avoir mis les pieds dans une salle de concert avec tous ces câbles sur scène, le brouhaha lors des essais micro, l'animation entre les ingénieurs son et les électriciens s'adonnant à des finitions. Je pose mon sac sur un siège et Chimène crie mon nom de la scène :

– Et voici enfin notre plus grande artiste : Iliana Harrington !

Plusieurs têtes bifurquent vers moi et des applaudissements retentissent sur mon passage. J'éclate de rire et tape dans quelques mains en rendant des sourires chaleureux. Je ne côtoie ces gens que depuis deux petites semaines, mais j'adore l'ambiance qui règne lorsque nous nous écoutons chanter ou même lorsque l'on discute simplement de nos vies respectives.

– Salut tout le monde.

Je me laisse tomber sur un siège et ferme les yeux. Oui, j'adore passer du temps avec eux, mais je suis déjà exténuée à la perspective de cette fin de journée. Tout le monde est excité, mais moi je connais très bien l'envers du décor, les intentions cachées de notre proviseur. Il y a toujours une part de la population qui reste plongée dans l'innocence, qui n'est au courant des drames que lorsqu'ils surviennent. Moi, je suis de l'autre côté du miroir, du côté de ceux qui savent et qui doivent agir en conséquence. Lorsque je regarde Chimène et tous les autres, qui sont présents parce qu'ils aiment ce qu'ils font et qui prennent plaisir à se produire sur scène pour le spectacle, je suis un peu jalouse. Moi, je n'ai jamais eu cette chance. Mais bon, je n'oublie pas que j'ai un objectif des plus importants : clouer le bec à cet homme qui se croit invincible.

– Quelqu'un veut bien m'expliquer pourquoi on doit arriver si tôt ? Se plaint un garçon jouant incroyablement bien du saxophone et dont j'ai oublié le nom.

Chimène passe un bras amical sur ses épaules, ce qui le fait rougir violemment, et déclare :

– Parce que ce n'est pas parce qu'on a du talent qu'on doit se reposer sur nos lauriers. Pas vrai Iliana ?

Elle dit ça parce que je suis arrivée en retard à chaque fois aux répétitions et peut-être aussi parce que j'ai obtenu deux passages sur scène sans même avoir eu à passer une audition au préalable. Aucune animosité de sa part, juste une petite pique amicale qui me fait bien rire.

– Ne prenez pas exemple sur moi, je réplique en m'étirant.

Cela ne me ressemble pas d'agir de cette façon – par là j'entends avec je-m'en-foutisme – mais à mon sens, je m'entraîne assez de fois chez moi pour devoir en plus le faire ici. Et puis, je n'ai pas envie que McMiller pense que je suis un petit toutou ravi de lui rendre service. Il faut lui en faire baver. La prof en charge du spectacle a déjà dû faire remonter mes quelques retards aux oreilles du proviseur. J'espère que ça l'a mis en rogne.

– On n'en avait pas l'intention.

Je lui tends un doigt d'honneur, tout sourire, puis on m'appelle sur scène pour que je puisse faire mes essais micro. Je m'installe au piano après que l'on m'ait installé un micro-casque. Je fais cavaler mes doigts sur l'instrument et la mélodie de Lorde, Liability, vient emplir la salle. Je commence à chanter et m'arrête lorsque l'on me demande mon ressenti.

Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant