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Recroquevillée dans ma salle de bain, les cheveux humides, je fixe un point imaginaire. J'ai beau avoir retrouvé un cadre familier, tout me semble différent, sans doute car c'est le cas, du moins, en moi. Comment s'en étonner ? On ne ressort jamais indemne d'événements comme une tentative de viol. Mais si une chose n'a pas changé, c'est mon dégoût lorsque je me croise dans le reflet. Cependant, mon ventre n'est plus au centre de mes préoccupations. Mon cou couvert d'hématomes non plus. Dorénavant, c'est mon visage, celle que je suis qui me répugne. Lorsque la police est arrivée sur les lieux de mon agression, deux semaines auparavant, ils avaient procédé à des interrogatoires et à des analyses afin de prouver mon agression. Mais les preuves étaient accablantes, car si Alex critiquait la façon de procéder d'Adam lorsqu'il s'en était pris à lui devant le collège, lui n'était pas mieux. Nous n'avions peut-être pas un public aussi nombreux que des collégiens à la sortie des cours, mais une caméra de sécurité avait filmé toute la scène. Ce manque d'inattention me choque de la part d'un monstre vicieux comme Alex, mais sans doute en avait-il eu assez d'attendre que le moment propice se présente et qu'il s'était laissé emporter par sa volonté de vengeance. Mes parents s'étaient mis à sangloter en me voyant dans un état de semi-conscience, le collant déchiré, le cou parsemé de tâches rouges virant vers le jaune et le violet. Comment avais-je pu crier pour m'adresser à Jace ? Je n'en avais aucune idée, mais la panique avait dû anesthésier la douleur : si je n'étais pas intervenue, Jace aurait sans doute pu terminer comme Adam par le passé. Sauf que cette fois, je m'étais résolue à parler. Pour Adam, pour Jace, pour moi. Le silence m'avait trop longtemps empoisonné la vie pour que je le laisser encore me pourrir l'existence. Mon histoire avait laissé ébahis la plupart des policiers, bien que tristement, ce genre d'histoires soit plus courant qu'on ne le croit. Alex avait fini hospitalisé et on attendait qu'il soit en état de parler pour être à son tour interrogé. Le concours de chant avait également été reporté. Ainsi, le dossier d'Adam a été rouvert afin d'être réétudié. Cela ne changerait pas son accès de violence, mais on pourrait rembourser une bonne partie de son amende s'il s'avérait qu'Alex était en effet responsable des monstruosités dont on l'accablait. Cela devrait me soulager, me donner un goût de revanche, mais il n'en est rien. Ma culpabilité reste inébranlable. On frappe deux coups à la porte et je lâche un cri horrifié. Je ramène mes genoux contre ma poitrine et me balance d'avant en arrière pour me calmer. Malgré tout, les larmes me submergent. C'est comme si mon esprit et mon corps s'étiolaient, là, perdue au milieu de ma salle de bain.

– Iliana, c'est moi. Excuse-moi, je ne voulais pas t'effrayer.

Je reconnais la voix de Jace derrière la porte. Je passe une main dans mes cheveux et je crie, désemparée :

– Va-t'en, je ne veux pas te voir ! Ni toi, ni personne !

Je veux être seule, m'enfermer dans mon mal-être pour me laisser dépérir. C'est ce que je mérite. C'est ce que j'ai toujours mérité. Mais Jace ne semble pas prêt à m'accorder du répit et continue de frapper à la porte.

– Ecoute, je t'ai laissé tranquille durant des jours pour que tu puisses te retrouver un peu, mais c'est hors-de-question que tu continues à t'enfermer comme ça. Alors ouvre cette porte.

Sa voix est calme mais elle cache une détermination et une certaine colère qui me fait froid dans le dos. Pourtant, je ne me laisse pas abattre.

– Dégage !

– Putain, ouvre cette porte !

– Non !

J'entends Jace marmonner et bientôt, un coup sourd résonne dans la pièce. Je me redresse, enroulée dans ma serviette de bain, et étouffe un hoquet de surprise. Un autre coup se fait entendre, puis un troisième, et enfin, la porte cède, laissant entrer Jace qui, face à la force de l'impact, manque de s'affaler à terre. Il grogne et se masse l'épaule avant de me chercher du regard. Lorsque l'ambre fauve de ses iris s'abat sur moi, son corps se relâche et il me tend la main, soulagé sans doute de me savoir en vie, bien que mes cris de tout à l'heure soient une preuve qu'on ne peut pas ignorer.

Promesse d'un Jour (Réécriture 2020)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant