Akenna-TOME 2- Le retour du serpent

Chapitre 6

Malgré le fait que je pense que c'est complètement fou et dangereux, je décide de suivre les conseils de mes amies et de mon père. Je rentre au palais, plus que déterminée à agir. Si je prends toutes les précautions nécessaires, tout ira bien. Du moins...c'est ce que je me dis.

J'arrive dans la chambre d'Emeïdes, qui est en train de jouer avec ses animaux de bois, tout seul. Il me regarde, de ses beaux yeux bleus, et me gratifie d'un sourire. Je m'approche, et m'agenouille en face de lui.

– Tu t'es bien amusé aujourd'hui ?

– Hum hum, répondit-il simplement.

– À quoi as-tu joué ?

Emeïdes hausse les épaules, tout en continuant de s'amuser.

– Tu ne veux pas me parler ?

– Je joue.

– Pourquoi me fais-tu la tête ?

– Je ne suis pas en colère.

Je fronce les sourcils, avec un demi-sourire. Emeïdes jette un coup d'œil en ma direction, puis baisse les yeux, lorsqu'il comprend que je le regarde.

– Et bien ? Dis-moi ce que tu me reproches, insistai-je en lui caressant les cheveux.

– Tu sais que je veux aller dehors...

– Oui, j'en ai conscience.

– Alors pourquoi tu ne me laisses pas y aller ?!

– Je te l'ai déjà expliqué Emeïdes.

– Je veux les vraies raisons.

À ce moment-là, j'ai envie de tout déballer, de vider mon sac. Mais ce n'est qu'un enfant, il ne peut pas encore comprendre les enjeux de la vie, et les choix de certains...

– Écoute, j'ai mes raisons de m'inquiéter pour toi, que tu ne peux pas encore saisir. Seulement, je te promets une chose mon fils. Je t'expliquerai tout un jour. J'ai été injuste pour un grand nombre de choses avec toi. C'est pourquoi, nous allons faire quelque chose tous les deux.

– Comme quoi ?

– Tu vas voir. Mais tu dois m'écouter, tu as compris ?

– D'accord.

– Parfait, viens.

Emeïdes prend ma main, que je lui tends, et nous dirigeons vers ma chambre, où je remets mon voile. Je prends mon fils dans mes bras, et nous marchons dans les couloirs du palais, pour rejoindre l'extérieur. Je croise Hypérion, à qui je souris. Mais son expression est bien différente de la mienne. Son regard est encore plus noir que la plus profonde des obscurités, ses poings serrés, comme s'il détenait le plus précieux des trésors entre ses mains, et qu'il avait peur qu'il ne s'échappe. Je baisse alors les yeux, et quitte le palais.

– Maman ? Dis-moi où on va.

– On sort.

– Mais...

Emeïdes se tait, à l'instant même où nous franchissons les portes. Nous voilà à présent exposés au danger, qui n'est autre que le soleil. Mes mains protectrices agrippent le tissu du chiton de mon fils, alors que lui, n'a pas l'air effrayé. Au contraire, je crois ne jamais l'avoir vu aussi impatient et enthousiaste. Cela me fait sourire de le voir si heureux.

Nous nous rapprochons de la plage où je suis allée tout à l'heure, pour rejoindre mon père. Je pose mon fils au sol, qui se raccroche à ma robe, non sans regarder la grande étendue bleue se dressant devant ses yeux. Il est l'un des fils de la mer, il devrait aimer cet environnement, qui fait partie de lui. Je m'agenouille près d'Emeïdes, qui paraît aussi anxieux, qu'heureux.

– Regarde, c'est là que mon père habite.

– C'est un poisson ?

– Non, dis-je en riant. En apparence c'est un homme, mais ses pouvoirs lui permettent de faire beaucoup de choses.

– Comme quoi ?

– Tu vas voir, avance.

Je me lève, et prends la main de mon fils. Le soleil se couche, ce qui me retire un poids. Nous marchons parmi les grains de sables, prenant la forme de nos empreintes, jusqu'à ce que l'eau salée vienne rencontrer nos orteils. C'est à ce moment-là, que l'eau s'écarte, libérant un passage. Emeïdes ouvre la bouche d'émerveillement, et lâche ma main. Il suit le chemin de lui-même, tandis que je lui emboîte le pas.

Nous continuons de marcher, jusqu'à ce que l'eau se referme au-dessus de nous, formant comme une sorte de cocon. Nous sommes entourés de la mer Égée, alors que la vie sous-marine poursuit ses occupations, comme si nous n'étions pas là. Des tortues, des poissons de toutes les couleurs, offrent un spectacle magnifique aux yeux du fils d'Ectellion.

– Maman, regarde ! s'écria Emeïdes.

Son doigt pointe une forme, se déplaçant sous l'eau, avec des mouvements d'ondulation gracieux. Un bébé dauphin fait le tour de nous, tout en gardant les yeux fixés sur mon fils. Il finit par se retourner, et donner un coup de queue, qui asperge le visage d'Emeïdes. Nous éclatons tous les deux de rire, alors que le dauphin revient se placer devant la frontière.

– Caresse-le, dis-je à mon fils. Il n'attend que cela.

Emeïdes tend une main hésitante vers l'animal, puis finit par poser ses doigts sur la peau lisse et glissante de son nouvel ami. Maintenant j'en suis certaine, je n'ai jamais vu mon fils aussi heureux de toute sa vie. Ses yeux brillent de bonheur, et un sourire illumine son visage angélique. À cet instant, je ressens un profond regret. Durant toutes ces années, je n'ai vécu que dans la peur qu'il arrive du mal à mon fils, la dernière personne qu'il me reste dans ce monde. Je l'ai privé de tellement de choses merveilleuses, tout ça par pur égoïsme.

Je me promets alors de ne plus jamais empêcher Emeïdes de sortir, car il a besoin de découvrir le monde de lui-même. Il apprendra tout seul le fonctionnement de la vie. Ses hauts et ses bats, il les vivra tout comme j'ai dû les affronter, car c'est cela la vie.

Emeïdes se tourne vers moi, et se jette dans mes bras. Il ne m'a jamais serrée aussi fort qu'à cet instant.

– Merci maman, murmura-t-il.

– À partir de maintenant, tu pourras sortir aussi souvent que tu le désires.

– C'est vrai ?!

– Oui. Mais je ne pourrai pas toujours être avec toi dans ces moments-là...

– Oh...

– Ce n'est pas grave ! Tu te feras des amis formidables et tu voudras tout le temps jouer avec eux.

– Tu crois ?

– J'en suis certaine.

Emeïdes me prend de nouveau dans ses bras, alors que nous sommes toujours dans notre univers. La mer nous protège de toute menace extérieure, même si la nuit tombe...

Emeïdes retrouvera sa liberté, même si moi, je ne l'obtiendrai pas autant que lui. Car le danger est toujours présent, je le sens... Et mon instinct, ne m'a jamais trompée.