Chapitre 9

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– Vous m'avez demandée ma reine ? demandai-je en entrant dans la salle du trône.

Khione se retient de rire face à mon ton enjoué, qui m'amuse également. En présence du roi, je dois garder ma place de servante, et m'adresser à Khione dans un langage soutenu.

– Oui Akenna, répondit-elle. Viens avec moi, j'aimerais te montrer quelque chose.

Elle se lève de son trône, fait un signe de tête à Agamédès, qui lui rend un sourire chaleureux. Son mari l'aime, cela se voit dans son regard et dans toutes les attentions qu'il lui porte. Une fois sorties de la salle du trône, Khione éclate de rire tout en plaçant son bras sous le mien. Je m'esclaffe à mon tour, tandis que nous nous dirigeons vers le jardin.

– Ma reine, ria Khione. J'adore lorsque tu adoptes ce ton solennel.

– Je suis bien obligée de t'appeler ainsi, autrement j'en serais blâmée.

– Alors dans ce cas, adresse-toi tout le temps à moi en m'appelant « ma reine ».

Nous pouffons de rire une nouvelle fois, alors que nous tombons sur un banc. Cela fait longtemps que je n'ai pas ri de cette façon. En tout cas, une chose est sûre, ça fait un bien fou de se détendre. Je porte mon regard vers la toile d'ombrage, accrochée sur chaque colonne du palais, me protégeant du soleil, et de son bourreau.

C'est dans ces moments-là, que je me dis qu'au fond, le soleil et moi, nous ne sommes pas si différents. Nous essayons tant bien que mal, d'échapper au même dieu qui nous surveille, et nous prive de notre liberté.

– Tu voulais me parler de quelque chose ? demandai-je.

– Dis-moi comment j'ai pu avoir une telle influence sur toi.

– Une influence ? Pourquoi dis-tu ça ?

– Tu as emmené Emeïdes hors du palais hier soir. Alors je m'attribue en partie les mérites de cet acte, ria Khione.

– Peut-être, mais il n'y a pas que toi.

– Je me disais aussi... Vas-y, raconte-moi.

– Et bien...lorsque je suis allée prier au temple d'Athéna hier matin, Artémis m'est apparue.

– La déesse de la chasse ? Elle t'a parlée ?

– Oui. Pendant que je pleurais dans ses bras, elle m'a donnée le même conseil que toi.

– Et bien, elle est encore plus sage que je ne le pensais.

– Elle m'a aussi parlée de mon père. Il s'isolait, et ne montait plus que très rarement sur l'Olympe.

– Mais où allait-il ?

– Tu te souviens du temple sous-marin dont je t'ai parlée ?

– Oui, le lieu où tu l'as rejoint avant de monter sur l'Olympe.

– C'est ça. Et bien il restait là-bas, à admirer une fontaine ensorcelée. Elle montre les visages qu'on veut voir.

– Alors, cela signifie qu'il veillait sur toi de là-bas.

– Oui. Il devenait de plus en plus mal, et Artémis m'a demandée de lui rendre visite en mer.

– Et tu y es allée j'imagine.

– Il le fallait, et puis cela faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu. Poséidon me manquait terriblement.

Khione serre ma main, tout en affichant un sourire réconfortant et amical. Combien de fois a-t-elle adopté de geste et cette attitude envers moi ? J'ai arrêté de compter depuis le temps.

– Et que t'a-t-il dit ? me demanda la reine.

– La même chose que toi et Artémis, de continuer à vivre.

– Je suis aussi sage qu'une déesse, ria Khione.

– Presque, il ne te manque plus qu'à consommer du nectar et de l'ambroisie, et tu seras une déesse.

– Et me passer de toutes les merveilles d'Athènes ? Jamais.

Nous rions aux éclats, jusqu'à ce que les larmes nous montent aux yeux, et que nous nous crispions à cause de la douleur. Une fois calmées, Khione reprend la parole.

– J'imagine qu'Emeïdes était plus qu'heureux d'être sorti avec toi.

– Tu ne peux pas savoir à quel point. Il était tellement content, reconnaissant et souriant. Ses traits me rappelaient encore plus son père.

– Akenna...

– Il n'a même pas su que j'attendais son enfant.

– Ce n'est pas de ta faute.

– Justement si, c'est à cause de moi s'il est mort. Si je n'avais pas existé, ma mère serait encore en vie, tout comme Ectellion.

– Peut-être, mais Galena n'aurait pas connu le bonheur de t'avoir. Ectellion serait toujours en vie, mais seul et hostile comme il l'avait été avant de te rencontrer. Et puis, Emeïdes ne serait pas de ce monde. Quant à moi, je ne t'aurais jamais rencontrée. À qui aurais-je bien pu me plaindre dans ses cas-là ? ria Khione.

Je l'imite, puis je laisse ma tête tomber contre son épaule. Mes paupières lourdes se ferment, alors que Khione serre toujours ma main. Cette poigne réconfortante me rappelle à quel point j'ai de la chance de l'avoir à mes côtés.

– Rien n'arrive par hasard Akenna. Il y a toujours une raison pour que les dieux décident de ce sort. Les beaux jours sont devant toi maintenant. Alors, ne les laisse pas t'échapper.

Je souris, tout en écoutant la mélodieuse voix de Khione. Avec elle, je me sens en confiance. Elle connait toute mon histoire dans les moindres détails, et cela fait du bien de se livrer à quelqu'un. Personne à part la reine d'Athènes, ne connait mon passé. Hypérion sait seulement que je viens de Larissa, et que mon amant avait été tué par mon ancien mari fou. Les autres, je n'ai même pas pris la peine d'apprendre à les connaître.

J'ai perdu la confiance que je donnais aux gens facilement. Car, malgré le fait que je me sente plus libre d'avoir vu mon père, et d'avoir partagé une sortie avec mon fils, j'ai toujours peur. Le malheur arrive toujours, là où on s'y attend le moins. C'est une leçon que j'ai vu, comprise, et assimilée. 

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant