Chapitre 29

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– C'est hors de question ! s'énerva Nesrín une fois retournées dans la salle du trône.

– Mais tu l'as compris toi aussi ! C'est le seul moyen de tuer Hélios !

– Peut-être bien oui, mais c'est beaucoup trop dangereux. Je suis d'accord pour t'aider sur certaines choses, mais aller dans le royaume d'Hadès, c'est du suicide !

– Je t'en prie Nesrín. Ne veux-tu pas venger ta sœur ?

– Bien sûr que si.

– Moi je veux lui faire payer la mort de ma mère, et aussi protéger le reste de ma famille.

– Pas en sacrifiant des vies inutilement enfin !

– Très bien, alors reste ici. Mais moi en tout cas, j'y vais !

– Akenna !

Je claque la porte de la salle du trône. J'ai déjà passé beaucoup trop de temps sans rien faire. Il est temps d'agir. J'en ai plus qu'assez de me cacher et d'être effrayée sans cesse. Je ne veux plus jamais avoir peur. Après avoir traversé la forêt, je me retrouve sur la plage. Je m'arrête face à la mer, et à ce maudit brouillard, qui m'isole du monde. Je me laisse tomber sur le sable, et éclate en sanglots. Ectellion me manque, Emeïdes est bien trop loin de moi, et je ne sens plus la présence de mon père.

À ce moment-là, je perds espoir. Aller dans les Enfers, c'est une chose, mais en ressortir vivant, c'en est une autre. Entre les âmes perdues qui peuvent nous entraîner dans le tartare, Cerbère, capable de me dévorer à chaque instant, et le jugement d'Hadès, j'ai peur de ne pas pouvoir m'en sortir. Ce personnage sinistre, n'est pas du genre à faire des faveurs, même pas à des gens de sa propre famille. À genoux sur la plage, je prends une poignée de sable, et la serre fort entre mes mains, comme si tous les gens que j'aimais représentaient chaque grain.

Le vent se lève, et m'appelle à l'horizon. Mon regard se lève vers le brouillard, protégeant l'univers des Amazones du monde extérieur. Je me sens oppressée, enfermée dans une cage, prise au piège. Mes larmes sèchent grâce à la force du vent, qui me pousse vers la mer. Je ne peux pas abandonner maintenant, pas si près du but. Mais aurai-je assez de force pour y arriver ?

– Ce n'est pas en restant planté ici, que vas le trouver ton sang d'Hydre.

Je me tourne vers la voix qui vient de m'interpeler. C'est Khlarys, qui se présente, le bras droit sur la hanche, son arc et son carquois sur son épaule. Une autre Amazone se tient à côté d'elle. Ses cheveux sont aussi noirs que le jais, ses prunelles semblables à celles d'un loup, alors que sa peau est mate. Tout est sombre chez elle, à part le joli sourire qu'elle m'adresse.

– Tu comptes partir ? me demanda Khlarys.

– Je ne sais pas...

– Oh mais si tu le sais. Ton désir de vengeance est bien trop grand pour que tu baisses les bras. L'Enfer est aussi méconnu que l'Olympe. On raconte des choses sur cet endroit, et sur le dieu qui y réside, mais elles peuvent très bien être fausses.

– Ou vraies.

– Alors, allons le vérifier par nous-mêmes, qu'en penses-tu ?

– Pourquoi m'aiderais-tu ?

– Parce que je veux voir le monde, voyager et explorer. Talitsa est de mon avis.

Je fixe la jeune Amazone sombre, qui est sûrement cette Talitsa. Son regard exprime de la curiosité, et un désir de nouveauté.

– J'imagine que Nesrín n'est pas au courant de votre escapade, dis-je.

– Évidemment que non, elle nous tuerait.

– Sûrement oui, voilà pourquoi vous ne devez pas partir.

– Et qui nous en empêchera ? Toi peut-être ?

– Je ne suis pas en mesure de faire cela.

– Akenna. Ton fils et l'homme que tu chéris te manquent. Ne veux-tu pas les revoir ?

– Bien sûr que si. C'est mon vœu le plus cher.

– Alors pour cela, tu dois tuer Hélios. Et seul le sang de l'Hydre de Lerne peut t'aider à cette tâche. Pour l'obtenir, tu sais ce qu'il te reste à faire.

Je me tourne vers le brouillard. Même s'il n'y a rien à voir, je porte tout de même mon regard à cet endroit, car je sais ce qui se cache derrière. La réalité, et le danger. Mais ma famille et mon bonheur, se trouvent là-bas aussi...

– Vous avez conscience, que plus jamais vous ne pourrez revenir ?

– On n'est pas aussi stupide que tu ne le crois.

– Alors c'est votre décision ? Vous séparer de votre famille ?

– Ma mère est morte au combat, intervint Talitsa. Donc je n'ai plus personne.

– Je vois...

– Alors petite Akenna, quel est ta décision ? Choisis-tu d'affronter la réalité, ou de te terrer à jamais ?

Je lève les yeux vers Khlarys. Elle a l'air sûre d'elle. J'aimerais l'être moi aussi... Mais à l'évidence, je manque encore d'assurance. Et pourtant, j'en aurai besoin.

– Trouve-moi un bateau, ordonnai-je.

– C'est comme si c'était fait.

Khlarys longe la plage en courant, alors que moi et Talitsa la suivons. J'en profite pour apprendre à mieux connaître la guerrière Amazone, qui m'a l'air de vouloir faire plus que découvrir le monde.

– Tu veux bien m'expliquer pourquoi tu veux quitter ta terre natale ? demandai-je.

Talitsa me lance un regard noir, comme si je venais de lui demander de me révéler le plus sombre de ses secrets. Elle prend un moment d'hésitation, puis pousse un soupir.

– J'en ai assez de me battre, de tuer des innocents. Ils ne le sont pas toujours, bien sûr, mais...assez souvent. Et puis, j'ai rencontré quelqu'un lors d'un raid. Je lui ai promis que je partirai le rejoindre un jour, alors c'est l'occasion.

– Depuis combien de temps ne l'as-tu pas revu ?

– Ça doit faire deux ans. Il a dû m'oublier depuis...

– S'il t'aime vraiment, il attendra le temps qu'il faudra. Et puis, peut-être que lui-même se dit que tu as dû l'oublier.

Talitsa rougit, tout en souriant. Elle m'a l'air d'une grande sincérité, ce qui atténue son côté sombre et féroce. Nous rejoignons Khlarys, qui a fini par trouver un bateau, que les Amazones devaient utiliser pour des raids. Je prends une grande inspiration, et monte à bord. Le voyage commence, alors que le courant nous entraîne, par-delà le brouillard.

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant