Chapitre 19

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La foule s'écarte, me permettant d'apercevoir Hypérion, au centre de la salle, à genoux les mains levées vers le ciel. Il crie et pleure de désespoir, tout en invoquant le dieu maudit.

– Hélios !! Je t'invoque ! Moi qui te vénère depuis ma plus tendre enfance, je sollicite ton aide !

Khione me prend par le bras et me dit de sortir immédiatement. Je me lève alors d'un bon, prenant un voile que me tend la reine, et cours vers la porte. Si Hélios me trouve ici, c'en est fini de moi et de tous ceux que j'aime.

J'allais traverser la porte, mais un garde habillé d'une armure d'or me fait face. Je baisse alors la tête pour cacher mon visage et essaie de trouver une autre sortie. Mais mes yeux ne voient que les soldats armés jusqu'aux dents du dieu du soleil, empêchant la moindre sortie. Décidément, le serpent a pensé à tout. Je reviens alors me poster auprès de Khione. Je n'ai plus le choix désormais, je vais devoir me tenir tranquille jusqu'à ce qu'il s'en aille. La reine prend ma main, tandis qu'Agamédès s'égosille la voix en ordonnant à Hypérion d'arrêter. Mais le chef de la garde n'en a que faire. Son ton se fait dorénavant plus suppliant et plus puissant, tout comme ma peur.

– Je vais te cacher sous la table, murmura Khione. Là au moins, il ne te verra pas.

Je hoche la tête, tremblante et commence à avancer. Les gardes font de même, mais pour stopper Hypérion dans sa folie. Au moment où ils allaient l'arrêter, ils sont propulsés en arrière par une force violente, qui annonce la venue du dieu. Khione me ramène alors jusqu'à son trône, car elle sait bien que nous ne pourrons pas atteindre la table à temps.

Hélios fait à présent face à Hypérion, surélevé dans les airs d'une trentaine de centimètres, afin de démontrer une nouvelle fois sa grandeur. Tous les invités s'agenouillent, craignant la colère du dieu. Agamédès ordonne hâtivement à toutes les servantes de sa femme de mettre un voile sur la tête, pour que je passe plus inaperçue. Khione est aussi anxieuse et effrayée que moi.

Le regard d'Hélios se lève alors sur ses sujets, qui baissent la tête, à la fois honorés et effrayés de la présence divine qui s'offre à eux. Moi seule connais le vrai visage d'Hélios. Son expression paraît encore plus froide et terrifiante qu'il y a trois ans. Il n'a plus la tête d'ange que j'ai connu autrefois, lorsque je vivais encore avec lui. Mon cœur bat si vite, que j'ai l'impression qu'il va exploser sous la pression.

– Qui m'a invoqué ? demanda Hélios d'une voix mauvaise.

– Moi, seigneur.

– Et qui es-tu ?

– Hypérion, chef de la garde royale, votre humble serviteur.

– Pourquoi pleures-tu ? Cela ne sert à rien.

Hélios a craché ces mots avec une haine profonde. Il m'effraie davantage à s'exprimer ainsi. Sa douceur d'autrefois a totalement disparu. Il montre son côté serpent, qui domine désormais son être.

– Pour une femme, répondit Hypérion d'une voix brisée.

– Une femme. Tiens donc.

– Je vous en prie seigneur, aidez-moi.

– J'ai autre chose à faire.

– Mille pardons, mais je suis désespéré. Elle est toute ma vie. Cette femme aurait pu être mienne si l'homme qu'elle aimait jadis n'était pas revenu d'entre les morts.

Par tous les dieux, mais il va se taire ! J'ai un mal affreux à respirer, et je meurs de chaud. Hypérion ne se rend pas compte de ce qu'il fait. Je ne lui ai pas raconté mon histoire, et maintenant je le regrette tellement. Il ne sait pas qu'il se trouve en face de mon ex-mari, qui a tué ma mère et causé mon malheur. Pourquoi fallait-il qu'il invoque ce dieu et pas un autre ? J'aurais préféré mille fois Hadès ou même Aphrodite, plutôt que de devoir faire de nouveau face à Hélios.

– Je ne vous demande qu'une chose mon seigneur, c'est de tuer cet homme, pour que je puisse la récupérer.

– Tu me fais perdre mon temps mortel.

– Pardonnez mon affront, mais vous avez tout le temps du monde...

– Justement non. Je te laisse la vie pour cette fois.

Hélios s'apprête à partir, à mon plus grand soulagement. Mais Hypérion s'agrippe à son chiton, le retenant. Le dieu du soleil lance alors un regard des plus noirs au chef de la garde, qui recule immédiatement, sentant la colère du serpent monter.

– Comment oses-tu ? Toi qui n'es qu'un simple mortel !

Le tonnerre gronde dehors, signe que la fureur d'Hélios est à son comble. Je n'ai qu'une envie, c'est qu'il parte et ne revienne jamais. Je ferme les yeux et prie mes dieux protecteurs pour qu'ils me viennent en aide, même si je sais parfaitement qu'ils ne pourront rien faire contre la colère incontrôlable d'Hélios.

– Je ne vous demande que cela seigneur, implora Hypérion. Toute ma vie j'ai prié pour vous. Je suis même prêt à entrer à vos services si vous le désirez.

– Écoute-moi bien pauvre idiot, si je contrôle encore ma colère avec toi, c'est parce que je sais ce que tu ressens. Mais ce n'est pas mon combat. Débrouille-toi à la fin.

– Seigneur...

– Moi-même je recherche l'amour d'une femme et je n'en fais pas tout un caprice ! Elle est bien plus importante à mes yeux que tous mes fidèles mortels !

Khione sursaute à chacun des cris d'Hélios, qui résonnent comme le tonnerre dans toute la salle. Soudains mes pensées vont pour Ectellion et Emeïdes. Mes deux amours, qui sont bien heureusement, en sécurité hors de cette salle. Au moins, s'il m'arrive quelque chose, ils seront tous les deux sains et saufs, ce qui d'un côté me rassure.

Je lève légèrement le regard vers Hélios, dont les yeux bleus ciel lancent à présent des éclairs. Ses poings, quant à eux, sont serrés à bloc, comme s'il voulait broyer une pierre en mille morceaux.

– Seigneur, insista Hypérion. Je ne peux l'oublier. De toute ma vie je n'ai jamais connu une beauté telle que la sienne. Ses cheveux d'or, ses yeux couleur océan, ses lèvres sont comme des pétales de roses, son corps si parfait, et son nom sonne comme un murmure lorsqu'on prononce la première syllabe, et à un cri de guerre quand on entend la fin.

Hélios fronce les sourcils. La description n'est pas assez précise pour qu'il devine, mais suffisante pour attiser sa curiosité malsaine.

– Quel est son nom ? demanda le dieu.

– Akenna. 

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant