Chapitre 3

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– Akenna, attends !

La voix d'Hypérion me poursuit, alors que je traverse le couloir. Soudain, mon poignet est retenu, me forçant à m'arrêter. Je me tourne alors vers le chef de la garde.

– Je suis désolé, c'était plus fort que moi, dit Hypérion.

– Ce n'est rien. Je prends cela comme un moment d'égarement.

– D'égarement ? Non, Akenna. Ce n'était pas cela. Je ressens de l'amour pour toi, et depuis longtemps.

– Hypérion, je t'en prie, arrête.

– Non, je ne peux plus garder cela pour moi tout seul. Mes sentiments pour toi sont sincères, et je sais que toi aussi.

– Si j'ai pu te laisser croire que tu avais une chance avec moi, j'en suis navrée.

– Mais...

– Écoute, je tiens à toi. Mais comme un ami, et rien de plus. J'aime toujours Ectellion, et je lui resterai fidèle jusqu'à ma mort.

– Enfin Akenna, tu sais bien qu'il est mort.

Les paroles d'Hypérion me font l'effet d'un coup de poignard en plein cœur. Cela fait terriblement mal...

– Peut-être que son corps n'est plus à mes côtés, mais son esprit demeure intact.

– Tu as eu tout le temps de préparer ton deuil. Il devrait être terminé maintenant.

– Je pleurerai la mort du père de mon enfant tout le reste de ma vie. Je ne peux pas, mais surtout je n'ai aucune volonté de retrouver l'amour. Mon existence entière, sera consacrée à la reine, et à mon fils.

– Seulement, Emeïdes a besoin d'un père. Je suis la personne qu'il te faut pour t'aider à élever ton enfant. Je le considèrerai comme mon fils.

Le considérer comme son fils... Une autre personne m'a proposé cela, voilà maintenant trois ans. Un dieu... Mon cœur se serre, alors que mes mains tremblent, à la pensée d'Hélios.

– Encore une fois, je m'excuse Hypérion, mais cela ne sera pas possible.

Le chef de la garde recule d'un pas, comme si je venais de le menacer, et qu'il se mettait sur la défensive. Son regard passe du clair au noir, aussi profond et sombre que ses cheveux. Sa respiration devient semblable à celle d'un taureau, alors qu'Hypérion tourne furieusement les talons, et part.

Je me sens coupable de la peine, et de la rancœur du chef de la garde, mais je ne pouvais pas lui mentir sur mes sentiments. Hypérion est un ami, en qui j'ai confiance, et qui depuis mon arrivée ici, prend soin de moi et d'Emeïdes. C'est un homme bien, qui je suis certaine, trouvera la femme, et le bonheur qu'il mérite. Il peut être adorable, protecteur, et bon conseiller, mais également provocateur, brusque, parfois même violent lorsqu'il n'obtient pas ce qu'il veut. Je ferme les yeux, avant de repartir dans ma chambre.

Mes coudes appuyés contre le muret du balcon, mon voile sur la tête, je fixe l'horizon. Etre l'enfant d'un dieu, ce n'est pas tous les jours facile. On se sent à tout moment différent des autres, et on a l'impression de ne pas être à notre place. Même si je me considère plus humaine que déesse, je sais bien que je ne suis pas comme les autres. Je perçois plus de choses, et je suis également plus attentive à ce qui m'entoure. Le fait d'avoir vécu sur l'Olympe, m'a permis de voir le monde différemment.

– Maman ?

Je me tourne en souriant vers Emeïdes, qui vient de se lever. Ses petits pieds, le traînent jusqu'à moi, alors que mon petit ange se frotte les yeux, encore endormi.

– Il est encore bien tôt, fis-je remarquer.

– J'avais froid.

Je le porte, et le ramène tout de suite à l'intérieur, en cachant son visage. Tout en rentrant, je me tourne une dernière fois vers l'extérieur, pour vérifier qu'Hélios ne se manifeste pas. Je vais vraiment finir par devenir folle...à part si je le suis déjà. L'anxiété que je ressens quotidiennement, pourrait bien avoir un effet sur mon cerveau. J'allonge Emeïdes dans mon lit, et me couche à mon tour. Le petit ange vient se blottir contre moi, et se rendort aussitôt.

Alors qu'Emeïdes se trouve à présent dans les bras de Morphée, mes pensées se concentrent sur ce qu'il s'est passé tout à l'heure, avec Hypérion. Comment ai-je fait pour ne pas découvrir ses sentiments à mon égard ? Je sais bien que le chef de la garde est en apparence une personne froide, mais tout de même, j'aurais dû le deviner, car il y a des signes, qui ne trompent pas. Ainsi, il m'aurait été possible de mettre un terme à ses ambitions, et de le faire moins souffrir.

Je ne veux plus de relation... J'en ai connues deux, et elles se sont toutes mal terminées. Revivre ça encore ? Hors de question. Je préfère largement rester au service de la reine Khione, et élever mon fils, seule. Car tomber amoureuse de nouveau, signifierait souffrir encore. Je sais très bien qu'une vie heureuse et paisible n'est pas pour moi, mais je cherche néanmoins à limiter les catastrophes. Il y a déjà eu assez de morts à cause de moi, je ne veux pas faire d'autres victimes de mon destin funeste.

Ectellion...je ne pense qu'à toi chaque soir en m'endormant. C'est si dur de te savoir loin de moi. Si seulement j'avais pu te sauver... Je colle mon front contre celui d'Emeïdes, pour me réconforter en quelque sorte. Même s'il ne se rend pas compte de mon malheur, il est présent pour moi, tout comme je le suis pour lui. Son père et moi, serons unis à jamais par notre fils. Il est peut-être parti, mais au moins je garde une trace de son existence, et de son amour près de moi.

Je tourne mon regard vers l'extérieur, alors que le soleil est déjà bien haut, tiré par les chevaux ailés d'Hélios. Parfois, en rêve, j'ai l'impression d'entendre les hennissements de ces bêtes blanches, m'appeler, voire même me supplier de revenir. Avant, j'adorais entendre les cris des chevaux. Cela me rassurait, et je sentais la présence d'Hélios près de moi. Mais maintenant, je ne ressens plus que de la peur, et une angoisse quotidienne, de les entendre hennir de nouveau... Car, cela signifierait un danger immédiat, pour moi, tout comme pour mon fils.

Dans une heure, j'irai au temple d'Athéna, pour continuer de prier sa protection, comme je le fais chaque jour. Je suis persuadée que la déesse peut m'entendre, tout comme les autres...

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant