Akenna-TOME 2- Le retour du serpent

Chapitre 32

– Hermès !

– C'est bien la première fois que quelqu'un est aussi content de me voir, dit le dieu en riant.

Le messager me rend mon étreinte, et me serre fort contre lui, comme s'il ne m'avait pas vue depuis des siècles. Lorsque je me remets de mes émotions, je lâche Hermès, qui se met à observer l'endroit où nous nous trouvons.

– Bon, raconte-moi un peu ce qu'il t'arrive.

– Tu sais à quel point Ectellion et Emeïdes sont en danger.

– Oui, j'en ai conscience...

– Ils le resteront jusqu'à ce qu'Hélios soit mort.

– Tu sais bien qu'on ne peut pas tuer un dieu.

– Pas tant que mon arme ne sera pas plongée dans le sang de l'Hydre de Lerne.

– L'Hydre ? Alors tu es au courant de ses pouvoirs ?

– Tu le savais ?!

– Bien sûr, mais j'avais juré à mon père de garder le secret, même si je ne suis pas très doué pour cela.

– Peu importe. Le sang se trouve aux Enfers, et tu es le seul à pouvoir nous y conduire.

– Vous ?

– Moi et deux Amazones que j'ai rencontrées.

– Je veux bien t'emmener là-bas, mais elles non. C'est déjà suffisamment dangereux pour toi, qui es de sang-mêlé, alors je n'ose imaginer ce qu'il se passera pour tes deux amies.

Hermès a raison. Le risque est déjà assez élevé pour moi, mais si en plus Khlarys et Talitsa m'accompagnent, ça sera catastrophique. Nous devons atteindre les Enfers, franchir le Styx, puis passer les portes du palais d'Hadès, tout en évitant Cerbère. Le plus dur, sera d'en ressortir en vie.

– Très bien, nous n'irons que tous les deux, dis-je finalement.

– Parfait. Mais nous devons faire vite, les espions d'Hélios sont partout.

– Je le sais. Nous avons déjà rencontré les sirènes.

– Va les prévenir, et nous partons. Je t'attends ici.

Je dévale la falaise à toute allure, et rejoins les deux Amazones, qui se sont assoupies quelques instants. Je les réveille doucement, puis les informe de mon départ, et qu'elles n'ont pas le droit de m'accompagner. Mais Khlarys n'est pas de cet avis.

– Il est hors de question que tu ailles aux Enfers sans nous ! C'est dangereux enfin !

– Voilà pourquoi vous ne pouvez pas venir avec moi. Hermès sera à mes côtés et veillera sur moi, mais il ne peut pas le faire pour nous trois. Hadès est mon oncle, il n'osera jamais éveiller la colère de mon père.

– Mais...

– On se reverra. Prenez le bateau, et partez pour Athènes. Je vous retrouverai là-bas.

Khlarys hoche la tête, et Talitsa me gratifie d'un sourire entendu. Je remonte alors jusqu'à la falaise, où m'attend comme convenu Hermès.

– On y va alors ? demanda-t-il.

– Je suis prête.

– Parfait, alors monte sur mon dos et accroche-toi bien. N'oublie pas que tu as en face de toi le dieu le plus rapide.

– Après moi bien sûr. Dois-je te rappeler qui t'a battu lors d'une course de métamorphose ?

– Que je sache, tu n'es plus une déesse, et en plus mes nageoires me ralentissaient...

– Mais bien sûr.

– Bon, tu montes ou je t'abandonne ici ?

Je ris, puis m'exécute. Je m'agrippe au cou d'Hermès, qui maintient mes jambes, au cas où je lâcherais prise. Le messager des dieux s'envole alors au-dessus de la mer. Je jette un dernier coup d'œil derrière moi, pour guetter le départ de Khlarys et Talitsa. Je ne peux les distinguer que quelques secondes, puisque nous volons à la vitesse du vent. Pour une fois, Hermès n'a pas menti, ou bien exagéré sur ses capacités. Je n'ai même pas le temps d'admirer la mer, que nous sommes déjà arrivés sur la terre ferme.

Tout d'un coup, Hermès s'arrête net, en plein ciel. Juste en-dessous de nous, un énorme gouffre menace de nous aspirer dans ses entrailles. Le messager des dieux se tourne vers moi, avec un large sourire.

– Ne t'en fais pas, me rassura-t-il. J'ai emprunté ce chemin des milliers de fois.

– Je n'ai pas l'intention de changer d'avis.

– Têtue comme tu es, je l'ai compris.

Hermès se laisse alors tomber dans le vide, la tête en bas. Nous plongeons alors dans le gouffre, aussi sombre que les ténèbres. Je m'agrippe encore plus au dieu, de peur de le lâcher. Il ne pourrait pas me retrouver dans une pareille obscurité.

Juste en-dessous de nous, je vois de la lumière apparaître. Mais pas n'importe laquelle. Elle semble rouge, visqueuse et ductile. Nous frôlons la lave, ce qui me fait hurler de peur, et rire Hermès.

Nous passons par une nouvelle petite grotte, et le fleuve Achéron se présente à nous. L'odeur de souffre se propage dans mes narines, tandis que des jets de ce gaz s'échappent de différents cratères. Il ne nous faut pas longtemps pour atteindre le Styx. Là, les cris des âmes égarées se font entendre, ce qui m'effraie davantage que la lave ou le souffre. Mais je me rassure, en me disant que je suis dans les airs, avec Hermès, et que tout ira bien, tant que je reste avec lui. Un peu plus loin, une ombre traverse le fleuve, sur une barque délabrée. Charon, l'odieux passeur, lève les yeux vers nous, intrigué par notre venue. Il est aussi effrayant que le disait ma mère dans ses histoires.

Nous continuons notre traversée, jusqu'à arriver aux portes des Enfers. Là, des âmes enchaînées, attendent leur jugement. Elles lèvent leurs yeux fatigués vers nous, puis les rebaissent aussitôt. Pauvres gens. Est-ce cela le prix à payer pour atteindre les champs Élysées ou ceux d'Asphodèle ? Comme j'aimerais pouvoir les aider... Mais pour obtenir les faveurs du seigneur des Enfers, je dois avoir une attitude irréprochable, et ne surtout pas me mêler de ses affaires. Hermès s'avance vers la porte, mais sursaute en entendant un aboiement assourdissant.

– Oh Cerbère ! s'énerva-t-il. Tu me fais le coup à chaque fois !

Le gardien des Enfers apparaît, dans toute sasplendeur. Je reste figée, tétanisée par le monstre s'offrant à ma vue. Sesgrands yeux noirs se tournent vers moi, et l'animal se met à grognersauvagement, prêt à attaquer. Hermès fait alors demi-tour et me prend par lebras pour me ramener près de la porte. Cerbère continue sa techniqued'intimidation, tandis que la porte s'ouvre, sur le royaume des Enfers.L'endroit, où mon destin sera scellé.