Chapitre 11

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Cela doit faire deux heures que je suis dans la salle du trône. C'est le jour des requêtes, et je dois être aux côtés de la reine dans ces moments-là. D'ailleurs, Khione soupire d'agacement. Elle en a assez d'entendre depuis le début de l'après-midi les jérémiades des athéniens.

Un homme entre dans la salle. Il doit s'agir d'un marin. Il s'agenouille devant ses souverains, jusqu'à ce qu'Agamédès l'autorise à se relever.

– Bonjour marin, quelle est ta requête ?

– Je n'ai aucune demande, mon seigneur.

– Que fais-tu ici alors ?

– Sir, avec mes hommes nous avons découvert une nouvelle île, dans les Sporades. Il n'y avait personne à part un jeune homme d'une vingtaine d'années qui était gardé par des soldats. Nous l'avons libéré et amené ici.

– Bien. S'il n'est pas dangereux, il peut rester dans ma cité. Mais je vais envoyer quelqu'un vérifier son état. Akenna ? Tu veux bien t'en charger ?

– Bien votre majesté.

Khione me sourit, tandis que je suis le marin, pour qu'il me conduise jusqu'à ce mystérieux prisonnier évadé. Pourquoi l'a-t-on enfermé sur une île déserte ? La curiosité fait accélérer mes pas, alors que nous quittons le palais.

– Dîtes moi, comment l'avez-vous trouvé ? demandai-je au marin.

– Par hasard. Nous naviguions et nous sommes tombés sur cette île. Là, j'ai entendu ce jeune homme m'appeler et il m'a raconté pourquoi on l'a enfermé.

– Quel crime avait-il commis ?

– Aucun. Il nous l'a affirmé, et je le crois. Nous avons navigué des mois ensemble, et il nous a été d'une grande aide.

– J'imagine qu'il n'était pas en très bon état.

– Non, en effet. Ses cheveux étaient longs et sales, et une barbe mal entretue avait poussé. Son corps était tellement squelettique...

– Pauvre homme.

– Mais durant ces quelques mois, il a repris des forces. Maintenant, il est très beau.

Le marin rit, tandis que je souris. Nous arrivons au bateau, où mon accompagnateur me demande d'attendre sur le port. J'ai hâte d'entendre l'histoire de ce jeune survivant. Il doit avoir tant à raconter. Le marin revient en courant dans ma direction, et me demande précipitamment.

– Votre nom, c'est bien Akenna, n'est-ce pas ?

– Heu...oui.

– Parfait, je reviens tout de suite.

Le marin a un immense sourire aux lèvres, tandis qu'il remonte la planche pour rejoindre son navire. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas son attitude.

Soudain, j'écarquille les yeux. Un fantôme, un esprit, un mort se présente devant moi. Ses cheveux bruns volant sur son front, ses yeux noisette, son sourire ravageur...je n'arrive pas à croire que je revois tout cela aujourd'hui. Les larmes me montent aux yeux, alors que le jeune homme saute du bateau et se précipite pour me prendre dans ses bras.

Je le sens m'enlacer, son souffle puissant contre ma joue, ses cheveux me chatouiller, et sa voix me murmurer des mots doux. C'est à ce moment-là que je me mets à pleurer.

– Je t'aime Akenna.

– Ectellion.

Je ne veux plus le lâcher. J'ai peur qu'il reparte si je le laisse m'échapper. Trois ans sans le voir, en le croyant mort. J'avais fini par accepter le fait que je ne le reverrais jamais, et pourtant il est bien là. Ectellion s'écarte légèrement de moi, des larmes dévalant ses joues à une vitesse folle. Ses doigts caressent mon visage, avec une douceur que j'avais oublié. Mes yeux sont hypnotisés par les siens.

– Tu es là, pleurai-je.

– Oui, et je ne pars plus, je te le promets.

Ectellion dévore mes lèvres, alors que je me laisse porter par son baiser. Un feu consume mon cœur, provoquant une brûlure insupportable. Mais que cette douleur est vivifiante, et agréable.

Soudain, je me souviens que nous ne sommes pas seuls. Le soleil nous observe. Je défaits mon voile, et le lève pour cacher Ectellion.

– Hélios est toujours là, il ne doit pas nous voir.

Ectellion hoche la tête, mais je sais bien qu'il ne m'écoute pas. Son regard est toujours porté sur mes lèvres, qu'il embrasse de ses yeux noisette.

– Viens, allons nous installer à l'abri des regards, proposai-je.

– Je vais où tu veux, tant que tu restes avec moi.

– Évidemment que tu seras avec moi. Je ne te quitte plus des yeux.

Ectellion rit, tout en se jetant de nouveau sur mes lèvres. Je savoure ce moment, comme si c'était la dernière fois. Mais nous aurons tout le temps de discuter et de nous embrasser lorsque nous serons rentrés au palais. Je tire alors Ectellion par la main, pour qu'il me suive. Il se poste à ma hauteur, le voile cachant nos têtes du soleil.

Nous rentrons au palais, alors que mon amour retrouvé observe les lieux avec de l'émerveillement.

– J'ai le droit de t'appeler votre majesté cette fois-ci. Tu habites vraiment là ? me demanda Ectellion.

– Oui. Je suis la servante de la reine Khione. Je te la présenterai plus tard.

– J'ai hâte de savoir comment tu es arrivée ici.

– On va monter dans ma chambre, et je t'expliquerai une multitude de choses.

Nous montons les escaliers pour rejoindre mes appartements, où je fais très attention de ne pas croiser Emeïdes. Comment vais-je réussir à avouer à Ectellion qu'il a un fils de trois ans ? La nouvelle paraît facile à dire en apparence, mais j'imagine déjà le choc qu'il va recevoir en apprenant cela...

Nous entrons dans ma chambre, et je ferme discrètement la porte.

– Tu as besoin de quelque chose ? demandai-je à Ectellion alors qu'il s'assoit sur le lit. À manger, ou à boire ?

– Non. Je ne veux que toi près de moi.

Je souris, puis viens m'allonger contre lui. Son brasm'entoure de manière possessive, alors que sa bouche reste collée contre monfront. Le voilà enfin avec moi, et je suis contre lui, en sécurité. J'aiimaginé ce moment tellement de fois, que j'ai l'impression de rêver encore.Pourtant je le touche, je sens son odeur, je caresse son visage, et il nedisparaît pas. Il est donc bien réel. Ectellion est revenu. 

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant