Chapitre 30

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La mer est calme, tout comme le vent. Nous naviguons depuis plusieurs jours, sans aucun encombre. Avec Khlarys et Talitsa, nous avons traversé la mer Noire, et nous allons bientôt arriver à la frontière entre la mer Égée et celle de Marmara. Nous nous rapprochons de la Grèce. Je ressens une profonde anxiété, car je ne me sens pas en sécurité. Mon père ne contrôle pas cette mer, et ne pourra donc pas venir à mon secours, si jamais un danger venait à se présenter.

– Tu es toujours stressée comme ça ? me demanda Khlarys tout en aiguisant son glaive.

– Je serai plus tranquille lorsqu'on aura atteint la mer Égée.

– Oh, mais arrête de t'inquiéter. Je te rappelle que tu es avec les deux meilleures guerrières des Amazones, alors tout va bien.

– Dois-je te rappeler qui t'a battue durant un combat ?

Talitsa rit dans sa barbe, mais Khlarys s'en aperçoit et fronce les sourcils.

– Continue de rire toi, et je t'arrache la langue, menaça l'Amazone.

– Essaie un peu pour voir.

Khlarys lâche un léger sourire, et se jette sur son amie, qui se tord de rire, tout en tombant au sol. Je m'esclaffe également, amusée par la dispute des deux Amazones. Mais mes rires cessent, lorsque je remarque que des falaises rocheuses forment un étroit chemin pour notre bateau.

– Les filles, on approche des Dardanelles, informai-je

– Très bien, le jeu est terminé. On se remet à son poste.

Chacune de nous reprend sa place. Talitsa à la barre, Khlarys près de la voile, et moi sur le pont avant, pour guetter les rochers. Nous entrons dans les Dardanelles, le dernier chemin conduisant à la mer Égée. Une fois passées, nous serons en sécurité. En attendant, je reste aux aguets, observant le moindre recoin.

C'est alors qu'un chant mélodieux se fait entendre, juste devant nous. Les voix sont si claires et magnifiques, mais surtout ensorceleuses. Talitsa vient se poster à côté de moi, pour mieux écouter ce chant, que l'on n'a pas l'habitude d'entendre.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

– Des sirènes, dis-je en allant prendre mon glaive.

Khlarys quitte également son poste, pour chercher son arme. Les sirènes sont des créatures mi-femmes, mi-oiseaux. De nombreux hommes ont déjà eu affaire à elles. Parmi tous ceux-là, seul Ulysse est parvenu à leur échapper. Nous, nous sommes des femmes, donc nous ne serons pas hypnotisées par leur chant, mais elles n'en restent pas moins dangereuses.

– Je croyais qu'elles vivaient à l'entrée du détroit de Messine, dit Khlarys en préparant son arc.

– On dirait bien qu'elles ont pris des vacances.

– Dans un endroit pareil ? Elles n'auraient pas pu choisir un lieu plus paradisiaque ?

– T'auras qu'à leur demander, on approche.

– Je n'y manquerai pas.

Nous arrivons près des rochers, où les sirènes sont posées, chantant de leur voix envoutante et mortelle. L'un d'elle a les cheveux noirs, et les yeux bleus. Elle me gratifie d'un sourire, dévoilant ses longues dents acérées.

– Et bien, et bien, dit-elle. Nous avons de la compagnie mes sœurs. Pas n'importe laquelle, deux belles Amazones. Mais...qui vois-je à leur côté ? Ne serait-ce pas Akenna ? La fille de Poséidon, mais aussi la femme d'Hélios ? Quelle belle surprise !

– Doit-on le prévenir ?

– Oui ma sœur, après tout, nous avons passé un marché avec lui.

– Et des deux autres ? Qu'est-ce qu'on en fait ?

– Tuez-les.

Les sirènes s'envolent alors, tout en riant méchamment, et finissent par foncer sur nous. L'une d'elle me crie :

– Hélios nous paiera très cher lorsqu'il apprendra qu'on a retrouvé son épouse adorée.

Voilà donc pourquoi les sirènes avaient quitté le détroit de Messine. Elles sont des complices d'Hélios, et il les a chargées de surveiller les Dardanelles, au cas où je tenterais de m'enfuir. Il ne faut pas que cette sirène arrive jusqu'au dieu du soleil, autrement ça serait la fin. Je cours jusqu'au pont avant, et saute du bateau. Je réussis à attraper les pattes aux longues griffes acérées de la sirène, qui pousse un cri.

La créature vole alors plus vite, dans le but de me faire tomber à l'eau. Elle zigzague violemment dans tous les sens, de sorte que je lâche prise. Mes mains me font mal, et mes poignets s'écorchent sous les serres de la sirène. Je crie de douleur, en sentant une griffe entrer dans ma peau, mais je ne lâche toujours pas prise. Si je la perds, Hélios sera prévenu de mon retour. Je tire alors de toutes mes forces, pour affaiblir le monstre, qui continue de crier sauvagement. Elle longe à présent la falaise du détroit, jusqu'à ce que je finisse par lâcher, à bout de force. Je tombe donc à terre dans une roulade, attrape mon glaive, et continue de courir.

J'arrive au bout de la falaise, et saute de nouveau sur la sirène, mais pour cette fois-ci la frapper de mon glaive. La bête hurle de douleur, et finit par tomber dans la mer. Je plonge alors dans la mer Égée, non loin du corps inerte de la sirène. Mes poignets me brûlent atrocement à cause de l'eau salée. C'est alors que des petites bulles d'air remontent à la surface. Elles se multiplient rapidement, jusqu'à ce que je ne puisse plus rien voir. Je décide alors de remonter à la surface. Une fois un grand bol d'air pris, je remarque que je ne sens plus la douleur sur mes poignets. Mes traces de griffures ont disparu... Je soupire de soulagement, remarquant les effets des pouvoirs de mon père. Me voilà donc bien de retour sur la mer Égée.

Je nage jusqu'à l'entrée du détroit, espérant voir Khlarys et Talitsa revenir. Je retrouve mon calme, lorsque je vois le bateau approcher, avec mes deux amies. Khlarys a une trace de griffure sur sa joue, et Talitsa est blessée au bras. Une fois sorties du détroit, elles immobilisent le bateau, et sourient en me voyant.

–Difficile à tuer hein ? dit la guerrière sombre.

– Tu n'as pas idée.

Talitsa me tend sa main, pour que je puisse remonter sur le bateau. Elle grimace de douleur, tout en constatant les blessures faites sur son bras droit.

– Plonge-le dans la mer, lui conseillai-je.

– Pourquoi ?

– Tu vas voir.

Talitsa m'obéit, et effectue le geste que je lui ai indiqué. Les gouttes d'eau réapparaissent, et guérissent le bras blessé de l'Amazone, qui rit d'émerveillement.

– Les dieux ne sont pas tous mauvais, lui dis-je en allant reprendre mon poste.

Je m'appuie contre le devant du bateau, et observe l'horizon. Je me sens plus apaisée d'être revenue sur la mer Égée. Le plus dur est passé. Du moins...c'est ce que j'espère. 

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant