Akenna-TOME 2- Le retour du serpent

Chapitre 18

La nuit tombée, nous rentrons au palais pour un grand festin ouvert à tous. Quoi de mieux qu'un repas plus que copieux avec les athéniens, pour profiter de la soirée. Avec Khione, nous avons passé énormément de temps à nous préparer, sous les appels impatients d'Agamédès et d'Ectellion. Ces deux-là sont faits pour s'entendre, ils ont le même caractère.

Avec la reine, nous nous dirigeons vers la salle du banquet. C'est en descendant les grands escaliers, que le roi et Ectellion nous voient. Ils attendaient tous les deux, patiemment, riant de bon cœur. Lorsque j'entre dans le champ de vision du braconnier, son regard se braque sur moi, et ne quitte plus sa cible, jusqu'au moment où je me poste devant lui, le sourire aux lèvres.

– Tu es...magnifique, bafouilla-t-il.

Agamédès a la même réaction embarrassée et admirative pour sa femme. Khione se met alors à rougir, tandis qu'elle se crispe et se mord les lèvres. Ces deux-là sont fous l'un de l'autre, mais ils sont bien trop réservés et maladroits pour se l'avouer.

Ectellion plie le bras pour m'escorter. Nous nous engouffrons alors dans la salle du banquet, où la musique et les danses dominent l'espace. Tout est tellement parfait. Le peuple est heureux, les enfants comblés par les jeux, et les souverains confiants.

– Tu viens danser ? me proposa Ectellion.

– Avec joie.

Nous nous mêlons à la ronde dansante et aux chants, main dans la main, les enfants au centre. Je me souviendrai toute ma vie de cet instant. La joie, les rires, les chants et les danses représentent l'univers tout entier. Même si dans seulement quelques heures ces moments ne seront plus que des souvenirs, je saurai les faire revivre par la pensée. Peu importe les malheurs passés et à venir, je saurai tenir bon, grâce à ces voyages intérieurs.

Cela fait maintenant des heures que je danse avec Ectellion et Emeïdes. D'ailleurs, celui-ci commence à bailler, et il se fait tard. Je le prends alors dans mes bras, et retourne m'asseoir près de Khione, mon petit ange somnolant. Son père ne tarde pas à nous rejoindre, et à s'accroupir devant nous, admirant son fils, porté par Morphée dans le monde des rêves.

– Lorsqu'il dort, il est encore plus adorable, déclarai-je.

– C'est sûr qu'il nous casse moins les pieds, alors je confirme, il est mignon comme ça.

Je jette un regard noir à Ectellion, qui se met à rire face à ma réaction.

– Tu sais parfaitement que je plaisante Akenna. Sa joie de vivre est encore présente même lorsqu'il dort. Comme il te ressemble.

– Physiquement, je suis d'accord. Mais c'est de toi qu'il tient son caractère intenable.

– Ça veut dire quoi ça ? Laisse mon caractère, qui est d'ailleurs aussi beau que mes yeux, tranquille.

Je ris, tout en berçant Emeïdes. Je devrais monter le coucher dans son lit, il serait mieux. Alors que je me prépare à me lever, mon regard se porte sur Ectellion. Ses yeux demandent à pouvoir porter son fils, dont il ignorait encore l'existence il y a seulement quelques semaines.

– Tu veux bien l'amener dans son lit ? lui demandai-je d'une voix compréhensive.

– Je...je peux ?

– Évidemment. Tu es son père, alors tu as parfaitement le droit de faire cela.

Ectellion tend les bras, pour que je lui donne Emeïdes, qui se met à gigoter, puis à se recroqueviller contre le vêtement de son père, lorsqu'il sent sa chaleur. Après un dernier baiser, le père et l'enfant quittent la salle. J'aurais aimé le faire moi-même, mais Ectellion a bien plus de temps à rattraper avec son fils, que moi. Et puis, je dois rester aux côtés de Khione, autrement elle me ferait des reproches.

– Le petit s'est endormi ? demanda-t-elle lorsque je la rejoins.

– Oui. Ectellion le ramène dans sa chambre.

– Parfait. Il a tellement d'années à rattraper avec Emeïdes.

– Beaucoup trop...

Je regrette soudain de lever le regard vers la foule, car je croise encore une fois celui d'Hypérion. Le tartare règne dans ses yeux. Les flammes et les cris de douleurs des âmes, sont le reflet de sa colère. Cela me rappelle son désir de vengeance, même si au fond, je suis certaine qu'il ne fera aucun mal à personne. Les poings serrés, et le visage humide de goûtes de sueur, il quitte la salle de banquet.

– Que se passe-t-il avec Hypérion ? demanda Khione.

– Rien qui n'en vaille la peine d'être raconté.

– En ce qui te concerne, tout doit être dit, n'oublie pas cela.

– D'accord, dis-je dans un soupir.

Khione a raison. Je ne dois rien lui cacher, même pas une histoire comme celle-ci. Chaque détail pourrait faire basculer le cours de ma vie. À cause de la colère du chef de la garde, les choses pourraient tourner mal...

– Avant le retour d'Ectellion, Hypérion m'a fait des avances. J'ai pourtant essayé de lui répondre gentiment et clairement, que ce n'était pas possible, mais il n'a rien voulu savoir. Il est en colère contre moi depuis ce jour. Sa rage s'est attisée lorsque son rival est revenu. Il est presque devenu violent avec moi.

Par reflexe, je serre mon poignet, celui qu'Hypérion ne voulait plus lâcher... Khione pose sa main sur la mienne, ce qui me ramène à la réalité et m'aide à me détendre.

– Il m'a promis de se venger, poursuivi-je.

– Écoute. Je sais qu'Hypérion est une personne impressionnante, qu'il paraît dur, parfois même effrayant, mais il n'est pas dangereux. Il ne fera de mal à personne, pas même à Ectellion, j'en suis certaine.

– J'espère que tu as raison.

Ma main toujours emprisonnée dans celle de Khione, j'essaie de me concentrer sur autre chose pour chasser ma peur. Il y a encore quelques secondes, je ne croyais pas à la provocation du chef de la garde. Mais maintenant, je crains que ce ne soit plus qu'une menace. Comme il l'a dit lui-même, c'est une promesse. Je prie tous mes dieux alliés, pour que je me trompe.

Seulement, un évènement vient confirmer mes soupçons. La peur m'envahie lorsque j'entends une voix invoquer un dieu. Pas n'importe quelle personne, puisqu'il s'agit d'Hypérion. Et puis, il n'invoque pas un dieu ordinaire, mais bien Hélios...