Chapitre 21

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– Gardes, emmenez-la.

Répondant aux ordres du serpent, les soldats quittent les entrées et viennent m'encercler. Deux d'entre eux me prennent chacun un bras, m'immobilisant sur place. Hélios en profite pour se rapprocher de moi, et me demander :

– Tu ne veux pas emmener ton petit batard ? Ou bien...mon cher ami Ectellion ? Car si ce qu'a dit Hypérion est vrai, il est...vivant.

Le dernier mot prononcé par le dieu du soleil résonnait comme une insulte, un mot maudit qu'il ne faut pas prononcer, sous peine de mourir immédiatement.

– Laisse-les en dehors de tout ça. Tu m'as moi, c'est bien ce que tu voulais non ?

– Avoir deux trophées en plus, ça aurait été amusant, mais je me contenterai amplement de toi. Soldats, on rentre !

À ces mots, les gardes ayant les mains libres, s'effacent de notre champ de vision, alors qu'Hélios claque des doigts, sans pour autant me lâcher de son regard d'assassin. Les hennissements de ses chevaux se font entendre, faisant trembler le sol sous nos pieds. Les personnes présentes dans la salle s'enfuient en hurlant, tandis que les soldats de la garde royale retiennent Khione, qui m'appelle. Le plafond s'effondre, et les chevaux d'Hélios apparaissent, et viennent se poser. Le dieu du soleil m'attrape par le bras, et me tire de force sur son char.

Nous décollons tout de suite. Hélios garde une main autour de ma taille, pour me maintenir, tandis que je sens sa respiration dégoutante, se rapprocher de ma joue. Nous passons à présent au-dessus de la mer. Je me penche légèrement, puis prends une décision radicale. Après avoir donné un coup de pied à Hélios, j'escalade le char et saute dans le vide.

Me voilà à présent libre, le souffle coupé, comme lorsque je dévalais la falaise de l'Olympe. Mais mon instant de délivrance n'est que de courte durée, puisque je vois juste en-dessous de moi, le char d'Hélios, empêchant ma chute. Je cris alors, lorsque je tombe dans les bras du serpent. Il me repose immédiatement, et plaque ma main contre le bord de notre moyen de transport, et utilise ses pouvoirs pour faire apparaître dans l'immédiat, une corde dorée autour de mon poignet, attachée solidement au char. Elle est incassable, bien entendu. J'ai beau tirer de toutes mes forces, le lien ne se brise pas.

– Arrête de te blesser inutilement, s'énerva Hélios.

– Pourquoi ? De toute façon tu vas te débarrasser de moi.

– Moi ? Te tuer ? ria le serpent. Ça serait idiot.

Nous continuons le reste du chemin en silence, jusqu'à ce que nous arrivions au bord d'une falaise, où est placée une vielle maison en ruine, et abandonnée. Le char d'Hélios se pose au sol, et le dieu du soleil me fait descendre. Il me reprend par le bras, et me traîne jusqu'à l'intérieur de la maison, où il n'y a rien à part une trappe. Il l'ouvre, non sans me lâcher, puis m'oblige à dévaler les escaliers.

Une fois à l'intérieur, il fait complètement noir. Je n'entends que les pas d'Hélios, se diriger vers l'opposé de la pièce. Un objet circulaire, posé sur un trépied, s'allume alors et dégage la même chaleur que le soleil. C'est une boule de feu miniature, qu'Hélios a ramené à la vie. Deux chaises sont posées, l'une en face de l'autre. Le serpent s'installe sur l'une d'elles, et m'invite à m'asseoir. Je me contente de le fusiller du regard.

– Toujours ces yeux mauvais avec moi hein ? dit Hélios dont le ton est marqué par de la tristesse.

– Tu t'attendais à quoi ? À ce que je saute dans tes bras et t'appelle mon amour ?

– J'avoue que ça ne me déplairait pas.

– Tu me dégoûtes.

– Voilà tout ce que tu ressens pour moi maintenant ?

Tout en disant sa phrase, Hélios s'est levé et se dirige à présent vers moi. Quant à moi, je recule jusqu'à me retrouver bloquée contre le mur.

– C'est bien dommage, poursuivit Hélios. Parce qu'on se verra beaucoup plus souvent toi et moi. Après tout, nous avons trois maudites années à rattraper.

– Je trouverai bien un moyen de m'enfuir.

– Tu sais pourtant bien que le serpent est beaucoup trop intelligent pour cela.

– Peut-être, mais le désir de vengeance l'est encore plus.

– Tu crois ça ? demanda-t-il en se rapprochant de mon visage.

– J'en suis certaine, dis-je en rentrant dans son jeu.

J'entends la respiration d'Hélios s'accentuer, tout comme son désir. Ses lèvres se rapprochent davantage des miennes, mais je détourne mon visage aussitôt. Il est hors de question que cet assassin me touche. Ses avant-bras se placent de part et d'autre de ma tête.

– Tu m'appartiendras de nouveau Akenna, que tu le veuilles ou non.

– C'est une menace ?

– Non, une promesse.

– Et bien moi aussi je vais te promettre une chose. Je préfère crever ici, plutôt que de rester avec toi.

– Si tu tiens à la vie de ton fils, je te conseille de revoir ta décision.

– Tu ne sais même pas où il est. Et puis, il a dû partir avec Ectellion depuis le temps. Tu ne les retrouveras plus.

– Es-tu vraiment prête à prendre le risque ?

– Voilà trois années que je ne vis qu'avec cela.

– Bien, comme tu le souhaites.

Hélios s'éloigne de moi de quelques pas, et se prépare à partir. Mais un nouveau sourire domine son visage de démon, et le serpent se décide à reprendre la parole.

– Oh, et une dernière chose.

Il s'élance alors dans ma direction à une vitesse folle, et plaque ses lèvres sur les miennes, tout en me tenant les poignets. Il réussit à entrouvrir mes lèvres, jusqu'à ce que sa langue parvienne à se frayer un passage. Je le mords alors à pleines dents. Un cri de douleur se propage dans toute la cave, jusqu'à ce que je lâche le dieu, qui s'écarte alors de moi. Il tire la langue pour constater les dégâts, mais voilà que la cicatrisation opère déjà, recousant efficacement la moindre parcelle de peau. Je sens encore le goût métallique de l'ichor d'Hélios dans ma bouche, alors que sa langue ne montre pas la moindre égratignure. Un rire sinistre résonne à présent.

– Tu peux me faire mal, mais tu ne me tueras pas, car rappelle-toi que je suis un dieu, se venta Hélios. Très bientôt, tu changeras d'avis à mon sujet, puisque tu ne verras plus que moi. Je reviendrai te voir le plus tôt possible ma belle. En attendant, penses bien fort à moi.

À ses mots, le serpent disparaît, me laissant seule, éclairée seulement par le soleil miniature. Je me laisse alors tomber dans un coin de la pièce, et me recroqueville. Je ne veux plus voir la réalité, qui est bien trop cruelle. Mes anciens cauchemars ne s'arrêteront donc jamais...

Akenna-TOME 2- Le retour du serpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant