42/ ECRIRE

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Écrire, c'est capturer quelques souvenirs uniques dans des pochettes immenses
C'est coller ses tympans sur l'enceinte afin d'approcher l'silence
C'est l'insolence du cerveau d'celui qui à l'apogée s'élance
C'est voir défiler sa vie dans l'noir jusqu'à la prochaine séance


PDV IRIS

[Elle déposa son manteau sur la chaise en bois de la petite cuisine. La vue de la Spanakópita posée sur le plan de travail la fit sourire. C'était une spécialité grecque, un feuilleté aux épinards et à la feta. Sa grand-mère savait à quel point Athénaïs aimait cela. La jeune grecque avait toujours apprécié les petites attentions de sa grand-mère. Elle lui préparait de bons plats, elle lui faisait découvrir de joli coin de l'île et elle lui racontait des histoires. Athénaïs ne s'en lassait pas. Elle aurait aimé vivre ici pour le reste de sa vie, auprès de sa grand-mère. Malheureusement, elle savait que c'était impossible Sa vie n'était pas là, elle était à Paris. Mais ici, elle se sentait comme chez elle. Elle se sentait apaisée et calme. Ici, la vie était simple, sans embûches. Ici, elle n'avait pas à se poser toutes les questions qu'elle se posait lorsqu'elle était à Paris.]

-Iris ? Appela la voix de Mona.

Je grommelais des mots incompréhensibles et relevais la tête. J'enregistrais mon document et fermais l'écran de mon Mac.

Mona était appuyée sur la table de la salle à manger où j'étais installée. Elle me fixait de ses yeux.

-Oui ? Demandais-je pour l'encourager à parler.

-Tu comptes retourner bosser à la bibliothèque ?

Je fronçais les sourcils. Pourquoi elle me parlait de ça ?

J'haussais les épaules.

-J'ai dit à Sophie que j'étais malade cette semaine, dis-je.

Ce fut à son tour de froncer les sourcils. Elle me détailla quelques secondes. Il était clairement évidemment que je n'étais en aucun cas malade. Ces derniers temps, je ne souhaitais pas sortir. Je continuais de passer mes journées devant mon ordinateur à écrire mon livre. Cela aller bientôt faire un mois que je n'étais pas allée travailler et que je ne faisais qu'écrire. Un mois que je mentais à ma patronne en lui disant que j'étais malade. Je me demandais comment elle faisait pour me croire et surtout pour ne pas me virer. Je savais cependant que je serai bien obligée d'y aller au moins pour m'expliquer et démissionner.

Cela faisait donc un mois que je ne faisais qu'écrire. J'étais rendue à plus de 300 pages de mon roman. Je ne savais pas quand je comptais m'arrêter mais l'inspiration ne faiblissait pas. Chaque jour, j'avais de nouvelles idées et pour ne pas les perdre j'étais obligée de les noter et de les classer. Je m'en voulais presque de faire subir tout ça à mon personnage principal. Je m'en voulais de faire subir ma vie à ce personnage. Ce livre que j'écrivais était une sorte de roman autobiographique. Un peu à l'image de l'œuvre d'Elena Ferrante. Bien évidemment, je ne me comparais pas à elle. C'était une immense écrivaine italienne avec bien plus d'expérience que je n'en avais.

-Tu sais que tu vas pas pouvoir continuer comme ça, ajouta Mona comme je ne réagissais plus.

Ces derniers temps, Mona avait pris un certain plaisir à s'adresser à moi comme si elle était ma mère. Au début, je trouvais ça gentil qu'elle se préoccupe de moi. Petit à petit, cela commençait vraiment à ma saouler qu'elle se mêle ainsi de ma vie.

-Je sais Mona, je vais démissionner.

Ma meilleure amie fit les gros yeux.

-Vraiment ?

J'acquiesçais.

Depuis ce fameux drame où Ken avait appris la vérité, j'avais l'impression que ma vie avait bousculé, qu'elle avait pris un nouveau tournant. J'avais la conviction que c'était une certaine "chance" que m'avait donné la vie pour commencer quelque chose de nouveau, quelque chose que j'aimais.

Ecrire.

Je souffrais toujours de n'avoir aucune nouvelle de mon frère et je m'en voulais toujours autant de le faire souffrir. J'étais toujours aussi tiraillée entre prendre des nouvelles d'Idriss et laisser le temps faire.

J'allais parfois faire un tour sur son Instagram et j'avais pu voir que lui et les gars étaient en pleine tournée des festivals. J'ignorais comment se passait la cohabitation entre Ken et Idriss. J'avais voulu envoyer un message à Hakim pour savoir mais je savais qu'il le dirait aussitôt à Idriss.

Mona allait répliquer quelque chose mais je fus sauvée par la porte de l'appartement qui s'ouvrit sur Sacha. Je remarquais aussitôt que son visage était fermé et peu serein.

-Tout va bien ? Demandais-je.

Le grec releva la tête vers nous. Il nous fit à Mona de s'asseoir autour de la table et fit de même. J'avais remarqué que depuis quelques temps il n'était pas vraiment dans son assiette et j'espérais qu'aujourd'hui nous allions en savoir la raison.

-J'ai quelque chose à vous dire, lâcha-t-il.

Il commença à jouer avec ses mains puis passa la main dans ses cheveux, nerveux.

-Tu sais que tu peux tout nous dire Sacha, l'encouragea Mona avec un petit sourire. J'en fis de même pour le mettre en confiance.

-Je suis gay.

Malgré sa confidence, je vis qu'il ne semblait pas du tout soulagé de nous avoir avouer cela. Mona et moi continuâmes de sourire. Cet aveu ne changeait absolument rien à notre amitié.

-Il y a autre chose, n'est-ce pas ? Questionnais-je.

Sacha acquiesça. Il se gratta l'arrière de la nuque.

-Le soir où Ken a...a su pour Idriss et toi, j'ai couché avec Hugo.

Cette fois-ci, il baissa la tête. Mona sembla perdue, ne comprenant pas. Quant à moi, je fronçais les sourcils, peu certaine de comprendre aussi.

-Hugo ?

-Hugz.

J'ouvris la bouche puis la refermais. Mon sourire réapparut. Je ne savais pas qu'Hugz aimait les gars.

-C'est pas grave, nan ?

Sacha secoua la tête.

-Tu comprends pas Iris, je peux pas être gay. Mes parents vont pêter un câble, je peux pas leur faire ça. En plus, ça fait des semaines que j'esquive les messages d'Hugo.

Je m'approchais de lui et posais ma main sur son avant-bras.

-Ecoute-moi Sacha, je pense être bien placée pour te dire qu'on ne choisit pas qui on aime, que ce soit une fille ou un mec. Alors, tes parents, tu vas leur expliquer calmement comme tu l'as fait avec nous et s'ils ne comprennent pas alors c'est qu'ils ne te méritent pas.

Il y eut un silence durant lequel je vis dans son regard qu'il pesait le pour et le contre. Finalement, il releva les yeux vers moi et annonça :

-T'as raison, je vais aller en Grèce pour leur dire et comme ça je pourrais réfléchir à la suite.

Cette annonce résonna en moi comme un appel. Mon cerveau me cria de le suivre. Tout mon corps me cria de le suivre. Seul mon cœur refusa, je ne pouvais pas fuir une fois de plus. Pourtant, ma grand-mère me manquait et je savais qu'auprès d'elle je pourrais terminer mon livre.

-Je viens avec toi, lâchais-je après quelques minutes.

La sœur de mon frère, c'est ma sœur // FRAMAL [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant