La sœur de mon frère, c'est ma sœur // FRAMAL [TOME 1]

48/ UN PUTAIN D'GREC

Tu peux ressentir l'aura dans nos raps, sortez les anoraks
On aura bientôt l'orage selon l'oracle
Ma conscience m'a dit "qui es-tu ?"
Veux-tu vivre dans le vice ou dans la quiétude ?

PDV IRIS

-Comment va Sacha ? demanda Mona en s'asseyant face à moi autour de la table de la salle à manger.

J'haussais les épaules. Depuis notre retour de Grèce, le grec n'avait pas prononcé un mot. Nous nous étions retrouvés la veille de notre départ. Cela signifiait qu'au lieu de passer deux ou trois jours, c'est chez parents et de revenir passer le reste des vacances avec moi ; il avait passé trois semaines avec ses parents. Je doutais fortement de cela. Je ne savais pas ce qu'il avait fait pendant ses trois semaines mais j'étais persuadée qu'il n'avait pas passé plus de deux jours chez ses parents. Le fait était que lorsque l'on s'était retrouvé devant la maison de ma grand-mère pour le départ, il m'avait juste fait la bise. Je n'avais même pas entendu le son de sa voix. Le voyage en avion s'était fait dans le silence. Il avait dormi. Et quand nous étions rentrés à la colocation, il était aussitôt allé se réfugier dans sa chambre pour ne plus en sortir. Je soupçonnais qu'il sorte quand plus personne n'était là.

-Probablement mal, dis-je.

-Je m'inquiète Iris, dit Mona.

-Moi aussi.

Ma meilleure amie secoua la tête.

-Je m'inquiète pour Sacha et pour toi, précisa-t-elle.

Je fronçais les sourcils et relevais la tête vers elle.

-Comment ça ? Je vais bien.

Elle esquissa un petit sourire.

-Non. Je sais bien que malgré le fait que tu as passé du bon temps en Grèce, tu ne vas pas mieux. La vérité c'est que tu es toujours coincé entre revenir vers Idriss et arranger les choses avec Ken.

Je baissais la tête. Elle était forte. Très forte. Elle arrivait à lire en moi. Elle savait tout de moi parfois même avant que je ne le sache moi-même.

-Je sais toujours pas quoi faire, avouais-je.

Mona avança ses mains vers moi et les serra aux miennes.

-Pendant que vous étiez partis, j'ai réfléchi et j'ai eu une idée. Si tu n'arrives pas à lui avouer à haute voix, pourquoi n'essaierais-tu pas de lui écrire ?

-A qui ?

-A Ken. Ecris-lui une lettre.

Je secouais négativement la tête.

-C'est lâche, dis-je. Je dois lui dire face à face.

-Je sais ! Mais tu n'y arrives pas et il devient urgent que tu te libères de ce poids.

Elle avait raison. Comme d'habitude. Mais l'idée de devoir écrire provoquait en moi un blocage. J'avais l'impression que c'était presque pire que de le dire à voix haute. C'était pire parce que j'allais voir moi-même ces mots. Ces mots qui me hantaient. Ces mots que je gardais pour moi. Ces mots que j'avais décidé de cacher. Ces mots qui avaient gâché ma vie.

-J'en suis pas capable Mona, me lamentais-je.

Mona me sourit, sincèrement.

-Bien sûr que si. Tu as quand même écrit un livre !

-Pas encore terminé.

-Peu importe, fit mon amie grecque.

-Et puis c'est pas pareil là ! m'emportais-je.

J'envoyais valser ma main dans les airs. Je savais qu'elle avait raison, qu'écrire la vérité était la seule solution et ça me faisait peur.

J'avais peur.

Peur de ne pas réussir à écrire.

Peur de sa réaction.

Peur de perdre mon frère.

-Et comment je lui donne ? On ne se parle plus !

Mona soupira. Je savais qu'elle voulait me canaliser tout en essayant de ne pas perdre son calme. Je savais qu'elle voulait juste mon bien.

-Tu la déposes chez lui.

Admettons. Faudrait déjà que j'écrive cette fichue lettre. Comment faire ? 

C'est ainsi qu'une heure plus tard, enfermée à double tour dans ma chambre, je formais la première lettre de ce long aveu.

Des larmes coulèrent.

Des morceaux de mon cœur déjà brisés se brisèrent de nouveau.

Ma main droite trembla.

Les ongles de ma main gauche s'enfoncèrent dans sa paume.

La vérité était écrite.

Je m'étais libérée d'un poids. Pourtant, pour le moment, je ressentais pas cela. J'avais juste l'impression que je venais de lâcher plusieurs bombes dans cette lettre et qu'elles exploseraient au visage de Ken.