54/ TOMBER DE HAUT

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Je suis médusé, sur le côté je dois mettre du 'seille
Faut mettre du sien, la tempête du siècle va tomber du ciel
J'avais pas d'autre choix que d'prendre ça à coeur, j'suis un boss


PDV IRIS

La veille de l'interrogatoire d'Idriss et le lendemain du dépôt de plainte de Ken,

-T'as rappelé Hugz ? demandais-je à Sacha alors que nous étions tous les deux assis sur le canapé en train de comater d'une soirée non-existante.

Sacha tourna sa tête vers moi, probablement surpris que je pose cette question.

-Non. Il a arrêté de m'envoyer des messages donc je suppose que c'est mort.

-Est-ce qu'au moins t'as répondu à un de ces messages ?

Mon ami grec hocha négativement la tête.

-Je pense surtout que là c'est lui qui croit que c'est mort si tu réponds pas.

Il haussa les épaules.

-Je sais pas quoi faire Iris.

-Commence déjà par me raconter ce qui s'est passé avec tes parents parce qu'apparemment ça ne s'est pas bien passé.

Il acquiesça. J'en étais sûre. Il n'avait presque pas prononcé un mot depuis notre retour et je savais que c'était à cause de l'entrevue avec ses parents. Il leur avait annoncé qu'il était gay.

-C'était le premier soir, pendant le repas, ma mère a fait savoir qu'elle désespérait d'être grand-mère. J'ai pensé que c'était le moment opportun. Je crois qu'au fond je voulais me venger du fait qu'elle me foutait la pression à ce sujet. J'ai donc lâché que j'aimais les garçons. La fourchette de mon père s'est arrêtée à un centimètre de sa bouche et je crois bien qu'il n'a jamais pris cette bouchée. Quant à ma mère, elle est restée de marbre pendant au moins une minute. J'ai lâché un petit rire et une petite vanne du genre « je suis pas malade » mais ça n'a pas détendu l'atmosphère. Ils se sont mis a crier à tout les deux, comme quoi je les décevais, ma mère a dit à mon père qu'il aurait dû me forcer à faire du foot et qu'on en serait pas là. Bref, je te passe les détails.

Je posais ma main sur la sienne comme pour le réconforter.

-Je suis désolée.

-C'est pas ta faute Iris. Je me suis barré et j'ai été dormir chez une voisine les nuits suivantes avant de te retrouver. Je sais que je pourrai pas être heureux si je les laisse parler. Alors j'ai décidé d'avancer, sans eux.

J'esquissais un petit sourire.

-Je suis fière de toi Sacha.

Il me fit un bisou sur la joue.

-Je crois que tu devrais aller parler à Hugo.

Il hocha la tête.

-Je crois aussi.

-Tu l'aimes ?

Il haussa les épaules.

-Je sais pas, je crois c'est trop tôt pour le dire, on a juste couché ensemble. On sait rien l'un de l'autre.

Je lui tapais sur la cuisse pour le motiver à se lever. Je le suivis jusqu'à sa chambre pour l'aider à s'habiller. Je lui choisis un petit polo Lacoste et un jean simple. Je l'accompagnais même jusqu'à la porte prenant à cœur son effort.

Sacha ouvrit la porte. Juste devant se tenait un facteur le bras en l'air, prêt à sonner.

-Iris Samaras ? demanda-t-il.

J'acquiesçais et il me tendit la lettre. Je signais sa feuille et il partit. Je restais quelques temps à inspecter l'enveloppe qui indiquait qu'elle provenait d'un commissariat. Mon cœur s'emballa. Je n'avais rien fait de mal de ce que je me rappelais.

-Vas-y ouvre, m'encouragea Sacha.

Je décachetais l'enveloppe et en sortis une lettre.

CONVOCATION

Pour la nécessité d'une enquête

Le commissaire Landrieux Yves :

CONVOQUE : SAMARAS Iris

Suite à la plainte de Monsieur SAMARAS Ken déposé à l'encontre de Monsieur SAMARAS Nicolas, nous vous prions de bien vous rendre au commissariat XXXX, afin de fournir aux enquêteurs votre témoignage concernant la violence sur mineure évoquée par Monsieur SAMARAS Ken.

Vous devrez vous présenter le 22 septembre 2015 à 10h00.

Vous vous présenterez munie de la présente convocation et d'un document d'identité en cours de validité.

Mes mains se mirent à trembler puis tout mon corps entier. Je sentis les bras de Sacha passer autour de moi et m'accompagner jusqu'au canapé du salon.

Ma respiration était en suspens.

J'avais peur de comprendre.

Je ne voulais pas comprendre.

Putain, je comprenais.

Des larmes se mirent à couler sur mes joues puis tout une cascade suivit.

Ken avait porté plainte. Il avait été cherché le carnet et l'avait donné à la police. Je n'en revenais pas. Certes, j'avais donné la localisation du carnet à mon frère mais jamais ô grand jamais je n'aurai pensé qu'il serait allé porter plainte.

J'aurai dû me sentir soulagée.

Pourtant, je me sentais encore plus lourde.

Tous les souvenirs refaisaient surface. Si la police avait lu le carnet, alors Idriss aussi serait convoqué. Je ne voulais pas le mêler à ça. Pourtant, je l'avais mêlé à cette histoire dès l'instant où je lui avais confié mon secret.

Je pleurais contre Sacha. Je lui avais tendu la lettre.

J'avais l'impression d'être en chute libre. On m'avait poussé du dernier étage d'une tour et je ne voyais pas le sol. A certain moment, j'aurai voulu le voir. J'aurai voulu m'écraser contre ce sol et ne plus rien voir. Ne plus rien entendre. Ne plus rien ressentir.

Mais j'étais encore là.

J'allais devoir affronter les questions et peut-être même que je devrais l'affronter lui, le monstre.

J'avais l'impression de replonger dans ce cauchemar qu'était mon adolescence. J'aurai voulu que tout s'arrête le jour de ce foutu accident. Mais évidemment, j'étais tombée sur un chirurgien bien trop compétent qui m'avait sauvé la vie. J'étais sortie du coma et mes yeux s'étaient ouverts. J'avais revu la lumière blanche. J'avais revu le visage de Ken et celui d'Idriss. Pas pour me déplaire, mais je n'aurai jamais voulu leur faire subir ce qui était en train d'arriver.

Encore une fois, ma vie prenait un tournent.

Un tournent vers l'horreur.

Highway to hell, comme ils disent.

La sœur de mon frère, c'est ma sœur // FRAMAL [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant