52/ JE SUIS DÉSOLÉE

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Please forgive me while we're apart
I'm doing all of this for you
Keep holding on, we'll make it through
And now that we have gone this far
Wasn't it that we changed the truth
The only thing I need is you

PDV KEN

Deux jours plus tard,

J'étais entrain de ranger le bordel qui trainait dans ma chambre – caleçons, chaussettes orphelines, tee-shirt et sweat – lorsque la sonnette de mon appartement retentit. Je doutais fortement que ça soit l'un des gars étant donné qu'ils me prévenaient généralement avant de passer chez moi. Une boule se forma au creux de mon ventre à l'idée que se puisse être Iris. Je n'avais pas le courage de l'affronter. Pas encore. Pourtant, il le faudrait. Un jour ou l'autre. Je pris le temps d'apporter mes affaires dans la panière à linge avant d'aller ouvrir. Je ne pensais pas à regarder dans le judas. Et pourtant. Qu'est-ce-que j'aurai dû.

J'ouvris la porte.

Mon cœur rata un battement et peut-être même plusieurs par la suite.

Elle se tenait là. Devant moi.

Le regard baissé. Des cernes sous les yeux.

Ses joues étaient maigres tout comme son corps tout entier.

Ses cheveux étaient emmêlés et donnaient l'air qu'elle les négligeait.

Son visage portait la fatigue et l'épuisement d'un nombre incalculable d'années à vivre avec un monstre.

Les années l'avaient abîmé.

Il l'avait abîmé.

Pourtant, en la voyant ainsi, je n'eus aucune compassion pour elle. Je me sentis mal de rester de marbre et sans émotion devant elle. Mais c'était bel et bien ce que je ressentais.

Elle n'était plus celle qui m'avait porté.

Elle n'était plus celle qui m'avait bercé.

Elle n'était plus ma mère.

Dorénavant, elle n'était plus qu'Helena Samaras, ma génitrice.

-Ken, murmura-t-elle dans un petit soupir.

Je me décalais néanmoins pour la laisser entrer. Elle ne sourit pas. Je savais qu'elle se doutait qu'un sourire n'arrangerait rien. Plus maintenant.

Avant, quand j'étais petit, il suffisait qu'elle cuisine une bonne spécialité grecque comme savait le faire, pour que je retrouve mon sourire et ma bonne humeur.

-Ils sont venus. Il y a deux jours. Il est parti. Ils l'ont emmené.

Elle avait dit ces mots de façon détaché comme si elle ne réalisait pas.

-Je sais.

Ma voix était froide. Je ne voulais rien laisser transparaitre devant elle.

-C'est moi qui suis allé voir la police. Iris n'a rien à voir là-dedans.

Elle releva la tête et me détailla quelques secondes, probablement surprise.

-Alors...tu sais ?

J'hochais la tête, les poings serrés.

-J'ai tout découvert il y a deux jours. Elle m'a écrit une lettre.

Je me rendais compte que je lui parlais comme je parlerai à une étrangère. Sans sentiment. Sans émotion. Sans compassion. Sans rien.

J'avais l'impression d'être devenue une statue de glace. Mon cœur c'était transformée en une pierre incassable.

-Je suis désolée, articula-t-elle tant bien que mal.

Ce fut la goutte de trop.

-Et tu crois quoi ?! Hurlais-je en déversant ma rage sur elle. Que je vais te pardonner ? Qu'elle va te pardonner ? Il a détruit sa vie et d'une certaine manière toi aussi. Tu as tout vu et tu n'as jamais rien dit. Tu l'as laissé souffrir. C'est à cause de lui que cette foutue voiture l'a renversé il y a deux ans.

Il se produit alors une chose à laquelle je ne m'étais pas attendu. A l'entente de ma dernière phrase, elle eut un hoquet de surprise et plaça sa main sur sa bouche. Des larmes firent leur apparition au coin de ses yeux et quelques-unes coulèrent sur ses joues.

-Qu'est-ce que tu racontes ?

-Tu as très bien entendu ! Il venait de la frapper, pour la première fois elle a voulu se défendre et il s'est mis à la poursuivre dans les escaliers et dans la rue. Elle a voulu lui échapper en traversant.

Elle baissa la tête.

-Je...je savais pas Ken.

-Je m'en fous. Si tu l'avais dénoncé dès le début, ça ne serait pas arrivée. Elle n'aurait pas eu tout ses problèmes, elle ne serait pas partie en Grèce et n'aurait pas eu ses séances de dialyse.

Une fois de plus, elle me regarda choquée.

-Quelle séance ?

-Elle a un problème aux reins. Ça devrait s'arranger normalement.

De nombreuses larmes coulèrent sur son visage. Cependant, je n'avais toujours aucune compassion pour elle. J'avais l'impression qu'elle méritait que je sois aussi cruel avec elle. Que ma méchanceté n'était pas aussi horrible que tout ce qu'Iris avait vécu.

-Ken...

-Tais-toi ! Casse-toi !

-Laisse-moi juste te dire qu'hier un policier m'a interrogé. J'ai tout avoué. J'ai dit que j'étais au courant. Je suis sa complice.

-Tu veux que je te félicite peut-être ?! D'ailleurs pourquoi tu es encore dehors si tu es sa complice ?

-Je dois attendre le jugement. Quand à ton...enfin, lui, il est en garde à vue et il ira en prison jusqu'au procès.

-Encore heureux qu'il est enfermé !

Elle tourna les talons pour partir. Cependant, une question me brûlait encore les lèvres. Un question, dont, pourtant, je connaissais la réponse.

-Tu l'as vu ? demandais-je alors qu'elle me tournait le dos.

Elle avança jusqu'à la porte puis me fit face.

-Oui. Crois-moi ou pas, mais je n'ai jamais voulu ça. Quand je l'ai vu, je me suis rendue compte à quel point elle était brisée.

Puis elle partit. Je restais là. Comme un con, en plein milieu de l'entrée de mon appartement.

Je devais y aller. Je devais la voir. Je devais être là pour elle.

Au moins une fois dans ma vie.

Je pris mes clés et sortis. Je courus jusqu'au commissariat. Là, devant le bâtiment, je tombais sur Hakim qui fumait une clope.

-Hakim ?

Le kabyle releva la tête vers moi.

-Qu'est-ce-que tu fais là ?

Mon pote jeta sa cigarette par terre et me rejoignit.

-Les flics ont appelé Idriss pour qu'il témoigne pour Iris. Alors c'est vrai, ton... ?

Je baissais la tête et acquiesçais.

-Putain ! s'exclama Mek en frappant dans le mur le plus proche. Comment ce salaud a osé la toucher ?!

J'aurai voulu lui dire de se calmer, que tout allait rentrer dans l'ordre maintenant qu'il était enfermé. Mais je n'en pensais pas moins que lui. Cela faisait des jours que je me retenais de pêter plus qu'une câble. Mes poings étaient déjà en souffrance après avoir cogné dans la table et dans le mur plusieurs jours plus tôt.

-Il est là depuis longtemps ? demandais-je.

-10 minutes. Le flic a dit qu'il y en avait au moins pour une heure.

La sœur de mon frère, c'est ma sœur // FRAMAL [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant