Prologue

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- On y va, à toute à l'heure !, je crie, depuis le pas de la porte.

Je referme cette dernière, et resserre mes lacets, avant de commencer à trottiner. Ma petite sœur court à côté de moi, en râlant, comme d'habitude. Elle déteste m'accompagner courir... Pourtant, comme je le lui répète tout le temps, c'est une bonne chose. Ça va lui faire perdre des cuisses, et ça va lui forger un bon cardio. Un jour, elle m'en remerciera.

- Il est chiant, marmonne ma sœur, il sait très bien que je n'aime pas courir. J'aurais voulu faire du vélo, mais il ne veut pas... Il m'énerve...

Je fais comme si je ne l'entendais pas, et j'accélère un poil le rythme. Je ne la comprends pas, elle devrait être contente. Elle dit toujours que je ne fais pas assez de choses avec elle, mais quand je lui propose des activités, elle refuse systématiquement.

- On ne fait pas un grand tour, promis.

- Bah c'est déjà un trop grand tour, me répond-elle.

Je soupire, et on continue de trottiner pendant une dizaine de minutes, en passant par plusieurs rues de la ville. J'aimerais bien courir plus vite, mais avec mon genoux, c'est impossible. Ça me fait déjà un mal de chien ne serait-ce que quand je marche, alors...

- Tiens, s'étonne ma sœur, regarde, là-bas. Il y a quelqu'un qui fait du skate.

- Ah, oui.

On se rapproche de lui, et je blêmis en le reconnaissant. Il était au collège avec moi. De ce que je me rappelle, il n'était pas spécialement méchant. On était même plutôt proches. Il a un ou deux ans de moins que moi, mais on se parlait souvent par messages, à l'époque. J'en étais même arrivé à lui faire mon coming-out... Il ne l'avait pas tant mal pris que ça, en plus. On avait continué de se parler pendant un moment, comme si je n'avais rien dit. Mais ça n'a pas duré très longtemps. Dès que je suis entré au lycée, on s'est perdu de vue.

On continue notre trajet comme si de rien n'était, mais il nous regarde passer en fronçant les sourcils. Heureusement pour moi, il ne nous parle pas. Il ne manquerait plus qu'il dise à ma sœur que je suis gay !

- Tu pourras m'apprendre à faire du skate ?, me demande ma sœur.

- Je ne sais pas en faire...

- Pfff, t'es nul, me reproche-t-elle, tu ne sais rien faire.

- Si, je me défends, mais pas ça...

- T'es nul quand même, rajoute-t-elle en se mettant à courir plus vite.

Je la regarde s'en aller en grimaçant, et j'essaye de maintenir mon rythme. J'aimerais bien la rattraper, mais c'est impossible. Elle finit par s'arrêter au bout de la rue, et elle me regarde arriver vers elle en croisant les bras.

- Dépêche toi un peu, s'exclame-t-elle, déjà que tu me forces à venir... J'ai honte là !

- Mais Lilou, tu sais bien que je ne peux pas courir plus vite...

- Bah j'ai honte, répète-t-elle en haussant les épaules, je n'ai pas envie de croiser des gens que je connais.

Je fais la moue, sans lui répondre. Ça me fait mal, ce qu'elle me dit... Mais elle est encore jeune, elle ne doit pas s'en rendre compte. Elle n'a que treize ans.

- Bon, finit-elle par reprendre, j'en ai marre. Je rentre à la maison.

Elle fait demi-tour et part en courant jusqu'à la maison, et je l'imite. Elle fait exprès de courir vite, donc je la suis de loin... Jusqu'à ce que je la perde de vue. J'espère juste qu'elle n'aura pas de problème sur le trajet. Je sens que je risque de me faire crier dessus quand je vais rentrer...

Je continue de trottiner, jusqu'à repasser devant le skateur. C'est dingue, qu'il soit toujours là. Il n'a rien d'autre à faire, ni nulle part où aller ?

- On se connaît, me demande-t-il, non ?

- Je n'en sais rien...

Il se met à me suivre, en skatant à ma hauteur. Et c'est extrêmement gênant.

- Je suis sûr que si, reprend-il, ta tête me dit quelque chose. Ce n'était pas toi, le gars avec qui je parlais quand on était au collège ?

Je ne lui réponds pas, et me mords la lèvre inférieure. Je ne sais pas ce que je suis censé faire. Est-ce que je dois lui dire la vérité, ou bien lui mentir ? De toute façon, je m'en fiche, je ne le reverrais sans doute plus.

- Oui, c'était moi...

- J'en étais sûr ! Je ne savais pas que tu courais. Enfin, courir est un bien grand mot...

- Je ne peux pas faire autrement, je lui rétorque sèchement, j'ai un problème au genou.

- Pardon, s'excuse-t-il en faisant la moue, je ne savais pas...

- C'est rien, je souffle.

Il me sourit, et repart en sens inverse. Enfin ! J'ai bien cru qu'il allait s'inviter à dormir chez moi.

- Au fait, s'écrie-t-il, on se reparle ce soir ! À tout à l'heure !

Sourire avec le cœur [BXB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant