Ma main tapote nerveusement ma cuisse, tandis que je fixe l'horloge de mon téléphone. Ça doit déjà faire une demi-heure que ma sœur et ma mère sont dans le cabinet du gynéco... Pourquoi ça dure aussi longtemps ? Je commence à m'impatienter... Surtout que je n'ai pas eu le droit d'entrer. Seule ma mère était autorisée... C'est du n'importe quoi. C'est quand même ma petite sœur, je devrais avoir le droit d'être avec elle.
- Ça va aller Matthy, me dit Enzo en attrapant ma main, ne t'inquiète pas.
Je lui souris, et pose ma tête sur son épaule. Heureusement que lui et son frère étaient là, parce que sinon, je ne sais pas comment on aurait fait. Ma mère n'est déjà pas censé sortir de la maison, sauf en cas de nécessité, comme là. Du coup, Jules nous a tous emmené ici en voitures. Je ne me voyais pas courir dans toute la ville après ma mère si jamais elle se remettait à faire une crise.
On doit encore attendre un long moment, avant qu'elles ne ressortent du cabinet. Je me lève précipitamment de ma chaise, et demande à ma mère qu'elle me fasse un rapport complet de la situation.
- Je pense que c'est mieux d'en parler à la maison, me dit-elle en se grattant la tête.
- Et sans le pédé, marmonne ma sœur.
- Ne parle pas de lui comme ça !
Je la regarde tristement, puis soupire. J'espère que mon petit ami n'a pas entendu. Je ne sais même pas comment réagir avec ma sœur. Si je suis méchant avec elle elle se braque, mais même quand je suis gentil et que j'essaye de lui faire plaisir, ça tourne mal.
- Il vient s'il veut, je reprends.
Elle roule des yeux en grimaçant, avant de sortir du cabinet. On la suit jusqu'à la voiture de Jules, et il nous ramène tous à la maison.
- Vous voulez rester manger ?, finit par demander ma mère.
- Non non, lui dit mon beau-frère, on ne veut pas vous déranger...
- Si je vous le propose c'est que ça ne me dérange pas... Profitez, continue-t-elle, tant que je vais à peu près bien.
- Maman..., je souffle.
- Ils ne sont pas au courant ?
- Si, répond mon petit copain, je suis au courant pour votre état de santé. Mais ça ne me gêne pas. Vous êtes la mère de Matthieu, alors vous aussi vous êtes génial.
Je le regarde en souriant, tandis que ma sœur marmonne un "bouffon". Je me mords la lèvre, et Enzo baisse la tête, en jouant nerveusement avec ses doigts. Le pauvre...
*
- C'est prêt !, s'écrie ma mère tout en mettant la casserole sur la table.
Elle nous sert une grosse assiette de pâtes, et on mange en parlant tous ensemble. Mais alors qu'on a presque fini, le sujet de ce matin revient sur le tapis. Ma mère soupire, et nous demande à Lilou et moi si ça ne nous gêne pas que Jules et Enzo soient au courant. Évidemment, ma sœur dit qu'elle ne veut pas, donc je vais devoir encore attendre un peu avant d'avoir enfin mon explication.
- Dis Matthy, quand est-ce qu'il rentre Isalis ?, me demande mon copain.
- Dans quelques semaines je crois...
- Mais c'est long, râle-t-il, long comme ta bite.
Je lui fais de gros yeux, et il se met à rire. Je tourne la tête vers ma mère, et souffle de soulagement en voyant qu'elle n'a rien entendu. Ça aurait été beaucoup trop gênant.
- Tu es bête, je lui dis.
- Surtout qu'elle n'est pas grosse du tout, intervient ma sœur, elle est toute petite. Aussi petite que son avenir.
Mon petit copain la regarde en fronçant les sourcils, avant de la contredire.
- C'est pas vrai, elle n'est pas petite. Au contraire, elle est grosse. Mais pas autant que la mienne.
- Comment tu peux le savoir, lui demande Lilou, tu l'as vu peut-être ?
- Bah oui.
- Mais tais-toi, je lui dis, avant de me taper la tête.
Il entrouvre la bouche, sûrement pour me répondre, avant de regarder ma sœur et de secouer vivement la tête de droite à gauche.
- Non non, lui dit-il, en fait je l'ai jamais vu. Je me suis trompé.
Elle nous regarde tour à tour en grimaçant, puis se lève de table et monde dans sa chambre.
- Enzo, je souffle, t'es bête.
- Mais j'ai essayé de me rattraper, se défend-il.
- Je vais te renommer Isalis...
- Pourquoi ?
- Parce que d'habitude c'est lui qui gaffe et qui répète tout.
- Désolé...
Je hausse les épaules, et change de sujet. Je ne vais pas lui en vouloir pour ça... De toute façon, elles auraient fini par le savoir un jour ou l'autre. J'aurais juste préféré le leur dire moi-même, et quand j'en aurais eu envie, mais bon.
*
- Du coup, tu peux m'expliquer maintenant ?
Ma mère hoche la tête, et on va s'asseoir sur le canapé. Enzo et son frère sont restés pendant une bonne partie de l'après-midi, puis ils sont finalement rentrés chez eux. Ma sœur, quant à elle, n'est même pas redescendu de sa chambre.
Elle me raconte le rendez vous de ce matin, en essayant d'en oublier le moins possible. Ma sœur est enceinte depuis trop longtemps, et elle ne peut donc plus avorter. C'est génial. Et comme si ça ne suffisait pas, ma sœur a dit que son petit ami et elle ne voulaient pas garder l'enfant. Elle va sans doute faire un accouchement sous X...
- Ça va aller ?, me demande ma mère, le regard inquiet.
Je me force à sourire, avant de hocher la tête. Je n'ai pas le choix, de toute façon. Il faut bien que quelqu'un s'occupe de ma mère, et de ma sœur.
- Je vais dans ma chambre, je dis, avant de lui faire un câlin et de me dépêcher de monter... Pour pleurer.
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Sourire avec le cœur [BXB]
Novela JuvenilMatthieu est un lycéen comme les autres. Il n'est pas spécialement populaire, mais il a quand même quelques amis. Les seules choses qui le différencient un peu des autres, ce sont sa blessure et son homosexualité, qu'il assume totalement. Pour Enzo...