Chapitre 11 - 🌗

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Mes yeux sont agrippés au tableau. Ils ne sont pas détachables, totalement hypnotisés.

Je suis la mouche attirée par la lumière d'une ampoule, et cette ampoule, c'est le vert étincelant de ce bois. Moi qui vantais la beauté de ma forêt, elle fera pâle copie face à celle en face de moi. Une unique envie m'obsède : aller dans cet endroit et ne plus jamais y partir. La mouche sait qu'elle mourra en approchant cette lumière céleste, mais elle vole, toujours plus sûre d'elle. Alors ne craignant pas de me frapper la main contre le tableau, je lève mes doigts fièrement. Ezequiel me copie une seconde plus tard et une course folle démarre entre nous. Plus nos mains s'approchent lentement de la toile, plus nos sens s'éveillent. L'odeur boisée vient titiller mes narines. Je reconnais les effluves de la douce fraîcheur de la pluie mêlée à la première senteur des jonquilles des bois. J'ai envie de plonger mon nez dans l'herbe et de renifler chaque parcelle de cette forêt ; caresser sa terre et sentir ses morceaux s'effriter entre mes doigts ; toucher la goutte d'eau qui tente de rester en équilibre sur le bras d'une feuille ; embrasser la pureté de chacun de ses habitants, des lucioles aux papillons. Le vent souffle dans ma chevelure noire et me laisse échapper un soupir d'extase pure. Les feuilles chutent dans une danse aérienne jusqu'à caresser le sol dans une chorégraphie éthérique et féerique. Je n'essaye même pas d'attraper celle qui tombe à quelques centimètres par peur de m'attirer la foudre divine. Je ne peux, simple lycanthrope oser penser à toucher l'une de ces créations archangéliques. Une si belle œuvre ne peut qu'être céleste.

J'ai l'impression d'avoir commis un péché quand je sens la dureté du tableau me réveiller brutalement. La main d'Ezequiel vient heurter la peinture tout comme la mienne. Je le regarde ne voulant pas croire que ce n'était qu'un rêve. Je veux y retourner, même pour qu'une seconde ; ce monde d'illusion m'appelle. Je referme les yeux ne pouvant croire que cette histoire a cette fin si brutale. La sublime magie semble s'exécuter et mes ongles commencent à s'implanter dans ce surnaturel sous-bois.

La mouche s'est faite aspirer par la lumière. Ses ailes brûlent.

J'aurais dû me demander avant ce qu'il arrivait à la mouche une fois qu'elle était arrivée à son objectif, ça m'aurait évité de me retrouver seule, dans le noir, debout à attendre ne serait-ce qu'une interaction. La forêt a disparu et présentement, plus rien de paradisiaque ne se dessine à l'horizon. Mais quel horizon ?

Je ne vois pas à un millimètre devant moi. Je reste à poiroter, lorsque je perçois, après quelques battements de cœur régulier, apparaître une sphère bleue. Cette forme translucide se rapproche de moi, l'histoire de la mouche ne m'ayant rien appris, je tente encore une fois de m'avancer de cette source de lumière bleutée. Mais je ne peux pas bouger. Mes jambes sont ancrées dans le sol, comme si deux pieux avaient été violemment plantés dans chacun de mes pieds. Cette sphère me parait tout de suite plus effrayante, plus dangereuse, mon cœur s'envole légèrement. Son bleu intense m'évoque maintenant une froideur mortelle me gelant à jamais. L'instinct animal me pousse à regarder une échappatoire, une solution à portée de main, mais dans un endroit plus sombre que mon cœur, les moyens de s'en sortir sont rares. Je suis un chaton pris dans une cage indestructible de glace. Je ne sais pourquoi, mais une panique intense et instantanée me transperce impétueusement. Je suis désemparée, désorientée, désarçonnée. Je n'ai pas l'habitude de perdre mon calme face à des situations dangereuses ou étranges, mais là, je suffoque face à ma cage blanche qui se rapproche.

La surface de cette prison argentée me déchire à l'instant où la lueur bleue me désarme. La première blessure glaciale se fait sentir ; je sens des lames gelées couper chirurgicalement les couches de ma peau. Je ne pleure pas, des larmes coulent de mes yeux. Mes perles, symbole de ma souffrance, ne sont plus sous l'état liquide ; elles se brisent au contact du sol. Ma douleur veut se matérialiser à travers mes cris, mes hurlements, mes appels, mais dans ce silence hivernal aucun son ne traverse la barrière de ma cage. Rien ne sort. Je suis mal face à la douleur. Elle me brûle à vif, m'empêchant peu à peu de respirer. J'ai l'impression de mourir de l'intérieur. Mes dents se plantent dans mes lèvres, me transperçant sanguinairement. Je vois l'air se colorer de blanc à chacune de mes respirations me rappelant que je suis toujours vivante. Les effets de cette longue et lente torture se font ressentir quand je déguste le goût métallique du sang qui me replonge rapidement dans mon putain de passé de merde. Ça faisait longtemps que je n'avais pas senti mon propre liquide vermeil couler. Mais tout cela me semble risible face aux nombreuses lames qui me parcourent et à la froideur brûlante qui glace mon corps en ébullition.

Le chant de la Lune (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant