Le chant de la Lune (Terminée)

Chapitre 86

Mon cœur tape à travers tout mon corps. Ces coups réguliers, qui transpercent mon crâne, me rappellent que ma souffrance n'est pas encore terminée. Je suis vivante, mais pour combien de temps ?

J'ouvre les yeux, persécutée par un son strident infernal qui renforce mon mal de tête. Mon regard est instantanément agrippé par une terre noire. Je suis à l'endroit où j'ai été retenue captive, là où je me suis libérée de mes chaînes. Cette terre souillée par des tortures et souillée par la trahison d'un frère.

Entourée de cendre, je porte une robe noire aérienne (média), me permettant de me fondre dans ce décor apocalyptique. Moi aussi, je ne suis plus qu'une ruine. Suis-je en fait l'aigle noir qui n'apporte que destruction et malheur ? Je ne sais pas. Mon frère m'oblige à regarder une nouvelle fois cette terre de tous mes supplices. Celle qui m'a détruite. Mais aujourd'hui, j'ai peut-être une chance de pouvoir me reconstruire. Je regarde vers l'horizon. Vers cet endroit vert qui me tend les bras, qui paraît si loin, qui n'a pourtant jamais été aussi accessible et attirant. Puis je me retourne, et mes yeux bleus remarquent une voiture. Un cadeau de Galadan pour que je le rejoigne et que je puisse vivre ce qu'il m'a décrit.

J'ai le choix, non, il me laisse le choix.

Mes yeux se perdent sur les arbres verts au loin, puis sur les ruines qui ont abrité mes pires heures. Suis-je prête à prendre le risque de revivre tout cela pour une meute ? Je repense à Joy, Brett, Ezéquiel, Idys, Black, Ace, Elvynn, Cody, mais aussi à Aida. Est-elle morte pour rien ? 

Est-ce que je dois les rejoindre ou est-ce aujourd'hui que nos chemins se séparent ?

Je connais la réponse. Mon corps me propulse sans réserve vers ma destination. Je regarde la forêt verdoyante qui me tend les bras et sans plus attendre, je m'élance vers elle.

Je cours comme une folle, totalement pieds-nu sur les cendres. Ma robe m'entoure et forme deux grandes ailes noires qui me surplombent. Arrivée à la frontière entre la vie et la mort, j'ai du mal à poser mon pied sur la délicate herbe. C'est le point de non-retour. J'ai choisi de vivre au détriment de la meute. Arden, s'en sortira-t-il ?

Agacée par mon hésitation, je pose mon pied droit, passant ainsi cette frontière mentale. Je savoure la sensation des brins verts qui me chatouillent, puis je pose mon deuxième pied. Je tourne le dos à la meute en m'enfonçant davantage dans la forêt.

Mais une sensation me submerge. Je m'écroule en pleurant.

Je ne peux tout simplement pas. J'aimerais partir, mais je ne peux pas. J'ai peur. Je suis terrifiée de perdre des personnes qui ont compté pour moi et j'ai encore plus peur de revivre ce calvaire. Je suis totalement paralysée par mes souvenirs douloureux qui sont à portée de se reproduire. Néanmoins, est-ce que je pourrais vivre après avoir abandonné la meute ? Je connais la réponse ; je ne pourrais pas. 

Alors ne croyant même pas ce que je m'apprête à faire, je me retourne vers les ruines de mon passé et me dépêche de toutes mes forces de rejoindre la voiture. Mon visage est parsemé de larmes, j'ai peur. Je ne veux pas y aller, mais je ne peux qu'y aller. Au gré du vent, ma robe noire s'envole et quelques fois de légère flamme trahissent mon état. Cette fois-ci, je ne suis plus l'aigle noir qui apporte que malheur, je suis ce phénix qui renaît de ces cendres. Une lueur d'espoir naît en moi lorsque je me rappelle que Galadan ignore tout de mes pouvoirs. Est-ce qu'on aurait une chance de le battre finalement ?

Volant en main, et ne sachant pas la destination, je décide de me rendre directement à la maison suprême. Je n'ai jamais conduit aussi rapidement. J'ai déjà perdu trop de temps avec mon hésitation. Chaque seconde qui s'écoule m'éloigne un peu plus de la victoire alors il est temps que j'en gagne. J'essaye de prendre tous les raccourcis que je connais, en espérant ne pas arriver trop tard.