Chapitre 8 - 🌔

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J'entends des cris qui proviennent du portail décoré du symbole suprême. Sans plus tarder, je me précipite vers le grand escalier et me dépêche d'aller voir ce qui s'y passe. Je cours rapidement, laissant ma crinière noire au vent. Les cris de dispute ont laissé place à des hurlements que je reconnais bien. La jeune femme, écroulée au sol en pleurant exprime sa souffrance. Une souffrance qui brûle, qui détruit lentement. Une souffrance qui vient du cœur et qui emporte toute raison dans un déferlement de larmes intense.

En un clin d'œil, j'essaye d'analyser la situation. Une femme est à terre, et pleure devant des gardes qui la regardent comme un extraterrestre. Elle a dû sûrement demander l'asile, mais face à des chiens bien élevés à obéir, ils ne l'ont pas laissé rentrer, à tort ou à raison. Dans ce cas, sans aucune hésitation, je sais que la souffrance de la femme est bien réelle. Elle ne simule pas.

Lorsque l'on vit des épreuves, on a des facilités à reconnaître nos confrères. Alors avec la même facilité que j'ai à repérer un psychopathe, je sais qu'elle a besoin d'aide.

Je vois les gardes commencer à la repousser en la traînant par terre, un cri me vient instinctivement :

« Arrêtez ! »

Mais les soldats ne m'écoutent pas. Ne pouvant pas utiliser mon aura et le portail me séparant de l'action, je tente de le pousser, mais il est fermé. Ils ont pris des précautions, ces chiens. Je monte sur la tête du loup couronné et escalade rapidement le portail. Sans difficulté, j'arrive auprès de la femme. Je repousse tous les gardes en leur disant que je m'occupe de la situation. Ils me regardent d'un mauvais œil, mais me laissent faire, contents d'être débarrassés de la femme. Je tente maladroitement de lui remonter le moral :

« Calme-toi, d'accord ? Tu es en sécurité maintenant... Respire lentement... Regarde-moi. »

Elle écoute ce que je fais et avec un mouchoir en soie que je sors de ma poche telle une magicienne, j'essuie ses larmes. Je passe du magicien à la diseuse de bonne aventure en essayant de la cerner. Dans ses grands yeux verts, je vois beaucoup de jeunesse, de fougue, mais aussi un bonheur perdu. Elle est frêle et insouciante et sans aucun doute, elle est maintenant perdue. Je tente de l'approcher doucement :

« Hey... tout va bien maintenant... Comment tu t'appelles ?

- Ils sont venus, dit-elle totalement à la dérive.

- Qui ça, demande-je attentive

- Une centaine ! Partout, partout ! On était pris au piège. Je... C'est de ma faute... Je n'ai rien pu faire !

- Ce n'est pas ta faute... Respire. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ?

- J'ai couru loin. Vite. Loin. Je... j'ai attendu dans un arbre... Ils étaient une centaine ! Partout, partout ! On était pris au piège. Je... C'est de ma faute... Je n'ai rien pu faire ! J'étais dans l'arbre. J'ai vu tout le monde se faire... se faire, débite-t-elle en explosant en sanglots.

- Ne t'inquiète pas, tu n'as pas besoin de dire le mot. Est-ce que tu as vu les personnes qui t'ont attaqué ?

- J'ai vu... je les ai vus. Ils ont tué Beryn ! »

Je n'ai pas besoin de poser la question pour savoir que Beryn est son âme-sœur. Je le vois mille fois dans ses yeux. Son cœur me hurle qu'il ne se réparera jamais. Cherchant un repère, une ancre qui la maintiendrait dans la réalité, elle s'accroche avec force à moi. Elle doit trouver un socle solide. Je la laisse faire. Je suis légèrement crispée par ce contact, mais je ne peux pas refuser ça à une personne mourante. Car elle le sait et tous les loups savent que lorsque son âme-sœur meurt, l'autre moitié, s'ils étaient proches meurt peu de temps après. C'est déjà un miracle qu'elle ait pu arriver jusque-là sachant qu'il n'y a pas de vie dans un assez grand rayon. Elle m'annonce, plus calmement :

« Je me sens vide. Mon cœur est mort. C'est lui qui m'a dit d'aller dans l'arbre et qu'il s'occupait de tout. Je l'ai vu mourir, droit dans les yeux. Il avait une larme à l'œil et il regardait dans ma direction. Il savait que je le rejoindrais peu de temps après. C'est à mon tour de mourir et la dernière image que j'aurais en tête est celle de Beryn, au milieu des corps de mes amis, une larme à l'œil, me suppliant de vivre. »

La louve semble totalement absente, en transe. Elle décrit avec toute sa peine, l'horreur qu'elle a vécu. On dirait un robot, j'agite ma main devant ses yeux, mais aucun signe de vie ne fait ressentir. Elle se replonge dans ses souvenirs et peu à peu, elle perd prise avec la réalité. Elle s'éloigne de moi et le cœur brisé, continue :

« J'ai couru vers lui pour pouvoir toucher sa chaleur. Les meurtriers étaient encore là. Mais je ne représentais aucune menace. L'un m'a donné une baffe qui m'a fait tomber au sol, à côté de lui. J'étais devant lui. J'ai posé mes mains sur l'homme que j'aime et je me suis endormie, j'espérais pour toujours. Mais je me suis réveillée, j'ai compris qu'il me restait un truc à faire. J'ai vu par terre le journal en sang parlant de l'Alpha suprême et je savais qu'il fallait que je vienne.

- D'où viens-tu ?

- Dibagne »

Tout de suite, ce nom fait écho. C'est une petite bourgade pas trop loin d'ici, perdu dans la forêt, Si elle n'était pas venue, on aurait mis des jours avant de l'apprendre. J'essaye de repenser aux personnes qui auraient pu faire une attaque et une idée me vient en tête. Si c'était des loups, elle aurait instinctivement parlé de loups, là, elle a dit des « personnes » ça peut donc être des elfes. Confirmant ainsi définitivement, ce que j'ai entendu. Je lui demande :

« Tu sais s'ils avaient la peau noire ou bien de longues oreilles ? Ou même une technique assez aérienne de combat ?

- Ils l'ont tué... »

Je la vois sombrer dans sa tristesse. Elle s'est définitivement détachée de moi. Elle a sombré. Ses yeux sont vides. Je pourrais la menacer avec une arme qu'elle ne réagirait pas. Une partie de moi veut savoir, mais l'autre s'oblige à ne pas insister. Je décide de la ramener dans la demeure et au moment où je me retourne, je vois Ezequiel. Je lui demande d'envoyer des gens à Dibagne et je gagne l'autorisation de pouvoir emmener la jeune louve à l'intérieur. Je m'approche d'elle et à l'instant où je l'effleure, fuyant la réalité, j'entends son cœur s'arrêter. La femme n'aurait plus été capable de s'ancrer. Je prononce calmement :

« Elle est morte.

- Elle sera enterrée au village avec les siens... »

Dit le premier bêta, en acquiesçant. Je me lève après avoir déposé délicatement son corps et je me surprends à être légèrement touché par ce décès. Je regarde son visage apaisé afin de comprendre. Elle représente tout ce que j'aurais aimé avoir. Elle avait son âme-sœur et elle était innocente. Les deux choses que je n'aurais jamais. Moi, je suis bien ancrée dans la réalité. Ma vie est nulle et elle le restera.

J'époussette ma tenue non plus de magicienne, ni de voyante, mais de tueuse. Je referme mon visage et mon regard change sur la femme dont je ne connais même pas le nom.

Une victime collatérale de plus. Une personne transformée en chair à canon. Une vie détruite pour une guerre qui n'est pas la sienne. 

J'espère que ce chapitre vous a plu !

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ME

mots : 1312

Le chant de la Lune (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant