chapitre 31.2

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PDV Bryan

Le lendemain, j'arrive au travail avec une main bandée, dont le sang continue de teinter mon pansement de pauvre. Le tout accompagné par l'une des expressions les plus moroses qui puissent exister. Je traverse le local avec celle-ci, scotchée sur mon visage, sans pour autant prêter attention aux regards curieux que me portent les autres employés. Je m'assois à mon bureau, rassemblant quelques papiers au hasard, faisant mine d'être concentré à les organiser, alors que mon attention n'est tourné que vers une seule chose. Le Kimchi parlant se pointe, interpellant mes oreilles, qui sont à l'affut de sa voix, que je pourrais reconnaitre en un millième de seconde tant il parle au quotidien. Elle est ancrée dans votre mémoire. Son rire transperce mon tympan depuis l'autre bout de la pièce, ce rire d'idiot que lui seul a. Bon, cessons les critiques, lançons le plan.

Je me lève avec des papiers plein les bras, puis je rejoins la petit allée centrale que lui même est en train d'emprunter, nous allons dans des directions opposées. Nous marchons calmement, menant notre train train, jusqu'à ce que nous nous retrouvions à la hauteur de l'autre. Je fais alors semblant de m'emmêler les pieds, envoyant dans les airs les feuilles que je tenais, de suite je lâche un léger râle de fatigue.

Je ne daigne pas vérifier, puisque je sais pertinemment que mon idée à marche. Ce que je désirai dans ma vision périphérique, c'est-à-dire les pieds de Ki hong, s'arrête et s'oriente vers moi. Il s'accroupi à ma hauteur et commence à m'aider. Je sens qu'il n'ose pas me parler, redoutant mon sale caractère connu de tous.  Pourtant, je sais qu'il le fera dès qu'il verra ma main infirme, que je mets bien sous son nez pour récupérer le reste de la paperasse.

" Qu'est ce qu'il t'est arrivé ?"

Je ne réponds pas. Nous nous relevons. Moi m'apprêtant à repartir ; lui me retenant par l'épaule. Je tourne alors mon visage vers lui, affichant un air déboussolé, à fleur de peau, ponctué par de beaux petits yeux larmoyants, et je lui ordonne :

" Lâche moi... Ça ne te regarde pas...". Je repousse sa main de mon épaule, avant de filer en direction du bout du couloir, loin des autres et à l'abri de leur curiosité mal placée. Je sens qu'il me suit, surtout que je l'ai entendu lâcher un " je reviens" à son ancien interlocuteur. J'appuie sur le bouton de notre petit ascenseur, jouant l'impatient qui veut se terrer seul pour ne pas exploser devant autrui, quand il me saisit par les épaules et me force à lui faire face. Je ne peux pas rétorquer, puisque sans attendre il me rassure, portant son satané air compatissant :

" Tu sais , tu peux me parler si tu veux. Je vois bien que ça va pas, et que cela est certainement assez grave, continue t-il en lançant un rapide coup d'oeil vers ma main. En plus, on est qu'entre nous."   

Je le toise avec méfiance, inspectant rapidement les parages, comme si je ne voulais vraiment que des gens puissent me voir dans un instant de faiblesse. En réalité, ce point est assez vrai, d'autant plus que là je suis obligé faire mon miséreux, malheureusement. J'expire un bon coup, laissant quelques petits tremblements transparaitre, ainsi que mes larmes de crocodiles monter, pour enfin me jeter dans une complainte pathétique :

"On s'est pris la tête avec Thomas ...Il refaisait des conneries, donc j'ai voulu l'arrêter...Mais, Mais, je commence à plisser un peu mes yeux pour faire couler quelques perles salées. Tout a dégénéré, il a fini par me blesser, comme tu l' as remarqué. Les voisins ont fini par appelé de l'aide pour vérifier ce qu'il se passait. Du coup, j'inspire un grand coup et reprends, du coup les policiers et pompiers sont venus. Ces derniers ont donc emmené Tom', et certainement il devra être replacé en psychiatrie...". À peine, j'achève cette phrase que je m'effondre en sanglot, de faux sanglots, pendant que lui me fait une accolade pour me réconforter, en tapotant mon épaule. Il me dit à voix basse, toutes ces phrases bateaux du style : " ça va aller", " tout ira bien", " c'est pour son bien". Blablablabla.

Je m'oblige à rester encore quelques temps contre lui. Laissons cette proximité inventée de toute pièce se fortifier, encore un peu. Finalement, je m'écarte de lui, relève lentement ma tête vers lui et perfectionne mon rôle :

" Je sais que je vais passer pour une fillette, mais je veux vraiment pas passer ma soirée en solitaire. Même si on avait du mal à communiquer ces temps-ci, au moins il était là. Je veux pas rentrer pour m'apercevoir que cela est vrai, qu'il n'est plus à l'appart, pas maintenant....

- Je comprends, répond-il.

- Je veux pas rentrer chez moi, putain..., j'insiste en rabaissant ma tête vers le sol, tel un chien battu.

- Au pire, reprend t-il d'un ton hésitant, passes la soirée à mon appart. Il y a Dylan qui sera là, peut-être qu'une soirée entre mec pourrait te changer les idées.

- Hmmm...Je veux pas déranger...

- Si je te propose, c'est que ça me dérange pas, donc ce soir je passe et on repart ensemble ok ? "

J'hoche la tête, tandis que je reçois une énième tape sur l'épaule, après laquelle il s'en va en me saluant. J'essuie mes joues trempées avant de monter dans l'ascenseur. Je suis rejoint par deux pouffes du service de la revue politique du journal, qui me jugent du regard. J'ignore, bien trop content que mon piège ait marché. Je ne peux réfréner un sourire sur mes lèvres ou mon esprit qui repasse en boucle ce qui vient de se passer, tel un véritable trophée qu'on porte fièrement au dessus de notre tête.

Ah...Ki hong, comme on dit : trop bon, trop con.

***

20 h 00

Nous sommes dans un taxi, qui nous conduit à son logement. Nous ne parlons pas, chacun préférant trainer sur son téléphone. Je fais défiler mon fil d'actualité sur instagram, sans réellement trop regarder. En effet, je ne pense qu'à une seule et unique chose : ma vengeance est proche. Je vais enfin faire payer Dylan d'avoir ruiné mon monde. Cet univers paradisiaque que j'ai mis tant de temps à créer.

Le véhicule s'arrête. Nous descendons, puis je le laisse me montrer le chemin jusqu'à la destination, toujours en silence. En tout cas à l'extérieur, car à l'intérieur de moi c'est la fête: mon coeur palpite d'excitation, mon cerveau fulmine des plus plaisants scénarios, et mes membres tremblent de surexcitation, que je peine à gérer.  Je range ma main dans la poche de mon manteau, dans laquelle se trouve mon outil, celui qui leur fera payer.

Désormais devant sa porte, il m'invite à entrer pour ensuite la refermer derrière nous, sans la verrouiller pour autant. Nous nous avançons dans son salon vide, tandis qu'il crie le nom de son coloc :

" DYL' !

- CUISINE !" répond-il.  L'un après l'autre retirons nos sur-couches, ainsi que nos sacs pour aller auprès de lui.  Il s'apprête à parler à son ami, sauf qu'il se fige en me voyant, me fixant avec de gros yeux. Sa réaction me fait sourire de toutes mes dents, tandis que Ki Hong lui explique :

" Je l'ai invité pour ce soir. Soirée entre couilles !

- Je pense pas que tu aurais dû le faire venir...

- Pourquoi ?".  Le bridé nous regarde, tour à tour, cherchant à comprendre la tension grandissante entre nous, alors que nous nous fixions. Il me lance ce regard particulier, celui qui dit " je sais pourquoi t'es là", ce qui crée alors en moi un réel fou rire. Je n'arrive plus à le stopper, et eux, ils me regardent comme un ovni.

Ils ne savent pas quoi faire face à moi. Le malaise grandit en eux. Je finis par me redonner contenance, accrochant mon plus beau sourire à mes lèvres tout en sortant le fameux couteau suisse que je réserve depuis de longues heures, précieusement.  Je lâche alors d'un ton cynique :

" Il est temps de régler deux trois choses."

DementiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant