Sa façon d'aimer les maths

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[L'autrice décline toute responsabilité pour les nuits blanches subies par les personnes que je vois liker à 3 ou 4h du matin]

Mai

Au lycée, la vie poursuivait son cours, indépendamment des états d'âmes de ces bombes émotives qu'étaient les adolescents et leurs professeurs.

Raphaëlle attendait Leila près des casiers. Elle s'était persuadée que Ginger était sortie avant elle des vestiaires alors elle avait couru pour la rattraper. Mais son blouson et ses gants étaient toujours visibles par la petite fente au-dessus de la porte du casier, signifiant par cela qu'elle était toujours quelque part dans le gymnase. Elle avait sans doute pris une douche, vu la façon dont elle s'était défoulée en EPS. L'archère n'en revenait d'ailleurs pas : Leila était la geek qui faisait des exos de maths pour le plaisir et qui bidouillait des trucs sur son ordinateur, on ne pouvait pas cumuler ça avec un attrait pour l'effort physique, c'était tout simplement incompatible, contre-nature !

Il fallait qu'elle la coince, qu'elle lui parle. Leila avait été plus que mutique aujourd'hui, il y avait forcément un truc qui avait déconné. Elle ne pouvait pas laisser passer ça. Elle ne pouvait accepter l'idée de la laisser rentrer chez elle sans avoir essayé de la réconforter d'abord.

L'archère leva machinalement la tête en entendant une porte claquer sur l'une des passerelles. C'était Pellarin qui sortait de la salle des profs.

- Hé, bonjour madame ! cria-t-elle.

Pellarin se pencha par-dessus la balustrade. Elle avait elle aussi une tête déprimée, elle l'aurait juré. Qu'est-ce qu'elles avaient fait, l'une et l'autre, pour finir dans cet état-là ?

- Oh, bonjour Raphaëlle. Ne bouge pas, j'ai quelque chose pour toi.

Elle disparut dans la salle des profs et l'archère attendit. Que foutait Leila ? Essayait-elle de se noyer ?

Pellarin réapparut sur la passerelle et descendit l'escalier menant à la cafet. Raphaëlle décrocha son dos du mur de casiers et se dirigea vers elle.

- Tiens, dit la prof en lui tendant un sac en papier. C'est ce que tu m'as demandé.

Raphaëlle regarda dans le sac. Il y avait un autre sac en papier à l'intérieur, mais plus joli, avec des rubans en bolduc. Elle n'avait pas besoin d'un dessin pour comprendre que c'était un cadeau pour Leila. Glissé à côté du cadeau, il y avait une pochette en plastique laissant voir des feuilles noircies de nombres. Elle eut un petit sourire. Voilà au moins un truc qui ferait plaisir à Leila.

- Dites, demanda l'archère en baissant la voix, bien qu'elles étaient totalement seules dans le hall. Est-ce que ça va ?

Pellarin la regarda avec surprise, comme si elle trouvait choquante une telle familiarité venant de son élève. Paye ton ironie, pensa Raphaëlle.

- Il faut, répondit simplement Pellarin. Merci encore Raphaëlle. Bonne soirée.

Elle regarda sa prof de maths partir en direction de la sortie puis jeta un coup d'oeil vers l'entrée du gymnase, tout au fond du couloir. Elle se sentait tellement cinquième roue du carrosse dans cette histoire, à regarder partir l'une tout en attendant l'autre - et que dire alors de Gabrielle, qui avait été littéralement embauchée comme roue de secours ? Elle regarda le sac en papier qu'elle avait posé à ses pieds. Qu'est-ce que ça pouvait bien être comme cadeau ? C'était mou et ça ne pesait rien, qu'est-ce qu'une nana comme Pellarin pouvait bien offrir à sa meuf ?

Elle haussa les épaules. Leila ouvrirait le paquet devant eux, alors sa curiosité serait bien vite satisfaite. Les maths dans la pochette, c'était une autre paire de manches par contre. Elle n'y comprenait strictement rien, Leila était-elle capable de piger ce charabia ? Au dos de la pochette, elle découvrit une enveloppe portant son nom. Elle contenait une clé USB ainsi que le mode d'emploi de toute cette paperasse. Raphaëlle lut les explications avec une expression de plus en plus impressionnée. Pellarin avait fait pour Leila un véritable jeu de piste avec un scénario qui avait l'air sacrément recherché.