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Janvier

Il faisait un temps très froid en ce premier lundi de l'année. Leila était fatiguée, même si elle n'avait fait presque rien d'autre que dormir ces deux derniers jours. Elle ne savait pas si c'étaient des sensations persistantes ou juste des souvenirs, mais sa bouche lui paraissait toujours pâteuse, ses yeux lourds, son estomac remué comme s'il restait encore dans son organisme des choses que son corps aurait préféré expulser.

Elle accrocha avec des gestes las son antivol autour de la roue de son scooter, puis se dirigea, toujours d'un pas lent, vers les escaliers.

- Leila, attends !

En entendant la voix qui l'appelait, l'adolescente se retourna avec une boule d'appréhension en travers de sa poitrine. Elle savait qu'il lui aurait été impossible d'échapper à cette confrontation à son retour au lycée, mais elle avait lâchement espéré bénéficier d'un jour ou deux avant de devoir lui faire face. Elle ne s'était pas attendue à se faire interpeller avant même le début des cours, et on ne pouvait pas dire qu'elle était prête à avoir cette conversation.

- Salut, Cédric, dit-elle d'une voix hésitante.

Cédric posa son casque sur la selle de son scooter noir. Autour de lui, sa respiration un peu haletante faisait naître un nuage de vapeur.

- Leila, tu veux bien rester une minute à discuter avec moi ? demanda-t-il en suspendant son casque à son rétroviseur.

La jeune fille regarda machinalement autour d'elle. Le hangar à deux-roues, au sous-sol, était désert, ce qui leur assurait une conversation tranquille, mais qui n'était pas pour la mettre vraiment à l'aise.

- OK, répondit-elle en réprimant sa réticence.

- Leila...

Cédric prit ses mains dans les siennes et Leila se laissa faire, bien que tout son corps lui hurlait de s'enfuir. Elle n'arrivait pas à résister, pas plus qu'elle n'arrivait à soutenir son regard.

- Je me suis mal comporté avec toi et je m'en excuse,. Je veux bien qu'on essaie de repartir à zéro, si c'est ce que toi aussi tu as envie.

Leila eut l'impression que la surprise lui ôtait toute capacité d'action. Elle resta une ou deux secondes, bouche bée, avant que sa bouche trouve enfin l'énergie pour former des mots cohérents.

- Cédric, non, je...

Elle n'eut pas besoin de finir sa phrase pour que sur son visage, la douleur se dispute à la déception. Elle prit une grande inspiration et se reprit.

- Ce n'est pas juste que ce soit à toi de t'excuser, dit-elle en avalant péniblement sa salive. C'est moi qui me suis mal comportée, je suis désolée d'avoir fait... tout ça, au Nouvel An, je n'aurais jamais dû, et... Je... j'avais beaucoup trop bu, bredouilla-t-elle, je sais que ce n'est pas une excuse, mais... j'espère que tu voudras bien me pardonner.

Cédric leva vers elle à l'issue de sa tirade hésitante un regard plein d'espoir.

- Je te pardonne Leila, parce que je sais que tu as des sentiments pour moi.

- Quoi ? Non ! s'exclama-t-elle avec surprise en retirant ses mains des siennes. J'étais complètement bourrée, Cédric ! C'est à peine si j'ai des souvenirs de la soirée !

- Ça n'a rien à voir, affirma-t-il, l'air absolument sûr de lui. Est-ce que tu as embrassé n'importe quel mec ? Non : moi. Ça veut dire quelque chose, Leila, que tu le veuilles ou non.

Leila se mordilla la lèvre inférieure. Ses tourments intérieurs l'empêchaient de formuler une pensée cohérente, comme si les brumes de l'alcool étaient revenues l'envahir. Qu'avait-elle fait ? Quel monstre, quelle salope était-elle, d'avoir embrassé un garçon qui l'aimait toujours pour lui dire ensuite qu'il n'était rien pour elle ? Il était à nouveau plein d'espoir, il pensait qu'elle l'aimait elle aussi, mais que pouvait-elle lui dire pour sa défense ? « Je ne voulais pas t'embrasser, Cédric, je rêvais que tu étais ma prof de maths ».

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant