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 Ça sentait le café. Quoi qu'il arrive, quelle que soit l'heure de la journée, l'odeur de café était omniprésente dans la pièce. Elle se faufilait même en dessous des portes et s'échappait jusque dans le couloir, agissant comme un appeau qui attirerait les profs à l'intérieur de son ventre agité.

Julie entra dans la salle des profs les bras chargés de copies à corriger. Un jeune prof d'italien lui tint poliment la porte et elle lâcha son lourd fardeau sur une table libre. Une calculatrice électronique tomba sur le sol, faisant sursauter plusieurs de ses collègues, qui la saluèrent d'un mot ou d'un geste de la tête. Elle fit ensuite son parcours de routine dans la salle des professeurs. Elle mit l'eau dans la bouilloire, la bouilloire à chauffer, jeta un coup d'œil à son casier où se trouvaient quelques devoirs rendus en retard et un tract syndical qu'elle chiffonna, attrapa sur l'étagère une tasse avec sa cuillère, puis elle prit un sachet de thé dans une grande boîte en fer-blanc. Thé de Noël, c'était de saison.

Elle retourna vers la bouilloire au moment où celle-ci s'éteignait avec un bip sonore. Elle se dirigea vers sa place avec des pas précautionneux, tenant sa tasse fumante à la main. Elle s'assit, s'empara d'un stylo rouge et s'enfonça dans la chaise rembourrée, prête à attaquer la grosse pile de travail qui l'attendait. Si elle voulait avoir son week-end tranquille, il lui fallait finir tout ça avant ce soir.

- Salut Julie, je peux te déranger un instant ?

Elle tourna la tête et découvrit Mme Guérin. La jeune femme réprima un soupir qu'elle camoufla en un sourire poli. À croire qu'il lui était impossible d'espérer travailler efficacement et sans se faire déranger dans cette pièce, surtout les vendredi matin !

- Oui, bien sûr, répondit-elle en ne laissant transparaître aucune de ses pensées agacées.

- Je peux te demander comment ça se passe avec Leila en ce moment ?

La poitrine de Julie se serra et ses mains se crispèrent autour de sa tasse de thé. Une goutte de liquide brûlant coula sur ses doigts. La jeune femme eut du mal à maintenir un visage impassible.

- Comme d'habitude, rien de particulier, pourquoi ?

- J'ai discuté avec Anissa, la collègue de physique, commença Mme Guérin en tirant une chaise pour s'asseoir face à Julie. Apparemment, Leila fait face à de nombreuses difficultés depuis plusieurs jours. Elle est perdue en cours, elle a eu une mauvaise note en DS et en TP, le collègue de SVT l'a trouvée absente hier – on parle bien de Leila hein, rien ne la ferait taire, normalement.

Julie resta silencieuse.

- J'ai regardé ses notes sur le serveur, ajouta Mme Guérin. Toutes celles de cette semaine sont mauvaises, et j'ai aussi constaté qu'elle est allée à l'infirmerie mardi.

- Elle...

Elle ne m'a rien dit, faillit dire Julie.

- Elle participe moins, c'est vrai... admit-elle.

- Tu as une idée de ce qui peut lui arriver ?

- Pas vraiment, non. C'est pendant mon cours qu'elle est allée à l'infirmerie, précisa-t-elle. Elle m'a dit qu'elle se sentait très fatiguée. J'ai pensé qu'elle était probablement débordée par le travail, après tout on n'est pas tendre avec eux...

- Eh bien, si elle a quitté ton cours à toi, c'est vraiment qu'elle n'allait pas bien. Je n'ai pourtant pas eu l'impression qu'elle était épuisée, je lui ai surtout trouvé l'air préoccupée, notamment mardi matin. Il doit y avoir quelque chose qui la perturbe et qui l'empêche de se concentrer. Ça peut être le stress comme tu dis, mais j'ai l'impression qu'il y a autre chose. J'ai cru comprendre qu'elle ne sortait plus avec Cédric Costa, mais ça daterait du retour des vacances, alors ça ne doit pas être ça.

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant