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- Hé, Leila ! Est-ce que tu t'es tapée la prof de maths de l'an dernier aussi ?

De gros éclats de rire bien gras accompagnèrent la moquerie de Loïc, et résonnèrent dans le hall du lycée, près de la sortie du réfectoire.

- Tu l'ouvres encore une fois espèce de connard, et tu ne pourras plus jamais te taper quelqu'un de ta vie !

Plusieurs élèves se figèrent et ouvrirent de grand yeux en entendant la menace proférée d'une voix hostile. Même Raphaëlle perdit pendant quelques instants l'usage de la parole. Car contrairement à toutes les autres fois, ces mots n'étaient pas sortis de la bouche intrépide de l'archère mais de celle, exaspérée, de Leila, qui sentait qu'elle allait finir par exploser quelqu'un avant la fin de la journée

Elle avait l'impression d'être dans un sale rêve depuis 24h. Sa tête menaçait d'éclater sous l'accumulation de pensées, de réflexions et de craintes qui envahissaient son cerveau et elle n'avait personne vers qui se tourner pour vider son sac. Elle n'osait pas contacter Julie tant qu'elles étaient dans l'enceinte du lycée et elle attendait désespérément ce week-end pour trouver un moyen de la voir, ou au moins de l'appeler, malgré tout ça. Les quelques sms de la veille n'avaient pas suffi à l'apaiser. Julie ne lui avait pas parlé de ses craintes, ne lui avait pas dit comment elle se sentait elle, et intérieurement, Leila commençait à paniquer.

Guérin prit un bon moment pendant le cours d' istoire pour parler de cette affaire (qu'elle avait immédiatement appelée « cette affaire de mensonge », rassurant énormément l'adolescente qui avait redouté la réaction de ses professeurs), expliquant le danger des rumeurs et ce qu'était la diffamation. Puis, comme toute la classe donnait son avis et que le débat commençait à devenir mouvementé, elle coupa court en parlant d'homophobie, de sexisme et de harcèlement en milieu scolaire, en insistant sur leurs dangers respectifs et les conséquences que ça pouvait entraîner sur les élèves qui en étaient victimes. Leila savait que ça ne ferait pas taire tous les hargneux, mais elle était tout de même profondément reconnaissante envers sa prof d'histoire-géo. C'est Leroy qui devrait prendre des leçons sur l'homophobie et le harcèlement...

Après cette séance, Kenza et Nathan, qui pourtant n'avaient rien fait d'autre que rire à certaines blagues jusqu'à présent, vinrent s'excuser auprès d'elle. C'était peut-être comme ça qu'on changeait les mentalités, se dit Leila. En y allant un par un.

Le reste de l'après-midi fut long et difficilement supportable. Elle avait hâte de laisser ces grands murs gris et ces salles tristes derrière elle.

- Ça te dit de regarder un film ce soir ? demanda-t-elle à sa meilleure amie. Je me sens pas du tout en état de bosser toute seule chez moi.

- Carrément, répondit Raphaëlle alors que Leila et elle se dirigeaient ensemble vers leur dernier cours de la journée.

Elles envoyèrent un sms à leurs parents, utilisant comme excuse un devoir urgent à rendre en physique et le fait qu'elles ne commençaient qu'à 9h le lendemain matin. La mère de Raphaëlle accepta à condition que Leila vienne chez elle et non l'inverse, ce qui leur convenait très bien aussi. La mère de Leila ne répondit pas, mais son père accepta. Il ajouta que lui et sa mère lui faisaient confiance pour ne pas passer la nuit éveillée, ne pas faire de bêtises, bref, ne pas leur faire regretter de lui avoir donné l'autorisation de passer la nuit chez son amie. Il termina en disant que vu ses notes, ils pouvaient bien se permettre de lui laisser ce genre de liberté. Pour une fois que ça paye, d'être une bonne élève...

Lorsque les cours s'achevèrent, Leila repassa chez elle pour récupérer quelques fringues, ses affaires du vendredi et son deuxième casque, puis fila en direction de la maison de Raphaëlle.

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant