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DEUXIÈME TRIMESTRE

Théorie du Chaos


 La nuit était magnifique. Il n'y avait pas un nuage, pas l'ombre d'une goutte de pluie, pas le moins souffle de vent. Il faisait froid, mais un froid agréable, sec, juste ce qu'il fallait pour faire rougir ses joues et chatouiller ses oreilles à moitié protégées par un bonnet de laine. Un flocon isolé tomba en virevoltant et s'arrêta sur le revêtement imperméable de sa chaude veste de ski. Julie regarda ses fractales un instant, avant qu'il ne soit absorbé par le tissu blanc.

Haut dans le ciel, la lune brillait, jalouse du spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Les lumières dansaient sur les façades des grands bâtiments. Certains spectacles étaient magnifiques, d'autres amusants, et d'autre encore étaient touchants ; l'air était rempli de musiques, du brouhaha de la foule, et des cris des vendeurs de vin chaud derrière leurs stands improvisés.

Julie avait toujours aimé la fête des Lumières. Depuis sa première année à l'université, elle n'avait jamais manqué d'être présente à Lyon pour voir les illuminations. Ils étaient ce soir-là toute une bande, riant, prenant des photos, discutant du meilleur chemin pour aller d'une place surpeuplée vers une autre en évitant la foule. Ils s'arrêtaient régulièrement pour prendre l'un un vin chaud, l'autre une gaufre, ou encore une tartiflette maison servie dans une barquette en plastique.

Plusieurs de ses amis étaient en couple, et à de nombreuses reprises, Julie songea comme il serait romantique d'être avec quelqu'un en cette nuit si agréable, surtout en cet instant tandis qu'elle regardait depuis la passerelle les lumières se refléter dans l'éclat sombre et lisse de la rivière.

- Julie ? Tu viens ? On monte à Fourvière !

Florian revint vers elle. Elle était restée en arrière tandis qu'ils prenaient leur décision, le regard perdu dans l'illumination de la façade des bâtiments le long de la Saône. Le jeune homme passa un bras autour de ses épaules. Il était chaud et réconfortant, et Julie relâcha un soupir.

- À quoi tu penses, ma belle ? demanda-t-il en lui tendant son gobelet de vin chaud.

Pour toute réponse, Julie grogna. Le visage de Florian passa de la curiosité à l'inquiétude, et son sourire habituel disparut.

Après son rêve, Julie n'avait pas eu d'autre choix que de tout lui raconter. Quand elle avait commencé à lui parler de Leila, avec un air inquiet et coupable au lieu de son excitation habituelle, Florian avait immédiatement compris que quelque chose clochait.

Il s'était demandé tout à coup si ça avait un rapport avec les soupçons qu'il avait depuis plusieurs semaines et qu'il avait gardés pour lui-même car ils ne volaient pas plus haut qu'une plaisanterie un peu lourdingue. Sérieusement, le coup du plan prof-élève ? Nan, pas Julie.

Il l'avait coupée pour lui demander ce qui n'allait pas. Elle s'était contentée de baisser les yeux en silence.

- Tu ne sais pas quoi dire parce que tu ne sais pas ce qui ne va pas, ou parce que tu as peur de rendre tout ça réel si tu mets des mots dessus ? avait-il demandé.

Julie l'avait regardé, les yeux écarquillés de surprise.

- Tu... tu t'en doutes depuis quand ?

- Et toi, tu t'en doutes depuis quand ?

- Je ne sais pas vraiment, avait-elle murmuré.

- Tu ne sais pas vraiment depuis combien de temps tu as des doutes, ou bien tu ne sais pas vraiment ce qu'il se passe dans ta tête de torturée ?

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant