Sa façon d'aimer les maths

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Décembre

Leila se gara à son emplacement habituel dans le sous-sol du lycée. Elle ôta son casque avant de l'accrocher à sa roue puis entreprit d'enlever et de poser sur sa selle ses gants de cuir, ses sous-gants, son écharpe, son tour de cou, son manteau et son gros pull. Son père s'était gentiment moqué d'elle ce matin, lorsqu'elle s'était mis à enfiler les unes après les autres toutes ses couches de vêtements avant d'aller dans le garage. Il l'avait qualifiée de bibendum, sur quoi elle avait répliqué que si elle chopait la grippe, elle se ferait un malin plaisir de la lui refiler.

Elle rassembla toutes ses affaires en un baluchon avant de monter dans le hall. Les escaliers du sous-sol n'étaient pas chauffés, chaque expiration créait un nuage de vapeur en ce début de décembre et Leila regrettait déjà d'avoir enlevé ses gants. Elle se dirigea vers le casier qu'elle partageait avec Raphie et Amira et y fourra son baluchon de vêtements et ses livre d'histoire et de maths. Ça y est, elle ressemblait à une ado normale maintenant, c'est-à-dire avec un sac presque vide et pas assez de vêtements pour supporter le froid.

Mme Guérin, en sa qualité de prof principale, avait organisé une heure de vie de classe pour faire le bilan du conseil de classe qui venait d'avoir lieu. Evidemment, les délégués leur avait déjà dit tout ce qui était important pour eux : leur moyenne, leur mention, et si les profs avaient cassé du sucre sur leur dos.

Elle repensa à ce que lui avait dit Kelim, leur délégué, le lendemain du conseil. « Bon toi Leila rien à dire hein, c'est parfait quoi. Bon pas tout à fait, Lescure t'aime pas, mais te fais pas de bile, il n'aime presque personne. Le prof d'anglais est jaloux que tu bosses pas autant chez lui que chez les autres, mais t'as reçu tellement de compliments de Guérin et Pellarin qu'on aurait cru qu'elles allaient finir par te demander en mariage. Enfin, je schématise quoi. Bref, t'as les féloches, continue comme ça, bac, mentions et la totale ! T'as des questions ? »

Amira et Raphaëlle n'avaient eu aucune mention toutes les deux, et pendant un moment, Leila s'était sentie coupable. Elle n'était pas la seule à avoir eu les félicitations, elle n'était même pas la meilleure de la classe, mais tout de même, ça l'embêtait de ne pouvoir aider ses amies plus que ça.

- Mais c'est pas ta faute, Leila, s'exclama Amira pendant le repas, alors que Leila leur faisait part de ses inquiétudes.

Raphaëlle hocha la tête vigoureusement, la bouche pleine de pommes de terre qu'elle s'empressa d'avaler.

- Ouais, t'y es pour rien si nous on est des glandeuses et qu'une fois sur deux on a bâclé notre travail la veille au soir.

- Quand c'est pas dans le bus le matin, d'ailleurs.

- En fait, je pense même qu'on te doit bien deux points de moyenne, toutes les deux, pas vrai Am' ?

- Grave !

Elles éclatèrent de rire et Leila se sentit un peu mieux. Romain, dans sa classe d'éco, avait eu les félicitations lui aussi, et elle était vraiment fière de la réussite de son ami.

Après le déjeuner, Amira partit régulariser une absence au bureau de la Vie Scolaire. Raphaëlle et Leila, laissées toutes les deux, n'avaient pas la moindre envie de travailler. Comme tous les vendredi, il ne leur restait plus que deux heures de maths avant d'être enfin en week-end. Elles se dirigèrent vers la cafét', cherchèrent du regard des chaises inoccupées à emporter avec elle et, n'en trouvant aucune, décidèrent de se poser dans un coin tranquille, derrière les escaliers déserts.

Leila s'assit par terre comme à son habitude. Elle s'adossa au mur, replia ses genoux contre sa poitrine et posa ses coudes dessus, la tête entre les mains. Ainsi installée, elle laissa son esprit vagabonder tandis que son estomac digérait tranquillement son déjeuner. Elle avait hâte de finir sa journée. Avec le conseil de classe de passé et l'histoire avec Cédric enfin derrière elle, elle se sentait plus légère et plus libre.