Sa façon d'aimer les maths

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Vacances d'hiver

Leila regarda l'écran avec un mélange de stupéfaction, d'exaspération et d'envie.

- OK Florian, je m'incline, soupira-t-elle en reposant sa manette. J'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi doué à Mario Kart.

- Tu n'es pas mal non plus. Si Ju avait ton niveau, j'aurais fait plus souvent la vaisselle !

Devant l'incompréhension de Leila, Julie se fendit d'une explication.

- Pendant notre première année en coloc, on a joué tous les soirs à Mario Kart pour savoir qui ferait la vaisselle.

- Et elle en avait tellement marre de perdre, ajouta Florian, qu'elle s'est ramené un jour avec un lave-vaisselle trouvé sur Leboncoin !

Ils éclatèrent tous les trois de rire. Leila s'enfonça confortablement dans le canapé, après dix minutes passées penchée en avant, les coudes sur les genoux et les mains crispées sur sa manette afin de rattraper le kart du garçon qui filait comme l'éclair. Elle tendit le bras et passa ses doigts dans les cheveux de Julie, à la base de sa nuque (que c'était agréable, simple et tellement normal !). La jeune femme lui prit la main et l'embrassa tendrement.

- En même temps, poursuivit Florian, c'est pas en prenant la moto qu'elle allait me battre !

Leila rit en repensant à la partie qu'ils venaient de terminer, pendant laquelle Julie avait tant de fois fini dans le décor, alors même qu'elle avait tout fait pour ne jamais lui mettre de bâtons ni de bananes dans les roues.

- Tu prends tout le temps la moto ?

- Toujours, affirma Julie. Question de principe.

- Quel principe ? demanda Leila, déconcertée.

Florian se pencha vers elle, la main devant la bouche comme pour lui souffler un secret.

- Un truc de lesbiennes, dit-il en un murmure tout à fait audible qui les fit rire de nouveau.

En entendant ce mot dans la bouche du jeune homme, Leila devint songeuse. C'était la première fois qu'elle voyait sa prof s'identifier, ou en tout cas se reconnaître, en tant que telle, et sa tête était pleine de questions. Après tout, elle n'avait eu que les commérages de Mme Colas comme source d'information, et Julie aurait tout aussi bien pu être bisexuelle pource qu'elle en savait. Elle regarda Julie et repensa à sa dispute avec Chloé pendant la compétition de Raphaëlle.

- Quand est-ce que tu t'es rendue compte que tu étais lesbienne ?

La question sembla jeter un épais voile de sérieux sur l'ambiance jusqu'alors très détendue. Julie se redressa et se tourna vers Florian, comme s'il possédait une partie de la réponse.

- Oh... c'est venu graduellement, mais la vraie révélation, je l'ai eue quand j'étais en seconde en regardant Buffy contre les vampires. Je m'en rappelle comme si c'était hier, j'ai vu Willow, j'ai vu Tara, et là ça a été une évidence. Boom !

Elle avait un sourire béat sur les lèvres que Leila ne lui avait jamais vu.

- Et ensuite ? demanda la lycéenne.

- Ensuite, j'ai ouvert la fenêtre de ma chambre et j'ai hurlé à Florian de venir.

Julie ferma les yeux. Elle revoyait le ciel d'un bleu éclatant, la neige qui persistait sur les toits, la stalactite qui gouttait devant sa fenêtre. Dans la maison de Florian, pas tout à fait en face mais qu'elle voyait tout de même nettement, une petite fenêtre carrée s'était ouverte sous les toits, laissant apparaître la tête juvénile de Flo - une tête aux cheveux longs, sans barbe, mais avec le même radiant sourire. Elle lui avait crié de venir et il avait couru, en moon boots et pyjama, slalomant entre les flaques de neige grise et les trous dans le macadam causés par les gelées successives. Il était arrivé, et sans dire un mot, elle lui avait montré la scène entre les deux sorcières. Le sourire de Florian était alors devenu le reflet du sien.