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TW : Crise d'angoisse


Raphaëlle ne revint pas sur la conversation de tout le week-end.

Leila s'était attendue à se faire harceler de questions par tous les médias possibles, comme après ses premiers rendez-vous avec Cédric. Elle avait même désespéré d'avance à l'idée de devoir mentir à son amie. Mais elle n'avait au contraire fait face qu'à un étrange et inhabituel silence. Une partie d'elle-même en fut tout d'abord soulagée : elle avait vainement cru que si elle ne revenait pas sur le sujet, elle finirait par se rendre compte qu'elle avait monté cette histoire de toutes pièces dans sa tête, poussée par l'insistance de Raphaëlle à voir quelque chose là où il n'y avait rien. Parce qu'il n'y avait rien, pas vrai ?

Mais elle y pensa toute la soirée, mit des heures à s'endormir, se relevant même pour regarder le visage de sa prof sur sa photo de classe. Ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait, mais ce fut la première fois qu'elle en prit véritablement conscience. Que regardait-elle, que cherchait-elle sur cette photo ? Réconfort ? Soulagement ? En cet instant, cela ne semblait lui apporter rien d'autre que de l'angoisse. Elle repensa à sa relation avec Cédric et s'imagina remplacer son ex par sa prof de maths. Apprécierait-elle se trouver dans cette situation ? Oui, mille fois oui !

Ces pensées réapparurent dans son esprit dès l'instant de son réveil, comme si elles n'étaient jamais parties, comme si elles avaient attendu la nuit entière que Leila se réveille pour pouvoir à nouveau la tourmenter. Elle s'étonna presque un instant de ne pas en avoir rêvé. Il lui fut impossible, durant cet interminable week-end, de penser à autre chose et encore moins de travailler sur ses devoirs. Elle savait pourtant qu'elle le paierait cher toute la semaine.

Le lundi s'écoula lui aussi sans que Raphaëlle n'y fasse une seule fois allusion. À la fin de la matinée, la tête de Leila était sur le point d'exploser. Elle avait envie de plaquer Raphaëlle dans un coin et de tout lui raconter, tout. Lui dire qu'elle avait raison, qu'elle était bel et bien tombée amoureuse sans s'en rendre compte, d'une femme comme elle l'avait deviné. Et pas de n'importe quelle femme, mais de madame Pellarin. C'était absurde rien que d'y penser. Peut-être, après tout, que le dire à quelqu'un, le formuler à haute voix et non plus dans le vacarme de sa tête, lui montrerait à quel point elle était stupide. Peut-être redescendrait-elle sur Terre. Peut-être cesserait-elle d'y penser. Peut-être réaliserait-elle qu'elle n'était pas amoureuse.

Comme si j'avais la moindre idée de ce que ce mot signifie réellement...

Mais quand la cloche sonna la fin de la pause déjeuner et qu'elles se dirigèrent toutes deux vers leur cours de physique, Leila garda finalement le silence, au grand dam de ses lèvres qui furent mordillées et tourmentées sans répit. Une part d'elle-même avait envie de garder ce précieux secret avec elle jusque dans la tombe.

Ce ne fut qu'à la fin de la journée, tandis qu'elles se rhabillaient après deux heures de volley-ball, que Raphaëlle sembla se rappeler de la confession de sa meilleure amie.

- Ça te dit de venir à la maison mercredi soir ? demanda-t-elle à voix basse à Leila. Mes parents sont à un dîner du boulot de mon père, ils rentreront pas avant minuit, ça nous ferait une soirée sympa ! On pourra poursuivre notre discussion de vendredi.

Leila regarda en direction des lavabos. Les deux filles qui restaient étaient en train de se recoiffer en parlant à haute voix d'un garçon de Terminale STMG.

- T'as pas peur de m'inviter à dormir dans ta chambre maintenant ? demanda-t-elle avec un sourire moqueur.

- Ça va pas la tête, s'exclama Raphaëlle, choquée. Tu m'prends pour qui ?

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant