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Julie était sur la passerelle, accoudée à la rambarde. Leila l'avait repérée en arrivant avec Raphaëlle et Amira dans la cafet. Elle avait fait comme si elle ne l'avait pas vue, pour laisser à sa prof le plaisir de la regarder depuis là-haut. Elle sentait ses joues rougir de se savoir ainsi observée, sa prof ressentait-elle la même chose lorsque c'était elle qui la regardait pendant les cours de maths ? Le gros avantage de ce harcèlement homophobe qu'elle avait subi, c'est que maintenant que toute la classe savait qu'elle était lesbienne, elle ne se retenait plus du tout pour mater sa prof - elle avait d'ailleurs remarqué que certains garçons ne se gênaient pas, eux, alors elle n'allait pas s'en priver.

Tandis que Chloé et Romain les rejoignaient, elle avait sorti tous les stylos de sa trousse et était en train de les placer de manière à former un cœur qui serait visible depuis l'étage. Guimauve, elle ? Elle assumait à 100% !

Sa prof avait disparu, et Leila faisait maintenant des pyramides avec ses stylos en essayant toutes formes de bases différentes, tandis qu'à côté d'elle, assises sur les marches de l'escalier qui menait au CDI, Raphaëlle et Chloé faisaient des plans pour leur après-midi. Elle intervint pour dire que quoi qu'elles décideraient, elle en ferait partie. Elle avait vu Julie la veille après son baby-sitting, ce qui lui laissait son mercredi après-midi libre pour faire tout ce que ses amies auraient prévu.

La petite table trembla, faisant tomber la pyramide à base pentagonale qu'elle venait d'achever à grand peine. Elle leva la tête et vit Cédric debout devant la table ronde, les mains dans les poches de son blouson blanc, souriant d'un air goguenard. On aurait dit un enfant de sept ans ravi d'avoir cassé le château de sable d'un autre gosse.

- Ça avance les cours de maths, Leila ?

Elle attrapa tous ses stylos et les rangea dans sa trousse avant que l'idée ne lui vienne de lui piquer ses 4-couleurs.

- Sérieux Cédric, si t'essaie de me quémander de l'aide pour le DS après ton comportement de merde de la semaine dernière, tu peux aller te faire mettre, grogna-t-elle en fourrant sa trousse dans son sac.

Raphaëlle et Chloé délaissèrent aussitôt leur conversation pour se tourner vers eux. L'archère lui lança une injure particulièrement créative, mais le garçon ne bougea pas. Il arborait un sourire très, très fier. Leila trouva pourtant qu'il n'avait pas de quoi : son œil était toujours rouge depuis jeudi dernier, et si elle avait engueulé Raphie sur le coup, elle trouvait quand même que c'était bien fait pour lui.

- Je parle de tes petits cours particuliers à toi, reprit-il avec un sourire carnassier qui donna envie à Leila de lui déboîter chacune de ses dents. T'apprends des choses ? Tu dois bien te faire plais', non ? Tu lui donnes du « Madame » quand elle te baise ? Je parie que oui !

Leila écarquilla les yeux, son cœur sautant des battements les uns après les autres. Parlait-il de Julie ? Mais... comment savait-il ? Non, il essayait de la faire marcher, c'était obligé !

- Tu peux arrêter de tous nous faire chier et te casser d'ici ? intervint Romain avec humeur.

- De quoi tu parles ? demanda Raphaëlle en même temps que lui.

On aurait dit que rien n'aurait pu faire davantage plaisir au garçon qu'on lui pose précisément cette question, et que ce soit Raphaëlle qui demande, par-dessus le marché.

- Je parle, répondit Cédric en détachant soigneusement ses mots, attirant du regard d'autres élèves de leur classe qui écoutaient la confrontation, de la relation absolument pas professionnelle entre Leila et l'une de nos professeurs. « Oh oui Madame Pellarin ! Ouiiii ! » cria-t-il en une imitation médiocre de la voix de Leila.

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant