Sa façon d'aimer les maths

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- Hey Leila, ça va ? On croirait que c'est toi qui as fait nuit blanche cette nuit !

Raphaëlle secoua la petite rousse par l'épaule, qui releva lentement la tête de son assiette. La salle du self était bruyante, comme un bourdonnement sourd avec le son monté à fond. Mais dans la tête de Leila, le vacarme dépassait toutes les nuisances qui d'ordinaire accompagnaient son déjeuner.

- Hmm ?

- Laisse tomber, répondit Raphaëlle d'un ton blasé tandis que Romain éclatait de rire.

- On t'emmènera faire une sieste dans une salle d'étude après manger ! s'exclama-t-il.

Leila n'était pas endormie, au contraire. Son esprit tournait à plein régime, trop vite pour qu'elle puisse saisir la conversation entre ses deux amis.

Elle n'avait pas osé répéter à Raphie ce que la prof lui avait dit. D'une part, elle ne savait pas comment Raphaëlle allait réagir, et d'autre part il faudrait, pour qu'elle comprenne, tout lui raconter. Et elle n'avait absolument pas l'intention de lui dire qu'elle s'était déjà retrouvée deux fois dans la voiture de Pellarin et que la prof savait à peu près tout de ses déboires sentimentaux.

Après la pause déjeuner, tandis qu'elles se rendaient à leur cours de SVT, elles croisèrent Pellarin qui se dirigeait probablement vers sa salle de cours. Leila sentit son cœur se mettre à battre à toute vitesse.

Il faut que j'aille lui parler, pensa Leila. Je ne peux pas la laisser croire que...

Raphaëlle l'entraînait dans le couloir, l'éloignant de Pellarin. C'était le moment ou jamais, avant que ses élèves ne viennent dans sa salle, avant que son cours à elle ne commence... Il lui fallait prendre une décision et vite, sinon elle devrait reporter ça à ce soir, et elle ne connaissait pas les horaires de sa prof, et elle risquait de la manquer...

Elle ne comprenait pas pourquoi, mais il lui paraissait extrêmement important de régler au plus vite ce malentendu.

- Raphaëlle, s'exclama-t-elle soudainement, le souffle court, comme si sa bouche venait de prendre les devant avant que son cerveau n'ait fini de débattre avec lui-même. Je... j'ai oublié un truc, je te rejoins tout de suite !

- Tu veux que je t'accompagne ? demanda son amis en haussant des sourcils surpris. Tu as oublié quoi ?

- Non c'est bon, vas-y, je n'en ai que pour une ou deux minutes, je te retrouve en SVT !

Elle partit en courant sans attendre que Raphaëlle réponde. Elle monta les escaliers quatre à quatre, puis s'intima de s'arrêter au moins pour reprendre son souffle. La salle de maths était juste là, elle ne pouvait tout de même pas arriver devant Pellarin tout en crachant ses poumons.

Lorsqu'elle fut capable de respirer à peu près correctement, elle s'avança dans le couloir. Pellarin avait comme à chaque fois laissé la porte ouverte tandis qu'elle s'installait pour son cours à venir. La lycéenne s'approcha et toqua timidement sur l'encadrement. L'enseignante releva la tête de son classeur et sourit en l'apercevant.

- Oui ? fit-elle autant pour autoriser Leila à entrer que pour l'inciter à parler.

- Heu... je voulais vous dire, à propos de ce que vous m'avez dit, vous savez, ce matin, en fait je...

Leila avala douloureusement sa salive et prit une grande inspiration. Il y avait une boule dans sa gorge qui l'empêchait de respirer correctement. De l'autre côté du bureau, Pellarin attendait, patiemment.

- Je voulais juste vous dire que... Raphaëlle et moi on... on est amies, c'est tout.

Une expression de totale incompréhension se forma sur le visage de l'enseignante, puis Leila la vit avec horreur se transformer en un sourire amusé. Le rire etait si proche de la surface que c'était comme si elle venait ouvertement de se payer sa tronche.