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[Encore des lectures à 3-4h du matin, mais allez vous coucher enfin !!]


Si chacun des muscles de Leila tremblait désormais d'inquiétude, ce n'était rien comparé à l'angoisse que ressentait Julie. Elle était terrée sur sa chaise, incapable de bouger, incapable d'émettre un son. Elle s'y était attendue après tout ; malgré sa pseudo-bravade elle n'avait jamais vraiment cessé d'avoir peur. Elle savait qu'il viendrait un moment où elles se feraient prendre, où elles ne pourraient plus se cacher, où elles devraient payer le prix de leur inconscience. Ce n'était même pas la faute de Leila. Elle avait fait son dossier dans les règles, comment Julie pouvait-elle lui en vouloir alors que c'était elle qui l'avait incitée à s'inscrire à Oslo ?

Mais la trahison de Mme Rose-Becker était un coup cruel à encaisser. Elle avait cru, avait osé croire que la mère de Leila avait accepté la situation ; et ce relâchement dans sa vigilance venait de la conduire à sa perte.

- Vous savez ? s'écria M. Roussel. Vous êtes au courant ?

La révélation sembla le mettre en colère.

- Bien sûr, répondit Nathalie d'une voix tranchante. Vous croyez que ma fille est revenue du lycée sans me dire qu'on l'avait retenue dans un bureau comme une criminelle parce que son imbécile d'ex criait partout qu'elle avait couché avec sa prof de maths ?

Il y eut un silence. Dans le salon, tout le monde se regarda, les yeux rivalisant d'écarquillement. Julie passa de la panique au soulagement à la surprise en l'espace de trente secondes, comme si son cœur venait d'embarquer dans un manège à sensation.

- Leila vous l'a dit ? demanda-t-il finalement.

- Évidemment, renifla Nathalie. Je sais d'autres choses aussi. Comme le fait que vous avez consulté leurs téléphones sans autorisation officielle, et que vous avez questionné Julie Pellarin sur ses préférences amoureuses comme si c'était quelque chose de condamnable.

La bouche de Julie se décrocha.

- Comment savez-vous cela ?

Cette fois, on sentait le malaise dans la voix du proviseur adjoint. On aurait dit que la situation venait brutalement de s'inverser, que c'était lui qui était désormais jugé. On l'entendit se racler la gorge.

- Vous savez, rien ne reste jamais secret dans un lycée.

Dans le salon, Florian pouffa, et Julie lui mit un coup de pied sous la table. Mais M. Roussel ne semblait toujours pas décidé à laisser tomber l'affaire.

- Vous n'allez tout de même pas me dire que cette histoire de Norvège est une coïncidence, revint-il à la charge.

- Oh non, c'est bien grâce à Mme Pellarin que Leila a pu s'inscrire à Oslo.

- Grâce à elle ? Et vous allez me dire que ça ne signifie rien du tout ? ajouta-t-il avec suspicion.

- Vous savez, répondit calmement Mme Rose-Becker, ma fille est une passionnée des mathématiques. Elle a sympathisé avec chacun et chacune de ses profs de maths, et ce depuis la sixième. Elle a même monté un club avec l'un de ses professeurs, quand elle était au collège. Julie Pellarin est une enseignante qui partage la même passion et qui n'a que quelques années de plus qu'elle, alors leur amitié n'a jamais été une surprise pour moi.

- Leur... amitié ? répéta M. Roussel. Vous voulez dire qu'elles sont...

- On peut dire qu'elles sont devenues proches. C'est arrivé grâce au baby-sitting, vous savez. Comme vous l'avez appris, ma fille garde des enfants dans le même immeuble que sa prof. Leila l'a d'abord croisée par hasard, puis elle revenait chaque semaine avec des livres, des énigmes ou des articles scientifiques que Mme Pellarin lui avait donnés. J'ai même fini par la recevoir à la maison, plus d'une fois d'ailleurs. Peut-être qu'elles sont sorties du cadre institutionnel en se fréquentant à l'extérieur de l'école, mais à un moment donné il faut arrêter de voir les profs comme des soldats et les élèves comme des robots.

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant