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 Julie avait donné rendez-vous à Leila dans une petite rue calme un peu à l'écart du centre ville. 

De l'extérieur, l'endroit ne payait pas de mine. Une porte vitrée en bois bleu nuit, des fenêtres à petits carreaux et un panneau indiquant "Chez Marion. Aujourd'hui : Tarte aux pomme !". Mais l'intérieur était chaleureux et apaisant. On entendait de la musique un peu folk, une voix de femme chantant sur de la guitare acoustique. Il y avait plusieurs petites tables carrées lasurées de gris, avec des petits pots de fleurs aux pétales blanches et un menu posé sur un socle en rondin de bouleau blanc. Le comptoir était en bois sombre, avec une demi-douzaine de tartes posées sur des étagères et derrière se trouvait un buffet du même bois, où des gâteaux petits et grands étaient protégés sous des cloches de verre. Le lieu n'avait pas grand chose à voir avec les murs blancs et verts, les grandes tables rondes et le présentoir vitré et abondamment éclairé de la Théière du Lapin Blanc.

Leila avait retrouvé sa prof devant le comptoir. Elle l'avait vouvoyée, lui avait donné du "madame" et l'avait remerciée de l'aider à planifier son orientation. Cet espèce de jeu de rôle rendait son rendez-vous public beaucoup plus excitant que le précédent.

Il n'y avait pas grand monde à l'intérieur. Pour plus de tranquillité, elles s'étaient réfugiées à l'étage du café où personne ne les avait dérangées. Julie avait sorti toute une pile de paperasse au sujet de l'orientation qu'elles n'avaient pas touché. De temps en temps, quelqu'un montait pour se rendre aux toilettes, mais personne n'avait accordé d'attention aux deux jeunes femmes qui discutaient mathématiques dans le coin près de la fenêtre. Il pleuvait depuis le matin, et par la vitre, Leila ne voyait des passants que leurs parapluies et leurs capuches.

Il y avait sur leur table un petit pot-pourri avec des fleurs séchés, de toutes petites pommes de pin et des bâtons de cannelle. Leila avait joué avec les bâtons pendant toute leur conversation, formant des piles et des pyramides pour s'empêcher de tendre les mains vers celles de sa prof. Elles avaient passé tout leur temps à parler de la dernière énigme que Julie lui avait soumise et que Leila n'avait toujours pas résolue.

Quand elle parlait de maths, Julie était passionnée. C'était ce que Leila avait toujours adoré chez elle, bien avant qu'elle ne se rende compte qu'elle ne faisait que trouver des prétextes pour rester parler avec elle à la fin de l'heure, bien avant qu'elle ne réalise que son cœur battait plus vite et plus fort en sa présence. Plus d'une fois, la lycéenne se retrouva à la dévorer des yeux. Elle sentait une profonde complicité naître entre elles, remplaçant petit à petit, rendez-vous après rendez-vous, la timidité qu'elle avait ressenti les premières fois.

Quand arriva l'heure de partir, Leila se retrouva remplie de plusieurs sentiments contradictoires. Elle avait aimé la simplicité et le naturel de ce rendez-vous ; elle regrettait de ne pas pouvoir la voir comme ça plus souvent ; elle était frustrée de s'être imposée une telle retenue pendant plus d'une heure et demie ; et elle était excitée, car elle avait trouvé une solution pour résoudre son problème avec qu'elle avait hâte de tester.

Elles se promirent de se revoir à nouveau très bientôt (mon dieu qu'elle était accro !) puis Leila se leva. Elle enfila son blouson puis se pencha pour déposer un baiser sur le front de Julie. Ses cheveux étaient couverts par la casquette Gavroche qu'elle portait déjà la dernière fois au pub et qui lui donnait un air définitivement charmant. Julie jeta un coup d'œil furtif en direction des escaliers et embrassa chastement l'adolescente avant de lui souhaiter une bonne soirée.

Enfin, avec un ultime sourire et geste de la main, Leila descendit les escaliers, paya au comptoir et sortit du café. Il ne pleuvait plus, mais le ciel avait une couleur sombre et menaçante. Avec un peu de chance, elle serait arrivée à la maison avant que la pluie ne se remette à tomber. Elle sortit son téléphone et commença à taper un sms pour dire à ses parents qu'elle était en chemin.

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant