Chapitre 1 - Gris dans les yeux, bleu sur le dos

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Un rapide coup d'œil pour vérifier que ses collègues terminaient de contourner la cible et l'oreille tendue pour capter les pas des renforts à l'étage pour avoir une idée de la situation.
Tout semblait parfaitement se mettre en place, et dans les règles de la procédure. L'homme était à présent entièrement cerné. Il ne devrait plus tarder à se rendre de lui-même. Le meilleur scénario possible, celui où personne n'était blessé, même si la principale priorité demeurait l'otage. D'ailleurs, l'attaquant paraissait avoir clairement conscience de sa mauvaise posture, aux aboies et agitant son pistolet en tous sens.
Alors qu'on s'apprêtait à prononcer la dernière sommation, accordant une dernière chance à l'homme avant l'intervention, ce dernier fut plus rapide en lançant :

« Y paraît que y a un magicien parmi les flics de la ville, il est là ?

Tous les regards des policiers qui l'avaient en visuel convergèrent vers Tanguy, accroupi contre le mur à côté de la porte, la crosse de son arme serrée entre les mains.
Le jeune homme, nouvellement promu agent, ravala un soupir. Évidemment qu'il ne s'agissait pas d'une simple intervention de routine, contrairement à ce qu'ils avaient tous prétendu en recevant l'appel ce soir. Evidemment qu'il ne s'agissait pas seulement d'un simple forcené qui avait tué un voisin et pris une femme en otage après un coup de folie mais un anti-magicien qui cherchait à faire entendre ses revendications.
Depuis trois ans, à Saint-Théophile des Mines, tout avait toujours un rapport avec les magiciens et cette véritable guérilla qu'ils se livraient en ville avec les anti-magiciens, alors qu'ils étaient eux-mêmes divisés en deux camps.
C'était à cause de cela que la ville était comme paralysée. Ayant subi une forte chute démographique, il n'y avait guère plus d'institutions qui fonctionnaient, seulement la police et encore, les officiers ne pouvaient faire plus que de constater les faits en arrivant sur les lieux après coup.
Il leur arrivait tout de même de réaliser certaines interventions, comme en cette soirée où toute l'attention était actuellement centrée sur Tanguy.
Ce dernier soupira en secouant la tête de gauche à droite, l'air simplement lassé et faussement désespéré, puis, à la question silencieuse de son coéquipier, à savoir ce qu'il fallait répondre à l'homme, il se redressa et annonça :

- Ouais ! Je suis là ! Agent Tanguy Belforde, qu'est-ce que je peux pour vous ? (à sa gauche, Adam leva les yeux au ciel et l'homme armé fut quelque peu déconcerté avant de se reprendre pour ordonner :)
- Viens ici et sans arme ! Sinon, je la tue ! »

La femme prise en otage émit un son étouffé, effrayée, ne pouvant réellement formuler quelque chose à cause de sa trachée comprimée par le bras de l'homme.
Tanguy accepta, sachant qu'il était couvert par ses coéquipiers et qu'il valait mieux accéder aux exigences de l'homme, pour la survie de la jeune femme.
Le jeune homme retira le chargeur de son pistolet pour les garder chacun dans une main et, passant par la porte, qui était davantage une arche, il se plaça sous la lumière jaunâtre du vieux néon au plafond pendant que tous ses collègues se tendaient, prêts à intervenir au moindre problème.
Face à lui, l'homme le fixa en le dévisageant.
Devant lui se tenait un jeune homme de dix-neuf ans au teint légèrement doré, à l'épaisse tignasse blond foncé tombant sur son visage en ombrageant quelque peu ses yeux gris, couleur magie de l'air, vêtu d'un uniforme de policier et dressant son pistolet et son chargeur séparément.
D'un signe de son arme, l'homme lui ordonna de les poser à terre et de les faire glisser vers lui. Obéissant, Tanguy s'exécuta, à présent totalement à découvert sans pour autant sembler s'en affoler. Même lorsque l'homme braqua son pistolet sur lui, comptant visiblement abattre un magicien de sang froid, mais, lorsqu'il tira, la balle ne rencontra que le mur, dans le plâtre duquel elle s'encastra.
Propulsé par le vent qu'il maniait grâce à ses pouvoirs, Tanguy s'était déplacé sur le côté à une incroyable vitesse. Enchaînant sans laisser l'homme se remettre de sa stupéfaction, il l'écarta d'un souffle puissant, le faisant violemment rencontrer le mur, et libérant la femme, qui s'écroula au sol en poussant un cri soulagé.
Profitant de l'occasion ainsi créée, le reste des policiers jaillit dans la pièce, une partie pour prendre l'otage en charge et l'autre pour terminer de neutraliser l'homme, travail déjà bien entamé par Tanguy, qui se faisait à la fois féliciter et sermonner par son coéquipier.
Tout le monde dans l'équipe n'était cependant pas satisfait de l'action, pourtant parfaitement réalisée bien que moyennement calculée, de Tanguy.
La doyenne des agents de cette opération, qui soutenait la jeune femme prise en otage, s'arrêta à sa hauteur avec un regard réprobateur pour le réprimander :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant