Chapitre 3 - Trois ans plus tôt [2/6]

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Ignorant que faire, Eléa posa les yeux sur les agents qui encerclaient le périmètre et qui ne semblaient pas l'avoir repéré puis sur les deux inspecteurs installés dans l'assistance en se demandant si elle devait les avertir et comment le faire sans créer un mouvement de panique.
Finalement, après quelques secondes de réflexion, elle choisit de ne rien en faire. Après tout, Victor aussi avait le droit de dire au revoir à Lucille, surtout que, si elle était leur amie, pour lui, elle avait été encore davantage.
Ayant remarqué qu'elle l'avait aperçu, Victor s'était tendu, prêt à fuir, mais il constata qu'elle gardait le silence sur sa présence alors il la remercia d'un hochement de la tête et s'assit, son unique œil rivé sur le cercueil en serrant dans sa paume le porte-clés en forme de mini du même vert que son regard, la seule chose qu'il lui restait de Lucille.
Il partit lorsque l'on mis le cercueil en terre et le reste de la cérémonie se déroula sans aucun autre incident.
Serrés les uns contre les autres, se soutenant mutuellement, tous se dirigèrent vers la sortie du cimetière en ayant l'impression d'abandonner une part d'eux-mêmes, plus ou moins importante, derrière eux.
Soudainement, alors qu'ils franchissaient la ligne de délimitation que traçaient les agents, une voix grésillante jaillit de leurs radios à tous pour informer :

« Victor Oakwood repéré à l'angle du cimetière de la ville. »

Les pensionnaires de l'institut Belforde échangèrent des regards à cette annonce, ne sachant qu'en penser, pour ceux qui étaient encore en mesure de penser et qui en avaient actuellement l'envie.
Les policiers se précipitèrent vers la sortie du cimetière, accompagnés par les deux inspecteurs qui les rejoignirent, reprenant le travaille plus tôt que ce à quoi ils s'attendaient.
Avant qu'un seul représentant des autorités n'atteigne l'endroit indiqué par radio, des bruits de lutte caractéristiques résonnèrent dans le cimetière.
Cette fois, ne pouvant rester indifférents malgré les circonstances actuelles, les jeunes magiciens se ruèrent à la suite des policiers, voulant savoir ce qu'il se passait.
De toute évidence, les forces de l'ordre n'étaient pas les seules à avoir songé qu'il serait judicieux de vérifier les abords du cimetière.
Un groupe de cinq personnes équipées d'objets détournés en armes encerclaient Victor et tentaient de le frapper de leurs matraques improvisées. Les policiers se pressèrent d'intervenir mais, apparemment déterminés à faire justice eux-mêmes, les membres de ce groupe, qui s'apparentait à une milice, n'obéirent pas et se retournèrent même contre les agents.
Quant à Victor, usant de la diversion ainsi créée, il profita encore d'un rapprochement pour voler l'ombre d'un homme dont il prit le contrôle pour couvrir sa fuite, disparaissant de nouveau.
Malgré le refus d'obtempérer de la milice, les policiers étant mieux armés et plus nombreux, la situation fut rapidement gérée.
Alors que tous étaient soulagés que l'incident soit clos et pensaient qu'il ne s'agissait que d'un débordement dû à la présence de Victor, les radios des policiers relayèrent des appels et des signalements pour prévenir que d'autres incidents semblables se produisaient un peu partout dans a ville. Des affrontements se déclaraient dans chaque quartier et paraissaient notamment opposer deux camps : des anti-magiciens et des défenseurs des magiciens. D'après les informations, certains magiciens étaient également impliqués.
À ces faits, l'inspecteur Carmody lâcha un chapelet de jurons et même Roxanne fut impressionnée par l'étendue de son vocabulaire.
L'étincelle et, surtout, l'explosion qu'ils avaient pressenti tout en la redoutant, était apparue.

« Mais qu'est-ce qui se passe ? Paniqua Sylvain en se prenant le crâne dans les mains.
- Vous, rentrez à l'institut, vous y serez en sécurité, ordonna l'inspecteur Carmody avant de se tourner vers sa collègue. Julie, je te laisse gérer ici. Je retourne au poste, on a deux magiciennes en cellule avec des anti-magiciens et j'ai peur de comment ça peut tourner ! »

Personne ne s'opposa, au contraire plutôt en accord avec les dires de l'inspecteur Carmody, qui se pressa de filer alors que les messages annonçant de nouvelles violences continuaient à fuser par les radios.
Prenant les choses en main, l'inspecteur Guyon organisa différentes équipes qu'elle dispersa dans la ville pour tenter de réguler la folie qui semblait avoir contaminé Saint-Théophile des Mines.
Moins obéissants, bien que ce soit davantage une question de stupéfaction et d'incompréhension, les membres de l'institut Belforde restèrent sur place, se demandant ce qu'il pouvait bien se passer pour que tout dégénère de la sorte. Se tournant vers eux, l'inspecteur Guyon répéta l'ordre de Martial en leur faisant signe de déguerpir, d'aller se mettre en sûreté le plus rapidement possible.
Alors que toutes les haines cristallisées à l'encontre des magiciens surgissaient, ils représentaient une cible facile, encore hagard et assommés par la mort de Lucille et les événements qui s'enchaînaient.
Se forçant cependant à se reprendre en entrainant ceux n'y parvenant pas seuls, en particulier Sylvain, Adriel et Roxanne, ils acquiescèrent et se dirigèrent à pas pressés vers le centre-ville.
Comme ils avaient initialement décidé de rentrer à pieds après l'enterrement, ayant besoin de marcher, les "adultes", autrement dit, Elisabeth, Monsieur Belforde, toujours avec Chrissy, Monsieur Moreau et d'autres professeurs de l'établissement, étaient déjà partis en voiture et ils n'avaient pas d'autres choix que de marcher, ce qu'ils regrettaient en cet instant.
Angoissés par cette situation – ils captaient des échos des différents affrontements et, effectivement, la violence paraissait s'être emparé de toute la ville – ils pressèrent le pas en se serrant les uns contre les autres. Ceux possédant les pouvoirs les plus offensifs, Léo, Eléa, Marianne, Raphaël, Lison et Nolwenn, se tenaient sur l'extérieur du groupe pour pouvoir le défendre contre une attaque éventuelle, ce qui semblait tout à fait envisageable dans ces circonstances actuelles.
Pour le moment, ils n'avaient pas été repérés mais, alors qu'ils s'apprêtaient à tourner dans la rue qui les conduirait directement à l'institut, ceux avançant en tête, Léo et Nolwenn, eurent un vif mouvement de recul, bousculant leurs camarades venant derrière eux et les gardant dissimulés par l'angle de l'immeuble.
Aux regards interrogatifs de leurs camarades, ils leur firent signe de discrètement regarder dans la rue. Obtempérant, plusieurs d'entre eux étouffèrent un juron. Barrant la route d'une barricade improvisée composée d'une voiture et de divers meubles, plusieurs personnes attendaient, ou plutôt même montaient la garde, visiblement décidées à bloquer le passage, guettant probablement l'arrivée de magiciens et leur coupant le chemin vers l'institut Belforde.
Encore plus tendus après cette découverte, car il ne s'agissait pas que de quelques personnes se laissant emporter par leur peur mais bien des groupes qui s'organisaient dans le but apparent de chasser des magiciens, ils rebroussèrent prudemment chemin pour changer de trajet.
Après quelques minutes, ils se retrouvèrent à nouveau coincés. Tous les itinéraires permettant de se rendre à l'établissement étaient sous le contrôle des anti-magiciens.

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant