Chapitre 21 - Le roi est mort. Vive la reine [2/2]

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Choqué, Gabriel voulut se ruer vers son tuteur mais Eléa le retint en l'enlaçant. Il était inutile qu'il aille constater de plus près l'évidence qui s'était déjà imposé à tous, il risquait simplement d'en être davantage choqué. Sans compter qu'elle préférait éviter que ce soit l'image que le jeune homme emporte de l'homme qui l'avait recueilli et élevé car les chances de survie de Monsieur Belforde paraissaient nulles, il n'était pas seulement blessé.
En effet, Salim avait hurlé avant le premier coup de feu donc il savait ce qu'il allait se passer avant que cela ne se produise et le seul moyen pour qu'il ait cette connaissance de l'événement était qu'il en ait eu la vision or, lorsque Salim avait la vision d'une scène, c'était car elle aboutissait à la mort de quelqu'un. Impossible de nier les faits, même si tous auraient préféré.
Ils se retrouvaient paralysés par le choc de la vision du corps ensanglanté de la personne à qui ils s'étaient tous totalement remis, depuis plus longtemps que trois ans pour la majorité du groupe. Eléa sentait Gabriel trembler contre elle et elle-même avait les yeux brûlants de larmes. Personne ne savait que faire ni comment réagir.
Des bruits dans la rue, des pas et des échanges menés à voix basses, les forcèrent à se reprendre par instinct de survie.
Avançant courbé pour ne pas servir de cible, Adriel s'approcha de la porte pour regarder par les vitres brisées par les impacts de balles.
Se retournant vers les autres, il murmura et l'affolement était clairement perceptible dans sa voix :

« Faut qu'on dégage tout de suite. Y a une bande de gars armés qui vient par ici et c'est pas des VRP. Tout ce que vous voulez que ce sont eux qui nous ont canardés.
- Le seul moyen, c'est de monter... Réfléchit Damien.
- Mais... Monsieur Belforde... Commença Nolwenn.
- C'est...trop tard... Murmura Eléa, la gorge nouée.
- Pour le moment, faut qu'on se concentre sur notre survie. »

Déclara Salim, pragmatique malgré son regard luisant de larmes, et les autres, excepté Gabriel, acquiescèrent, jugeant que, effectivement, dans l'urgence de la situation, leur priorité demeurait la survie et l'intégrité des survivants.
Suite à son affirmation, Salim s'agenouilla à côté de Gabriel dont il passa un bras autour de ses propres épaules pour forcer le jeune homme à se relever, sachant qu'Eléa, avec sa petite taille, n'aurait pu le soutenir seule, puis ils se pressèrent de monter au premier étage que Nolwenn sécurisa en arrachant les planches qui composaient les escaliers, les rendant impraticables pour leurs poursuivants, grâce à sa télékinésie.
À la recherche d'une issue alternative, puisque l'entrée était doublement condamnée, ils se précipitèrent dans l'un des appartements, vide, évidemment, où ils allèrent directement jusqu'à l'une des fenêtres qu'Adriel ouvrit pour regarder à l'extérieur en s'y penchant. A sa gauche, la gouttière semblait pouvoir servir de support pour descendre jusqu'en bas et ainsi s'échapper mais supporterait-elle le poids d'eux sept ?
De toute manière, ils préféraient écoper d'une jambe cassée plutôt que de faire face aux tireurs.
Sans perdre davantage de temps, Adriel s'y engagea le premier, suivi par Damien puis Nolwenn. Salim et Eléa les imitèrent avec quelques secondes de retard, le temps de secouer Gabriel, qui était comme amorphe, ce qui était assez normal en ce genre de circonstances mais état dans lequel il ne pouvait se permettre de rester plus longtemps. Se reprenant avec la gifle d'Eléa, il s'obligea à se ressaisir et il s'accrocha à la gouttière pour descendre prudemment. Rassurée qu'il réagisse, Eléa passa juste derrière lui et Salim ferma la marche.
Finalement, tous arrivèrent en bas sans encombre, encore une fois grâce à Nolwenn qui maintint la gouttière fixée à la façade de sa magie.
Une fois au sol, ils s'élancèrent dans la première rue leur faisant face, courant pour s'éloigner des lieux et des tireurs et pour être hors de portées d'éventuels poursuivants. Poussés par l'adrénaline, ils coururent pendant de longues minutes sur le trajet qu'ils auraient normalement dû emprunter en toute tranquillité, et, après cette course effrénée à toutes jambes, ils s'écroulèrent sur le trottoir, épuisés par l'effort de la course et rattrapés par le choc, bouleversés.
Gabriel se laissa tomber contre Eléa, en pleurs, et la jeune femme libéra des larmes silencieuses mais douloureuses. Il lui semblait que les autres sanglotaient aussi mais elle ne s'en rendait pas réellement compte, focalisée sur Gabriel car se concentrer sur le chagrin du jeune homme l'empêchait de songer à sa propre douleur.
Perdre la personne qui avait représenté sa seule famille, son premier point de repère et son ancrage principal dans le monde, la seule personne sur qui il s'était entièrement reposé durant toute son existence, devait être une épreuve telle qu'Eléa ne pouvait l'imaginer, telle qu'elle n'avait pas les mots pour la décrire et l'identifier. Tout ce qu'elle pouvait faire était tenter de la rendre supportable, même si ça paraissait presque impossible, alors elle serrait Gabriel contre sa poitrine en passant tendrement les doigts dans ses longues mèches rousses tout en pleurant doucement avec lui, comme les autres autour.
Ils ne surent combien de temps ils restèrent ainsi prostrés, certainement suffisamment longtemps pour inquiéter le reste de leurs camarades qui les avait précédés dans leur nouvelle cachette car, soudainement, le faisceau d'une lampe torche creva l'obscurité commençant à tomber du ciel et les balaya alors que la voix d'Irwan criait :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant