Chapitre 20 - La vie en rose [1/2]

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Une semaine ne fut pas de trop pour se remettre des derniers événements, les différents affrontements, avec les suprématistes ou bien les anti-magiciens, les retours, assez fracassants et inattendus, d'Alana et de Roxanne, sans compter que l'organisation du déménagement continuait et demandait de l'énergie à tous, surtout que l'opération finale pour s'installer définitivement dans leur nouveau repaire se rapprochait.
Celle pour qui ce temps avait été encore plus nécessaire était Roxanne.
Éprouvée par la vie qu'elle avait menée ces trois années, en tout cas, celle que tous devinaient qu'elle avait menée puisqu'elle ne l'avait évoquée à personne autour d'elle, son corps épuisé par les traitements qu'elle lui avait infligés pendant cette période, le manque de sommeil, de nourriture, la drogue, l'alcool et tout le reste, à quoi se rajoutait l'utilisation plutôt forte de ses pouvoirs pour s'échapper du toit, la jeune femme avait dormi durant deux jours complets, inerte sur l'un des lits de l'infirmerie où on l'avait installés pour qu'elle soit sous la surveillance de quelqu'un de compétent pour les soins, Belladone ou Elisabeth.
Après ces deux jours, son rythme de vie était redevenu plus normal, bien qu'elle continua à faire de longues nuits les cinq jours suivants.
Tentant visiblement de remonter la pente après toutes ces difficultés, elle fit également des efforts sur son apparence, comme le moral passait beaucoup par le physique. Du moins, c'était ce qui lui avaient répété ses anciens camarades, Marianne, Gabriel, Alana, Eléa, Irwan, Lison, Léo, Raphaël, Nolwenn, Salim, Shikou ou même Chrissy, qui avaient suspendu une bonne partie de leurs occupations et obligations de ces derniers jours pour rester auprès d'elle.
Ça devait leur rappeler le temps, globalement plus simple et moins incertain, de l'institut Belforde, mais c'était différent. La relation qu'elle avait avec eux, avec chacun de ceux qu'elle avait fréquentés et plus ou moins appréciés lors de sa scolarité chaotique dans l'établissement pour magiciens, était comme décousue, comme si les liens étaient moins solides aujourd'hui, qu'ils s'étaient distendu, pour différentes raisons, notamment leur situation et la séparation de trois ans.
C'était un peu comme lorsqu'elle était revenue en classe après son hospitalisation dans ce centre pour jeunes en difficultés et sa tentative de suicide : tous étaient présents comme ils le pouvaient autour d'elle, se sentant navrés pour elle et voulant l'aider dans la mesure de leurs moyens mais ils ne savaient pas comment s'y prendre exactement ou sur quel pied danser face à elle, ils ignoraient comment se comporter avec elle après ce qu'elle avait vécu sans en parler.
Roxanne le sentait, pourtant, elle n'exigeait rien de ses anciens camarades et ne les obligeaient certainement pas à l'entourer ainsi alors qu'ils étaient mal-à-l'aise et que la communication n'était pas évidente, comme partiellement rompue. Après tout, elle représentait un poids pour tout le monde, y compris elle-même, et ils étaient déjà fort cléments de la soutenir ainsi alors elle n'allait pas en demander encore davantage, il ne fallait pas exagérer alors qu'ils lui accordaient déjà beaucoup.
Elle était cependant plutôt heureuse et réconfortée de constater leur attachement envers elle, bien que le terme lui paraissait un peu exagéré, et encore plus de voir Marianne la couver de sa protection.
Malgré ces sentiments plutôt positifs qu'elle ressentait en compagnie de ses anciens camarades, même si il existait ce qu'on aurait pu nommer un décalage entre eux, elle ne se sentait absolument pas à sa place. Ce n'était pas que les autres la rejetaient, bien au contraire. Depuis une semaine qu'ils l'avaient ramassée dans cette ruelle, tous cherchaient à l'aider en la tirant vers le haut, s'occupaient d'elle, l'accompagnaient et l'accueillaient en lui faisant sentir qu'ils tenaient à elle, plus ou moins selon les personnes.
Par rapport à elle, Alana était bien moins acceptée et subissait de nombreux regards de travers à cause de sa participation dans le mouvement des suprématistes.
Il y avait ce décalage dans les relations qui subsistaient du temps de l'institut Belforde mais, surtout, il y avait le fait que toutes les personnes présentes ici étaient réunies car elles poursuivaient un objectif commun pour lequel elles s'investissaient et luttaient côte à côte or, ce n'était pas qu'elle ne se sentait pas concernée, elle l'était forcément un minimum comme elle était magicienne, mais c'était plutôt qu'elle ne souhaitait pas s'impliquer.
Elle considérait que ce n'était pas son affaire que de se battre de la sorte. Ce n'était pas une question de justesse de la cause, seulement qu'elle ne se sentait pas investie au point de jeter toutes ses forces dans une lutte pareille. Elle n'en voulait pas, elle ne le pouvait pas.
Ce n'était vraiment pas dans sa nature. Elle était bien trop faible pour participer à de telles actions. Alors que, malgré leurs différences, tous ceux qui se trouvaient ici participaient à la poursuite de cet idéal en lequel ils croyaient, ce qu'elle ne ferait pas, elle le savait. Dans ces circonstances, avec la mentalité qui était la sienne, elle ne pouvait se sentir à sa place.
D'ailleurs, c'était la raison pour laquelle, il y avait trois ans, lorsque que chacun avait choisi la voie qu'il empruntait dans la lutte qui se profilait, elle n'avait rien décidé et était seulement partie pour s'enfoncer plus profondément dans son tourbillon d'auto-destruction.
Elle se sentait coincée, comme vêtue d'habits bien trop larges, inadaptés à sa carrure.
Allait-elle rester ou bien partir une nouvelle fois, pour se soustraire à toute cette histoire dans laquelle elle n'était pas impliquée ?
Quoi qu'il en était, bien qu'elle éprouvait un malaise, en reflet de celui de ses anciens camarades, elle appréciait leur soutien, et, encouragée et conseillée par eux, car, d'après leurs dires, c'était la première étape pour commencer à se reprendre en main, elle avait repris quelques habitudes pour soigner son apparence.
Avec son mode de vie de ces trois dernières années, entre son amaigrissement, son teint grisâtre, ses cheveux dont la teinture avait depuis longtemps perdu son uniformité, ses yeux cernés et injectés de sang, elle avait perdu son panache de séductrice en série, qui avait, en partie, fondé sa réputation sulfureuse, mais, bains, épilations, crèmes et maquillage aidant, elle avait commencé à reprendre cette apparence, sauf pour ses cheveux.
N'ayant ni les moyens, ni le temps, ou encore la patience pour refaire sa teinture sur l'ensemble de sa chevelure, elle avait choisi de la couper au niveau de sa nuque, sacrifiant le souvenir de ses longues mèches rose vif pour garder sa couleur naturelle brun très foncé tirant sur le noir.
Avec une coupe courte, elle semblait plus adulte et responsable. Ce qui n'était qu'une impression car, en réalité, elle demeurait une enfant apeurée par des cauchemars qu'elle ne pouvait affronter, qui ne pouvait assumer ses actes, et qui ne pouvait pas non plus trouver la force de prendre les bonnes décisions car elles étaient douloureuses pour plutôt s'entêter dans ses erreurs, totalement irresponsable, exactement comme une enfant incapable de discerner ce qui était bon pour elle et qui n'agissait que dans le cadre de ses envies pulsionnelles.
Les soins offertes par ses camarades ne changeaient rien à ce comportement contre lequel elle était incapable de lutter, comme lorsqu'ils étaient à l'institut Belforde, entourée par toutes les bonnes attentions des membres de l'établissement, camarades, professeurs, personnel et qu'elle n'avait pourtant cessé de plonger toujours plus profondément dans toutes ses addictions.
C'était la même chose aujourd'hui où le seul moyen dont elle disposait pour museler les démons qui la poursuivaient était de s'abîmer dans un oublie si total qu'elle oubliait même son nom et devenait incapable de formuler correctement la plus simple des phrases.
Si le manque se rajoutait à cela, provoquant tremblements et irritabilité, ce besoin devenait encore plus impérieux, irrépressible.
Il expliquait certainement pourquoi elle se trouvait actuellement  à l'infirmerie en l'absence de Belladone, occupée auprès de Raphaël pour elle ne savait quelle raison, dans l'intention de fouiller la pièce à la recherche de n'importe quel cachet ou substance susceptible d'affecter le système nerveux. Elle était certaine d'en dénicher. Après tout, Belladone était une ancienne trafiquante. Elle avait forcément conservé des restes de son passé.
D'ailleurs,il lui semblait bien avoir repéré quelques boites de neuroleptiques, ce qui était surprenant puisqu'il ne s'agissait pas d'un des éléments de base qui composaient habituellement les ressources médicales essentielles. Roxanne n'aurait pas été contre s'en emparer, ne se posant pas la question sur la présence insolites de ces produits.
Problème : l'armoire était maintenue fermée par un solide cadenas. Apparemment, Belladone avait anticipé les choses lorsqu'elle avait appris que Roxanne les rejoignait, à raison puisqu'elle se trouvait justement à la recherche de substances à subtiliser pour son usage récréatif. Même si elle reconnaissait la pertinence de la prévoyance de Belladone, cette protection ne l'arrangeait absolument pas.
Elle avait besoin de prendre quelque chose, n'importe quoi, pour fuir.
Un cadenas n'était cependant pas un obstacle insurmontable, juste un contre-temps qu'il suffisait de forcer.
Par réflexe, Roxanne porta la main à sa tempe pour s'emparer d'une pince avant de se souvenir qu'elle portait dorénavant ses cheveux courts et que, donc, plus aucune pince n'était nécessaire pour retenir certaines de ses mèches. Par conséquent, elle n'avait sur elle aucun outil pour ouvrir ce cadenas. Peut-être que quelque chose dans l'infirmerie aurait pu pour faire l'affaire. Une seconde fouille paraissait s'imposer.
Avant qu'elle ne s'y attèle, une voix l'interrompit en demandant :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant