Chapitre 24 - Abandon [1/2]

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Entrant dans la chambre en en refermant la porte plus par automatisme qu'autre chose, comme en témoignait son regard légèrement absent, Eléa se laissa lourdement tomber sur le matelas installé comme lit et s'enfouit sous les couvertures comme dans une tentative pour se cacher et se dissimuler, s'isolant de tout, cherchant à disparaître.
Seulement cinq jours depuis que les membres de la faction l'avaient instituée chef des opérations et elle se sentait déjà incapable d'assumer ce rôle, certitude qu'elle avait déjà eu lorsqu'elle avait vu toutes les mains se dresser en sa faveur mais qu'elle voyait se confirmer après ces quelques jours d'exercice.
Elle ne le pouvait tout simplement pas, c'était trop pour elle. Elle se sentait écrasée et accablée par une tâche qu'elle était incapable de remplir, pourtant, en ce qui concernait le fonctionnement général du groupe, elle n'avait rien à administrer comme Monsieur Belforde avait tout organisé préalablement. Ce qui était difficile à gérer étaient les émotions soulevées par la mort de Monsieur Belforde, colère et tristesse principalement, renforcées par l'annonce de celle de Roxanne.
Eléa ne pouvait tout simplement pas.
Bien qu'il ne connaissait pas les détails, Gabriel remarquait son sentiment d'écrasement, ce sentiment d'étouffer dans une place pour laquelle elle ne se jugeait nullement taillée, par les mouvements de son aura qui se resserrait autour de la petite forme recroquevillée qui se détachait de sous les draps.
S'asseyant à côté d'elle, Gabriel posa tendrement une main sur ce qu'il imaginait être la tête de la jeune femme et ouvrit la bouche pour s'enquérir de son état, même si la réponse était évidente et que c'était davantage une amorce pour lui permettre de confier ses inquiétudes et de se livrer, mais elle le prit de vitesse en lui annonçant, extirpant la tête de sous les couvertures :

« Marianne s'est un peu calmée. Enfin, elle est en état de choc et a encore l'air très mal mais elle est un peu plus calme. Margaux est restée avec elle.

Gabriel hocha doucement le menton en continuant à caresser les mèches courtes d'Eléa pour s'efforcer de la réconforter dans la faible mesure de ses moyens.
Tout le monde, les anciens membres de l'institut Belforde qui l'avaient côtoyée, avait été profondément touché par la nouvelle du possible décès de Roxanne, qui les avait choqués, mais Marianne avait vraiment été la plus affectée. Depuis le départ de Tanguy, qui remontait à environ trois heures et demie, Marianne était d'abord demeurée apathique, puis elle était ensuite devenue hystérique pour finalement fondre dans une crise de larmes qui se terminait à peine lorsqu'Eléa l'avait quittée il y avait quelques minutes. La violence de ces réactions contrastaient tellement avec l'attitude calme et posée que tous connaissaient à la jeune femme.
Ce qui était terrible dans cette situation, surtout pour Eléa qui était censée être la personne sur qui tous devaient se reposer au besoin, était de ne rien pouvoir faire pour soulager la peine de Marianne, que les autres partageaient également.
Continuant à passer doucement ses doigts dans ses mèches courtes, Gabriel s'enquit :

- Et toi, comment ça va ?
- Je...je tiens le coup. Assura maladroitement Eléa.
- Tu peux me dire les choses sincèrement tu sais (Eléa éclata soudainement en sanglots). Eléa !
- Je...je peux pas ! S'écria la jeune femme. C'est pas possible ! Pourquoi ? Pourquoi les autres et Monsieur Belforde ont voulu que ce soit moi qui m'occupe de tout ça ? Pourquoi ? Je peux pas gérer tout ça, j'en suis pas capable ! Tout va s'écrouler avec moi ! Et, d'ailleurs, je crois que je voudrais que ça s'écroule parce que je supporte plus tout ça ! Avant, je croyais vraiment qu'on pourrait faire quelque chose, qu'on allait amorcer un changement pour tout le monde mais, finalement, j'ai l'impression qu'on attend juste la prochaine attaque et de savoir qui va mourir ! Lavande, Monsieur Belforde, Roxanne, qui ce sera après ? Comment je pourrais accepter de perdre une autre personne qui m'est chère ? Et si...c'était toi ? Toute cette violence, toute cette haine, c'est en train de tout empoisonner et je sens que moi aussi je suis contaminée et je peux plus le supporter ! C'est au-dessus de mes forces d'affronter tout ça ! Je voudrais que tout s'arrête, que j'ai plus à envisager la perte de mes amis comme une éventualité, de ne plus avoir à me battre et ne plus sentir que des gens veulent ma mort dès que je sors ! Je veux que ça s'arrête ! Je veux partir d'ici ! Je veux partir d'ici ! Je...je veux...
- Chut, calme toi, je suis là, ça va aller. »

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant