Chapitre 3 -Trois ans plus tôt [6/6]

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D'abord surpris de découvrir Victoir ici en compagnie d'Aleksy, ils voulurent le questionner mais il ne paraissait guère en état de répondre à un interrogatoire.
Ne prenant pas la peine de demander son autorisation à Belladone, Alana conduisit le jeune homme au lit où elle le laissa lourdement s'écrouler. Ils s'aperçurent alors qu'il n'était pas inconscient mais plus comme amorphe, incapable de réellement agir ou de se mouver seul.
En premier lieu, Eléa pensa, comme d'autres de ses camarades, que c'était qu'il s'était, comme Aleksy, retrouvé au cœur d'un combat et que cette attitude était une séquelle d'un coup ou d'une blessure mal placé, mais elle constata, lorsque Victor émit un sanglot douloureux de bête agonisante, que c'était qu'il était anéanti.
Le laissant de côté, sachant qu'il ne répondrait à aucune de leurs interrogations et qu'aucune parole de réconfort de l'atteindrait – ils essayèrent sans qu'il n'ait la moindre réaction – ils se tournèrent vers Aleksy, qui proposait la bière à quelqu'un d'autre, qui fut Roxanne.

- Comment vous vous êtes retrouvés ensemble ? Demanda Gabriel, le premier à aborder la question qu'ils se posaient tous.
- Par hasard, je me suis dit qu'on était dans le même bateau alors je suis resté avec lui.
- Et comment t'as pu savoir où on était ? S'étonna Lison.
- Je vous ai envoyé des messages pour savoir et y a que Irwan qui m'a répondu. Enfin, je suppose que vous aviez autre chose à faire que vérifier vos portables. En tout cas, il m'a donné cette adresse.
- Ouais, c'est ce que j'ai essayé de vous dire. Ajouta Irwan.
- D'ailleurs, on est où là ? C'est franchement pas top comme coin... Lança Aleksy.
- T'es chez moi et si t'es pas content, trouve toi une meilleure cachette ! Répliqua Belladone.
- Quoi ? Ce que j'ai dit était vexant ? Désolé, j'ai pas fait exprès, c'est pas ma langue maternelle alors, des fois, je me trompe. Se justifia Aleksy avec un regard trop innocent.
- Mais bien sûr, c'est ça. Grommela Belladone, pas dupe une seconde.
- On s'en fout de ça, s'emporta soudainement Gabriel, surprenant tout le monde car il n'avait guère coutume d'élever le ton. Aleksy, les autres qui étaient à l'institut, Monsieur Belforde, Chrissy, tu sais où ils sont ?
- On est arrivé juste quelques minutes avant que tous ces gens attaquent. J'ai pensé à utiliser une ombre alors j'ai proposé à Aaron, Chrissy, Clément et Elisabeth de leur servir de porte de sortie mais, transporter plusieurs personnes via le voyage par ombres, c'est compliqué alors on a été séparés mais, normalement, ils vont bien, à priori, comme je sais pas ce qui a pu leur arriver après.
- Bon, au moins, ils sont pas piégés dans l'école... Relativisa Lison. C'est déjà ça, je suppose.
- Tu vas encore soutenir que y a plus grave que ce qu'il se passe en ce moment, le polak ? Lança Alana.
- Ça me rappelle des souvenirs, je me sens comme chez moi ! Répondit Aleksy en haussant les épaules, l'air aussi détaché qu'à l'accoutumée.
- Bon, au risque de me répéter encore une fois et de ressembler à un disque rayé, qu'est-ce que vous allez faire ? S'enquit Belladone.
- On va se battre.

Décréta une voix ferme et déterminée, à des lieux des sanglots de souffrance pure émis précédemment, les surprenant car ils ne s'attendaient pas à ce que Victor intervienne dans la conversation, surtout de la sorte.
Ils se tournèrent vers lui, les yeux légèrement écarquillés mais l'air également intrigués, souhaitant quelques précisions et se demandant ce qu'il voulait exactement dire par là.
Se tenant assis sur le lit de Belladone et tremblant de tous ses membres, la farouche résolution qui luisait dans son unique œil visible contrastait avec les larmes qui inondaient son visage en terminant de couler sur sa joue. Il y avait quelque chose de brisé en lui, encore plus qu'auparavant. Il suffisait d'un regard pour comprendre qu'il n'était plus que la moitié de lui-même.
Constatant qu'il avait l'attention de tous, le jeune homme répéta :

- On va se battre. Ces...ces gens, ce sont ceux qui ont tué Lucille avec leur haine et leur intolérance, ils nous ont tous empoisonnés ! Je veux les voir souffrir autant que je souffre et regretter ce qu'ils m'ont fait, qu'ils me regardent en face et qu'ils voient ce qu'ils m'ont fait ! Je disais que je voulais l'égalité, quelle belle erreur ! Les gens qui se considèrent comme normaux, ils nous feront toujours du mal dès qu'ils en auront l'occasion, toujours ! Le seul moyen pour que ça cesse c'est de les écraser, de les dominer pour qu'ils n'aient plus aucun moyen de nous faire du mal ! Je veux que les rôles soient inversés, que ce soient eux qui baissent les yeux !
- Arrête, c'est jamais ce que tu as voulu ! Tenta de le calmer Marianne.
- Oh si, la contredit Victor, mais je me voilais la face. Quand ma famille est...est morte, j'ai essayé de ne pas écouter ma colère, de vouloir l'égalité, et j'ai accepté de pardonner grâce à Lucille mais on me l'a arrachée ! Ils m'ont pris la seule raison que j'avais de ne pas haïr et il n'est pas question que je laisse les non-magiciens impunis ou que je les laisse encore me prendre quelque chose qui m'est cher, même si je n'ai plus rien aujourd'hui...
- Donc quoi ? Lança Eléa. Tu vas te composer une armée de magiciens et sortir pour écraser tous ceux qui n'ont pas de pouvoirs jusqu'à en faire des êtres inférieurs, des esclaves ?
- C'est en effet l'idée. Vous comprenez certainement ce que je ressens. Lucille est...était votre amie. Venez avec moi, nous libérerons les magiciens de tout ce qu'ils nous ont fait injustement subir, inversons enfin les rôles ! S'exalta Victor.
- Non, refusa catégorique Eléa sans même prendre le temps de réfléchir à la proposition de Victor, ce dont tu parles, c'est pas de la haine, c'est de la peur et de l'incompréhension. Moi aussi j'en ai bavé et je voudrais faire payer à tous ceux qui m'ont fait du mal mais je sais aussi que la haine et la violence apportent la haine et le violence. Tu dis que tu veux que tout s'arrête mais, en agissant comme ça, tu vas faire qu'entretenir le conflit. Tu rentres dans un cercle vicieux : on t'a fait du mal alors tu veux te venger et ceux à qui tu fais du mal dans ce but veulent se venger et ça en fini jamais, je serai pas stupide au point d'entrer là-dedans ! Et, surtout, je sais qu'écraser les non-magiciens serait injuste. On m'a aidée et soutenue et beaucoup de ces personnes étaient des non-magiciens, y en a deux rien que dans cette pièce ! (Eléa désigna Adriel et Belladone). Pas question de devenir les tyrans de toute une population parce qu'un seul d'entre eux m'a un jour fait du mal ! La seule bonne solution c'est l'égalité !
- Oui, c'était ce que je croyais aussi avant qu'on me prenne Lucille. Peut-être changeras-tu d'avis lorsque tu auras perdu quelqu'un (Eléa soutint farouchement le regard de Victor malgré leur différence de taille en défaveur de la jeune fille). Très bien, c'est ton choix. Depuis un moment déjà, je me doute que tu seras mon adversaire (après ce léger aparté à Eléa, Victor haussa la voix pour s'adresser à tous :) vous êtes tous d'accord avec elle ou bien me suivez-vous ?

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant