Préférant ne pas gaspiller davantage de temps en prolongeant la discussion pour ne pas se retrouver dans un des affrontements qu'ils avaient esquivés dehors, Gabriel prévint Shikou qu'ils arrivaient et se pressa de noter l'adresse que la jeune fille lui donna en visualisant le trajet à faire. Ce n'était pas si loin, dans un quartier en périphérie du centre qui avait mauvaise réputation pour diverses raisons, plutôt fondées.
Pendant qu'il raccrochait, Léo, Irwan et Nolwenn se ruaient vers la fenêtre, n'ayant pas d'autre choix que de se débarrasser des barreaux pour pouvoir s'échapper de cette chambre. Travaillant tous trois de concert, Léo commença par tenter de fragiliser la base des barreaux en les faisant fondre sous l'action des flammes bleutées qu'il générait dans ses paumes puis Irwan s'efforça de les arracher, sa force renforcée par ses pouvoirs, son action accentuée par la magie de Nolwenn qui fit pression sur les barres de fer, les faisant lentement céder.
Pour leur donner plus de temps, ce qui allait certainement leur faire défaut, Alana récupéra un marqueur dans la poche de son pantalon cargo pour tracer en gros un signe sur la porte. Cela ressemblait à un idéogramme japonais, qui signifiait "fermé" mais Alana était la seule à le savoir. Elle y insuffla une part de ses pouvoirs pour que l'effet fonctionne mais elle doutait qu'il soit efficace plus de quelques minutes, pas alors qu'il était seulement inscrit au marqueur sur une simple porte en contre-plaqué.
Ce fut cependant suffisant pour que Nolwenn, Irwan et Léo terminent.
Ils ne retirèrent pas tous les barreaux, ce qui aurait exigé trop de temps et d'efforts, ce dont ils ne pouvaient se permettre dans ces circonstances, juste de quoi créer un passage où tous pourraient se glisser l'un après l'autre. Restant en arrière dans la pièce, Marianne usa à son tour de sa magie de manière à réduire la gravité pour rendre l'atterrissage de ses camarades moins brutal. La fenêtre était tout de même à cinq mètres au-dessus du sol sans rien sur la façade pour s'accrocher et descendre en douceur.
La jeune fille passa donc la dernière de ses camarades, après avoir fortement déployé ses pouvoirs, ce qui l'avait fatiguée .Heureusement que Léo la rattrapa sinon, elle se serait écroulé. Le jeune homme la porta dans ses bras alors que tous s'élançaient à la suite de Gabriel, qui les guida jusqu'à l'adresse de Belladone.
Encore une fois, il leur fallut faire des détours pour éviter des groupes armés et Nolwenn dut même utiliser sa télékinésie pour défaire une barricade en quelques secondes avant que les gardiens ne reviennent.
Où qu'ils se trouvent, des échos de combats leur provenaient. Ils avaient l'impression d'être dans une véritable zone de guerre.
Prudents, ils passèrent par l'escalier de secours plutôt que par le hall de l'immeuble décrépit.
Durant un instant, ils crurent bien que le bâtiment était abandonné, avec le plâtre lézardé, les dalles manquantes, des morceaux de moquettes arrachées, les boites aux lettres défoncées et la majorité des ampoules brisées, mais, apparemment, il y avait bien des gens qui y vivaient, dont la dénommée Belladone.
Eléa demeura stupéfaite face à l'état du lieu. Elle ne s'imaginait pas qu'il y puisse y avoir des endroits comme ça à Saint-Théophile des Mines mais ce n'était que l'une des sources de surprise de la journée, et même pas la plus grande.
Par exemple, elle avait été stupéfaite que Shikou les appelle et leur parle aussi naturellement qu'elle l'avait fait.
D'ailleurs, jamais avant aujourd'hui elle n'avait véritablement entendu le son de sa voix. Certainement n'était-elle pas la seule dans ce cas là parmi ses camarades, ce qui faisait que rien ne leur prouvait réellement qu'il s'agissait de Shikou qui les attendait dans l'appartement qu'elle leur avait indiqué et elle ne le croirait que lorsqu'elle aurait la jeune fille asiatique plus lucide qu'à l'accoutumée sous ses yeux rouges, ce qui ne ferait que renforcer sa stupéfaction.
Plus généralement, la journée entière était placée sous l'ébahissement perpétuel et renouvelé.
Si on lui avait dit, ce matin, lorsqu'elle s'était levé pour se rendre à l'enterrement de Lucille, moment qu'elle avait traversé dans un épais brouillard, que la ville allait se transformer en un champ de bataille général dont le centre serait les émeutes provoquées par la peur, jamais elle n'aurait accordé un réel crédit à ces dires.
Comme le disait si bien l'expression consacrée : il y a des jours où on ferait mieux de rester couché.
Même si beaucoup dans le groupe étaient dubitatifs quant à la présence de Shikou en ces murs, ce fut bien la jeune fille aux allures de poupée de porcelaine japonaise qui leur ouvrit la porte après que Gabriel ait vérifié le numéro de l'appartement, qu'il avait noté, puis frappé.
Encore une fois, l'étonnement domina dans le groupe car, en effet, Shikou avait radicalement changé d'attitude.
Pour commencer, et c'était ce qui s'imposa directement à tous comme première constatation, elle ne portait plus son casque. La deuxième transformation la plus notable résidait dans on regard indigo, qui n'était plus lointain, concentré sur autre chose que la réalité directe, mais luisant de vivacité en phase avec la situation, ce qui ne les aidait pas à mieux se positionner face à elle.
Aucun d'entre eux, et surtout pas Adriel, n'oubliait qu'elle était responsable des meurtres sauvages et sanglants de l'institut, même si elle paraissait un peu moins effrayante sans son regard vide de lunatique.
Ils ignoraient comment ils devaient se comporter face à elle, alors ils demeuraient dans le couloir à la détailler sans savoir que faire, jusqu'à ce que le timbre presque masculin leur lance depuis l'intérieur de l'appartement :

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Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]
خارق للطبيعةTrois ans se sont écoulé depuis la mort de Lucille. Traumatisé par celle-ci, Victor a refusé de se rendre et Saint-Théophile est aujourd'hui une véritable zone de non-droit désertée par sa population où s'affrontent les suprématistes magiciens, men...