Chapitre 2 - Les égalitaristes [2/2]

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« Ça a mal tourné, soupira Lison avec le visage sombre. On était pas les seuls à aller faire nos provisions.
- Merde. Jura Irwan. Victor ou anti-magiciens ?
- Victor, répondit Léo, et y avait encore cette Aurore, j'en peux plus !
- C'est pas l'important, Roy Mustang, recentra Lison. Ils devaient être deux fois plus nombreux que nous et on a été séparés avec Eléa et Gabriel.
- J'espère qu'ils vont bien... Murmura Adriel et Nolwenn opina.
- Et Belladone ? S'enquit Salim en désignant la jeune femme punk toujours inconsciente.
- Elle a pris un mauvais coup sur la tête, expliqua Lison, mais ça devrait aller, je pense.
- Et elle alors ? Demanda Marianne en montrant Margaux, qui se raidit soudainement.
- Et ben, elle s'est retrouvé au milieu. Raconta Léo, légèrement gêné car il s'apercevait qu'introduire une inconnue dans leur cachette n'était guère prudent et qu'il avait agi sans réfléchir.
- Et tu comptes la laisser sur une seule jambe ? Le tança Irwan avant de venir s'offrir comme soutien à Margaux. Tu t'es blessé à la cheville ? (Margaux acquiesça). Ok, je vais t'emmener à l'infirmerie.
- C'est pas super utile tant que Belladone est dans les vapes. Fit remarquer Nolwenn avant de se corriger elle-même. Mais Chrissy ou Elisabeth devrait pouvoir faire quelque chose.
- Exactement. Allez, on y va !

Irwan fléchit les genoux pour pouvoir prendre Margaux dans ses bras, galant, mais le sourire qu'il affichait semblait comme éteint là où Salim paraissait enfin délivré de ses démons.
Se questionnant à ce sujet, elle se laissa porter par Irwan le long d'un couloir jusqu'à une pièce plus petite que la précédente, meublée par deux lits et une grande armoire métallique, qui renfermait probablement différents produits de soins et des médicaments.
Ils furent joyeusement accueillis par une jeune fille à la peau incroyablement pâle, presque translucide, et aux cheveux blond vénitien atteignant le milieu de son dos. Margaux ignorait totalement qui elle pouvait bien être, certainement la Chrissy ou l'Elisabeth qu'avait évoquée Nolwenn. En tout cas, le doux bleu clair de ses iris indiquait qu'elle possédait la magie de soigner.
Se tenant loin d'elle, Irwan déposa Margaux sur l'un des lits en expliquant le problème à la jeune fille, toujours sans s'approcher d'elle, restant dans l'embrasure de la porte.
La jeune fille s'agenouilla devant Margaux pour s'occuper de sa blessure, après lui avoir demandé si c'était la cheville gauche ou droite, puis elle retira délicatement la chaussure de Margaux et releva son pantalon. La jeune fille étouffa une exclamation de surprise en découvrant son articulation gonflée et rougie. Il y avait une possibilité de foulure de toute évidence. Elle grimaça.
Son "infirmière" ne sembla cependant pas s'affoler. Au contraire, elle lança dans un sourire innocent que ce n'était pas grand chose puis elle entoura la cheville blessée de ses mains, une de chaque côté en fermant les paupières. Margaux sentit une douce chaleur traverser tout son pied, chassant la douleur.
Lorsque la jeune fille retira ses doigts avec un large sourire satisfait en annonçant qu'elle en avait fini, l'articulation de Margaux allait parfaitement bien, plus aucune trace de foulure. Le regard bas, Margaux la remercia du bout des lèvres, n'osant pas se manifester réellement.
Encore stupéfaite d'avoir été guérie de la sorte aussi rapidement et efficacement – elle n'avait jamais véritablement eu l'occasion d'observer les effets de la magie de près avant cette nuit – Margaux remua son articulation dans tous les sens à la manière d'un échauffement. Elle n'eut guère le temps de s'extasier sur sa guérison car ce qui servait vraisemblablement d'infirmerie fut soudainement envahie.
En premier, la dénommée Belladone – sûrement pas son vrai nom – portée par Adriel, dont le visage était marqué d'une profonde inquiétude. Margaux en déduisit donc que Gabriel et Eléa n'étaient toujours pas de retour.
Ensuite, vint un homme d'une cinquantaine d'années au bouc blond parfaitement taillé et strié de quelques mèches blanches, aux yeux vairons, l'un bleu et l'autre brun, et dont la présence occupait toute la pièce à cause de son fort charisme. Il se déplaçait en s'aidant d'une canne et, même si il semblait avoir vieilli de plus de trois ans, Margaux l'identifia sans aucune difficulté : Monsieur Aaron Belforde, anciennement directeur de l'institut Belforde, qui avait fermé au début de la guérilla.
La jeune guérisseuse vint l'étreindre en l'appelant "papa" et il lui ébouriffa affectueusement les cheveux avec un doux sourire paternel.
L'accompagnant, un jeune homme de vingt-six ans aux yeux d'un vert extrêmement foncé, tant que Margaux crut d'abord qu'ils étaient noirs, se tenait à côté de lui. Si Monsieur Belforde paraissait avoir vieilli, lui était parfaitement identique au jeune homme s'étant exprimé au procès de Victor Oakwood, là où Margaux l'avait rencontré pour ainsi dire, Aleksy Wipiski, magicien de l'ombre.
Alors qu'elle le frôlait, les yeux de celle qui était de toute évidence la fille de Monsieur Belforde, dont Margaux n'avait jamais entendue parler avant cette nuit, prirent la couleur de son regard, échangeant le bleu clair de la guérison contre le vert des ombres, laissant Margaux ébahie. Jamais elle n'avait entendu parler d'une telle capacité.
A leur suite se massèrent ceux qui avaient un jour composé, avec d'autres, la classe des plus âgés de l'institut Belforde : Léo Carmel, qui avait donc perdu ses dread locks, Raphaël Grimaud, toujours soutenu par Salim Homri, Lison Albairet, Nolwenn Arancia, Marianne Delors, Irwan Ëlys et Shikou Minaki, qui se glissa discrètement jusqu'au lit où était étendue Belladone pour s'enquérir de son état. En plus de ces plusieurs magiciens, il y avait également un ancien professeur de l'institut Belforde : Monsieur Clément Moreau.
Apparemment, ils se tenaient là en tant qu'observateurs.
Monsieur Belforde s'avança vers Margaux en lui tendant la main en un geste de salut. La gorge obstruée par une boule d'appréhension, la jeune fille serra sa main pour lui rendre son salut sans oser regarder personne en face, puis elle se contenta de seulement hocher le menton lorsqu'il s'assura qu'elle allait mieux après les soins de sa fille, qu'elle découvrit se nommer Chrissy. Elle ne réagit toujours pas lorsqu'il lui expliqua qu'il était navré mais que c'était difficile pour eux de la laisser repartir tant qu'ils ne pouvaient pas être certains qu'elle n'irait pas les dénoncer, à qui que ce soit.
Elle ne put cependant se contenter de cette vague réponse lorsqu'il lui demanda comment elle s'appelait alors elle murmura du bout des lèvres son prénom. Ce fut au tour de Monsieur Belforde d'acquiescer, mais en souriant, en lui répondant qu'il était enchanté.
Pour le moment, sa rencontre avec les égalitaristes se déroulait plutôt bien, même si elle percevait une nette tension peser sur ses épaules.
Encore plus lorsque Marianne fit remarquer, davantage comme un commentaire personnel que comme quelque chose qu'elle partageait avec les autres, que son visage ne lui était pas inconnu. Margaux déglutit difficilement, même si elle s'était attendu à cette possibilité. Après tout, ils avaient eu l'occasion de se croiser à quelques reprises.
À cette observation de Marianne, tous se mirent à scruter Margaux plus attentivement. La jeune fille se tassa sur elle-même en se mordant la lèvre inférieure, tentant de se soustraire à ces regards inquisiteurs, mais elle était prisonnière de cette analyse visuelle.
Se souvenant brusquement de la raison pour laquelle les traits de Margaux ne leur étaient pas totalement inconnus, Raphaël, qui était toujours le plus observateur du groupe mais toujours également le plus timide et renfermé, tira sur la manche de Salim pour attirer l'attention du jeune homme. Ce dernier se pencha vers lui, Raphaël n'ayant guère grandi ces trois dernières années, et Raphaël lui glissa quelque chose à l'oreille. Salim écarquilla les yeux avant de bondir en avant, écartant Monsieur Belforde sans grande douceur et se piquant face à Margaux, qui tressaillit, se sentant soudainement en danger.
La dominant, les bras croisés sur la poitrine, le jeune homme demanda à Margaux sur le ton de l'accusation en se montrant plutôt agressif :

Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant