Les Yeux du Pouvoir - Tome 4 : Vert Ombre [Terminé]

Chapitre 28 - Fin du passé

Dans un sursaut, ne pensant pas entendre une voix qu'ils ne connaissaient pas suffisamment pour l'identifier immédiatement, tous se retournèrent, les muscles tendus, prêts à se défendre mais la personne face à eux ne semblait pas agressive.
Se tenant dans les escaliers menant au premier étage, dont les vieilles planches en bois étaient constellées de minuscules trous, adossé contre le mur, les bras croisés sur la poitrine et son sourire moqueur coutumier accroché au visage, Liroy les observait avec ce qui semblait être à mi-chemin entre de la condescendance et de l'amusement.
Bien qu'il ne paraissait pas se trouver ici avec des intentions belliqueuses et qu'ils apaisèrent donc leurs réactions, tous se méfièrent presque instinctivement. Après tout, Liroy était connu, en plus de son incroyable capacité pour agacer autrui sans le moindre effort, pour être imprévisible et malin, du genre qui ne se laissait pas submerger facilement. Sans compter que, appartenant à la faction des suprémacistes, il était un ennemi et que la prudence s'appliquait donc.
Sur leurs gardes, ils examinèrent le jeune homme, cherchant à évaluer si il était armé ou non, ainsi que la pièce autour, vérifiant si il était seul, ce qui semblait être effectivement le cas.
Laissant les autres gérer l'arrivée impromptue de Liroy, Belladone passa un bras autour des épaules de Raphaël pour l'entrainer à l'écart et le faire s'asseoir dans un coin où elle s'efforça de le calmer, craignant que ces émotions de profonde panique n'aient une influence néfaste sur la grossesse. Pour l'instant, il valait certainement mieux que le jeune homme reste en-dehors de tout cela.
Sur le palier de la cave, Nolwenn fut la première à réagir malgré la stupeur, probablement grâce au passé commun qu'ils avaient partagé.
Avançant d'un pas dans le direction de Liroy, elle lui demanda :

« Qu'est-ce que tu fais là, Liroy ?
- J'ai reçu le bat signal. Répondit Liroy alors que son sourire en coin s'élargissait.
Le bat signal ? Alors pourquoi c'est le Joker qui débarque ? Lança Lison.
- Eh ! Me compare pas au Joker ! Je suis pas défiguré, enfin ! S'offusqua exagérément Liroy.
- Que fais-tu là ? Répéta Monsieur Moreau, s'impatientant.
- On m'a prévenu qu'Erika faisait des siennes alors je suis venu voir, des fois que je pourrais aider.
- On t'a...prévenu ? Releva Lison avec étonnement.
- T'as fait vite. Commenta Alana en s'adressant à Liroy avec une froide distance.
- Alana ? S'exclamèrent Irwan et Léo à l'unisson.
- C'est bon, j'ai pas fomenté avec "l'ennemi". C'est juste que, depuis qu'on sait qu'Erika est dans la nature, on s'est dit, avec Liroy, qu'il faudrait la retrouver pour avoir un œil sur elle ou, au moins, qu'on puisse intervenir si on tombait sur elle qui jouait les Jack l'Éventreur, même si j'ai quitté les supremacistes. Elle est dangereuse et gravement ravagée du bulbe, cette nénette ! J'ai envoyé un message à Liroy pour lui dire que "Erika faisait des siennes", expliqua Alana. J'espérais juste pouvoir protéger les gens de cette dingue !
- On comprend. Personne te fait de reproche. Lui assura Eléa.
- Heureusement, j'étais dans le coin, j'ai pu arriver tout de suite ! Précisa Liroy.
- Comment ça "dans le coin" ? Releva Marianne en fronçant les sourcils.
- Vous croyez que Vivi allait pas s'intéresser à votre petit défilé ? C'était si émouvant !
- Mais arrêtez de parler ! S'écria Raphaël. Salim est avec cette folle ! Faut faire quelque chose avant qu'elle le blesse !
- Entièrement d'accord, approuva Liroy, on a un futur papa à tirer de là !
- Avec deux télékinésistes, ça sera facile. Toi, tu maintiens la structure et, moi, je dégage le passage.

Ordonna Nolwenn en dirigeant Liroy, qui accepta en imitant un accent allemand exagéré, ce qui lui valut une claque derrière le crâne de la part d'Alana, habitude probablement prise du temps de son appartenance aux suprémacistes et qui ressurgissait en présence de Liroy, ce qui le fit d'ailleurs ricaner.
Étrangement, bien qu'il ait rejoint les lieux immédiatement après l'alerte d'Alana et qu'il prétende être inquiété par le comportement dangereux d'Erika, d'où cette surveillance qu'ils s'étaient efforcée d'instaurer, il semblait ne pas prendre la situation au sérieux.
Durant un instant, Belladone le compara à Aleksy, qui ne paraissait jamais affecté par la gravité d'une situation à cause de son indifférence, d'ailleurs, la jeune femme était certainement la seule chose pour laquelle il s'était réellement impliqué depuis que tous le connaissaient, sauf que le jeune homme polonais avait au moins la décence de ne pas montrer qu'il se moquait du critique d'un contexte.
S'installant côte à côte aussi près que possible de l'accès à la cave, Nolwenn et Liroy échangèrent un regard orange, se concertant sans avoir besoin de la moindre parole.
Inquiet que l'opération tourne mal, sachant que la coordination entre deux magiciens s'avérait difficile, même si ils possédaient la même magie, et qu'elle nécessitait une grande entente entre les deux sorciers au point que la communication pouvait se passer de mots, Monsieur Moreau alla pour les prévenir en émettant quelques réserves mais Eléa le retint et secoua négativement la tête pour lui faire comprendre que ce n'était pas la peine.
Après tout, Nolwenn et Liroy avaient grandi ensemble, c'était même lui qui lui avait appris à maîtriser ses pouvoirs. Même si la vie et leurs choix les avaient séparés, il existait toujours entre eux un lien solide et profond, leur précédent échange de regard confirmait qu'ils étaient tout à fait aptes à effectuer cette opération de sauvetage dans les meilleures conditions. D'ailleurs, heureusement qu'Adriel n'était pas présent, en un sens, car il n'aurait que très moyennement apprécié la relation forte qui subsistait encore entre les deux télékinésistes, sujet à la jalousie.
S'informant mutuellement qu'ils étaient prêts à débuter, tous deux se concentrèrent.
Liroy ferma les paupières et usa de sa magie pour soutenir la structure de la cave et prévenir un nouvel effondrement, protégeant les deux personnes coincées, plus Salim qu'Erika. Malgré son efficacité et sa puissance, le jeune homme eut besoin d'un peu de temps pour trouver quels endroits supporter et maintenir, toute la maison étant dans un état lamentable et ne demandant qu'à s'écrouler. Prévenant Nolwenn qu'elle pouvait se charger de sa partie, il saisit sa main qu'il serra.
Ne perdant pas de temps, ne laissant pas Salim davantage piégé avec Erika, la jeune femme commença à dégager le passage, un débris rejeté sur le côté à chaque mouvement de son bras. Ne se fatiguant pas à déblayer tout les escaliers, elle se contenta de libérer le milieu, créant un passage suffisamment large pour qu'on puisse s'y glisser. Ainsi, elle limitait ses efforts et donc ses dépenses en énergie et évitait également de trop fragiliser le plafond dans la cave, même si Liroy l'étayait de sa magie.
Rapidement, un rais de lumière filtra dans la cave, plongée dans l'obscurité depuis l'écroulement, les décombres ayant faits éclater la vieille ampoule à nue.
Assis contre l'un des murs, Salim était resté à l'opposé d'Erika, qu'il avait réussi à calmer en lui parlant, chose qui s'était étrangement avérée plutôt simple comme elle ne cessait de l'interroger sur comment il vivait ses pouvoirs de mort, qu'il lui avait expliqué être beaucoup plus supportables depuis qu'il les avait acceptés et qu'il s'était ouvert aux autres, qui l'accompagnaient face à cette malédiction.
Se relevant, il s'approcha de l'ouverture pour lancer une légère interrogation. Raphaël y répondit avec un ton de soulagement intense par une autre question, s'enquérant de son état. Vérifiant la position d'Erika dans son dos, Salim affirma qu'il allait bien, ce qui était effectivement le cas. À part une égratignure au genou et une autre au biceps, il se portait parfaitement bien, si on oubliait également le fait qu'il était piégé dans une cave humide, sans lumière avec une tueuse.
Attentif au comportement d'Erika, il s'éloigna du passage qui se dégageait à vue d'œil, attendant de pouvoir s'extirper de ce piège avec impatience, se sentant mal-à-l'aise et en insécurité depuis qu'Erika avait cessé de parler et se déplaçait dans son dos, comme un prédateur examinant sa proie.
Si bien que, dès que le passage lui parut assez large, il s'y précipita, se glissant entre les décombres, ses épaules l'entravant quelque peu dans cet étroit accès, se couvrant de plâtre, de poussière et se plantant des échardes dans la peau. Tendant le bras vers l'avant, il sentit quelqu'un l'attraper par le poignet et le tirer vers l'avant pour l'aider à s'extirper. A la vision qui déchira ses pensées, il devina qu'il s'agissait de Léo qui, grâce à son intervention, lui permit de sortir la tête de l'autre côté, mais, soudainement, il disparut de nouveau derrière les décombres, comme aspiré vers l'arrière.
Erika était plus forte qu'elle ne le semblait – en même temps, massacrer des personnes à l'arme blanche exigeait une certaine force – et elle venait de ramener Salim dans la cave, ne comptant apparemment pas lui permettre de sortir de là.
D'ailleurs, elle s'écria :