Sentiments

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- Que se passe-t-il avec Madame d'Agoult?

Assise à une table en bois devant la grande demeure, Sand leva les yeux sur son ami, et tout en tirant sur son cigar, jeta un œil en arrière. La comtesse était assise un peu plus loin, installée sur un drap sous un arbre, passant avec vivacité sa brosse dans les cheveux de sa fille, aux côtés de Solange qui avait elle aussi eu son quart d'heure de coiffure et lisait un livre.

- Mon cher François, tu ne veux pas savoir.

- L'as-tu encore vexée?

- Non, c'est elle qui a fait une chose qu'elle regrette.

- Tu devrais tout de même d'excuser.

- Pour un acte qui était de sa propre entreprise?

- Discutez-en au moins. Cela fait trois jours qu'elle ne t'a pas adressé la parole.

- Tu me connais, François. Je n'aime pas m'excuser.

- Je sais aussi que tu n'aimes pas avoir de tension palpable à Nohant. Alors abandonne ta fierté et va lui parler.

- Cela semble te tenir à cœur.

- Madame d'Agoult est une femme raisonnable, et aimable. Et faire la tête ne va pas à son beau visage.

Sand laissa échapper un soupir.

- Bien, tu as gagné. Marie? L'appela-t-elle en se retournant.

- Je n'ai rien à vous dire! Cria-t-elle.

- S'il vous plaît ! Je voudrais seulement me faire pardonner.

Marie inspira, et après avoir hésité, finit par se lever.

- Sophie s'il vous plaît.

La nourrice et domestique réceptionna la petite fille, et Marie pressa le pas vers son amie. Au même moment, une autre domestique se présenta à sa collègue, un biberon de verre à la main.

- J'apporte le goûter de Mademoiselle Blandine.

- Et moi, je n'en ai pas? Se plaignit Solange. Je veux un grand gâteau!

- Pour vous il n'est pas encore l'heure, Mademoiselle. De plus Madame votre mère a déconseillé de vous donner des friandises. Vous aurez des pommes et des tartines, mais cela sera tout à l'heure.

- Ce n'est pas juste. Elle a un meilleur goûter que moi.

- Vous pourrez, vous aussi, avoir un chocolat si vous le souhaitez.

Elle les quitta, et Solange observa avec une moue Sophie donner son biberon à la petite fille, qui s'empressa d'y boire.

- Pourquoi elle a un chocolat chaud?

- Elle en raffole, et ne veut boire que ça. C'est étrange par ailleurs. Les petits enfants aiment le lait comme il est d'habitude.

Solange posa ses yeux lui elle avec curiosité.

- Oui, dis, pourquoi tu aimes autant le chocolat Blandine?

- Papa!

Elle regarda la nourrice, qui était d'autant plus confuse.

- Que veux-tu dire?

Blandine ne répondit rien, et bu à son biberon, son attention maintenant portée sur le tronc d'arbre.

Solange réfléchit un instant, et se retourna pour prendre le carnet de son frère, sur lequel il avait esquissé un paysage au crayon avant de monter chercher de la peinture. Profitant de son absence, elle en tourna quelques pages, et l'ouvrit sur un portrait qu'elle présenta à la fillette.

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant