1825
- C'est trop difficile...
- Woyciechowski, je ne veux pas entendre d'objection. Levez-vous et lisez la suite.
Tout en s'exécutant, Tytus jeta un coup d'œil rapide à son professeur de français, puis à la salle de classe, partagée entre les élèves studieux et ceux s'ennuyant. Puis il baissa les yeux sur le lourd mais petit livre qu'il avait entre les mains, et prit une grande inspiration.
- Malheureux, ne te lamente pas plus longtemps ici, et ne consume point ta vie, car je vais te renvoyer promptement. Va ! fais un large radeau avec de grands arbres tranchés par l'airain, et pose par-dessus un banc très élevé, afin qu'il te porte sur la mer sombre. Et j'y placerai moi-même du pain, de l'eau et du vin rouge qui satisferont ta faim, et je te donnerai des vêtements, et je t'enverrai un vent propice afin que tu parviennes sain et sauf dans la terre de ta patrie, si les dieux le veulent ainsi, ces dieux qui habitent le large Ouranos et qui sont plus puissants que moi par l'intelligence et la sagesse.
Il n'eut pas le temps de lever les yeux de sa page que son professeur s'était avancé vers lui, les bras croisés.
- Votre prononciation s'est améliorée. C'est bien. Cependant veillez à davantage perdre votre accent. Si vous cherchez un travail en France et que vous gardez ce mauvais accent polonais, personne ne vous engagera. Et je dis cela en direction de vous tous. Sinon vous mettez dans votre lecture une bonne intonation, de la conviction, c'est une bonne chose. Personne ne veut entendre un récit être lu avec le même entrain qu'un acte juridique. Fryderyk, à toi. Lève-toi et lis-nous la suite. Je rappelle que c'est Ulysse qui parle.
Celui-ci sursauta presque à l'interpellation. Il n'était pas perdu dans ses pensées, et avait suivi la lecture de son petit-ami ; il ne s'attendait simplement pas à être le suivant désigné.
Il se leva à son tour en prenant son livre dans les mains. Il n'avait aucune envie de lire devant cette classe qui ne rêvait probablement que d'une sieste. Ce n'était pas de la timidité, ou de la honte, non, il n'avait juste vraiment pas envie.
Il remarqua du coin de l'œil son père, debout contre son bureau et les mains dans les poches, le fixant d'un regard soutenu. Il n'avait pas le choix.
- Certes, tu as une autre pensée, déesse, que celle de mon départ, puisque tu m'ordonnes de traverser sur un radeau les grandes eaux de la mer, difficiles et effrayantes, et que traversent à peine les nefs égales et rapides se réjouissant du souffle de Zeus. Je ne monterai point, comme tu le veux, sur un radeau, à moins que tu ne jures par le grand serment des dieux que tu ne prépares point mon malheur et ma perte.
- Tu es plus éloquent que ton camarade. Je sais que tu redoutes de mal prononcer un mot, mais tu dois lire plus rapidement.
Éloquent? C'était une farce.
- Lorsque tu lis en polonais ou en allemand tu parles pourtant trop vite. Tu dois corriger cela... enfin, rassieds-toi.
- J'ai une question, avança-t-il en obéissant. Si c'est un cours de français, pourquoi ne lisons-nous pas des œuvres françaises?
- Si tu as une question, c'est en français, Fryderyk.
- Pourquoi on ne lit pas des histoires françaises si on doit lire en français? Répéta-t-il dans la bonne langue.
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La mélodie des sentiments
Ficción históricaUn concert, une déclaration, un baiser, et la perspective de passer une bonne soirée. Sur les quais de Seine, dans un coin tranquille de campagne, sous la bise maritime d'une plage, au recoin d'une chambre sombre, les sentiments tournoient comme une...