Le brouhaha du rez-de-chaussée s'entendait jusque dans la chambre. Comment la famille pouvait-elle accueillir un si grand nombre d'invités? Ils étaient certes des plus riches de la ville, pourtant leur demeure citadine, bien que grande, n'était pas un palais. Son exubérance se montrait davantage dans ses nombreux étages que dans une quelconque grande salle de bal. L'entrée était en réalité assez étroite, envahie par un grand escalier, l'on pouvait à peine la qualifier de hall. Mais après tout Schumann n'y connaissait rien en grandes réceptions. Il avait trop la vision des grands bals dans des salles immenses, et n'imaginait pas que des invités puissent se balader de salon en salon.
Assis près de la fenêtre, il observait les retardataires se faire connaître sous une pluie fine et un ciel nocturne. Il pourrait les rejoindre, tous, en bas, mais il n'en avait pas la force. Il n'était sûrement pas timide, car il appréciait beaucoup rencontrer du nouveau monde. Cependant son corps lourd lui semblait bien faible, et son esprit le l'était tout autant.
Il posa sa tête contre la vitre, fixant de ses yeux fatigués une jeune femme blonde à l'épaisse robe blanche. Il sentit son cœur se serrer. Elle ressemblait à l'une des favorites de Clara. Il aimerait tant la revoir ainsi vêtue, resplendissante. Son cœur se serra à nouveau. Pensait-elle à lui, où qu'elle soit? Ces fêtes lui rappelait celles auxquelles elle aimait assister.
- Herr Schumann, vos médecines pour le soir, intervint une servante en entrant dans la pièce.
Il ne fit pas attention à elle, ni au plateau d'argent couvert de flacons qu'elle déposa sur une commode.
- Où est Angelika?
- Au rez-de-chaussée, Monsieur. Elle sert les invités.
Il soupira silencieusement. C'était elle qu'il aurait voulu voir. Entre eux avait grandi une certaine amitié, et il savait qu'elle seule aurait été capable de trouver les mots pour guérir son cœur.
- Avez-vous besoin de quelque autre chose?
- Vous êtes aimable. Merci, mais je n'ai besoin de rien, si ce n'est de calme. De plus vous êtes au service de cette maison, pas au mien.
- Monsieur Félix nous a ordonné de veiller sur vous, ce soir particulièrement, alors qu'il est occupé avec les invités.
- Il est bien stupide de se soucier autant...
Il en faisait bien trop, oui. Heureusement - ou malheureusement - il était trop naïf ou aveuglé pour trouver cela inquiétant. Puis il en avait l'habitude à présent. Ce qui était peut-être pire.
Il se tourna à nouveau vers la fenêtre, ignorant la jeune domestique qui le salua et quitta la chambre. Plus aucune voiture ni invités n'étaient à voir dans l'étroite allée bordant la rue.
Le brouhaha continuait toujours cependant, mais lui était devenu si habituel qu'il avait fini par moins l'entendre. Il perçut aussi du violon, mais ne s'y attarda pas non plus, ne sachant pas s'il s'agissait d'un vrai jeu ou d'un énième tour de son esprit.
Il huma. Il était fatigué, mais ne ressentait pas l'envie de dormir. C'était une sensation terrible. C'était comme si sa force cherchait à se ressourcer ailleurs que par le sommeil.
Il aurait pu abandonner cette fenêtre, aller se coucher une bonne fois pour toutes. Mais il voulait continuer de contempler la ville sombre, comme pour faire compléter cette vue avec sa morosité. Il n'avait pas non plus envie de prendre ces médecines. Elles lui donnaient envie de dormir, et il voulait rester éveillé. Bien qu'il fut réticent à l'idée de se préparer et de rejoindre la réception, peut-être avait-il en vérité besoin de compagnie...Comme si le sort avait entendu son cœur, l'on frappa à sa porte.
Cependant la compagnie qui se présenta à lui n'était pas celle voulue, bien qu'elle n'était pas désagréable.
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La mélodie des sentiments
Fiksi SejarahUn concert, une déclaration, un baiser, et la perspective de passer une bonne soirée. Sur les quais de Seine, dans un coin tranquille de campagne, sous la bise maritime d'une plage, au recoin d'une chambre sombre, les sentiments tournoient comme une...