Maturité

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Maurice poussa la porte de la chambre. L'appartement était silencieux. Il ne savait quelle heure il était, probablement encore tôt. À pas de loups, il avança dans le couloir. Il y avait à peine posé le pied qu'il marcha sur une longue robe blanche. Et à son bout traînaient des bas, d'homme et de femme. Voilà qui commençait bien...

Il continua de marcher, toujours aussi silencieusement, jusqu'à atteindre la porte qui s'ouvrait sur le salon. La main contre son encadrement, il y jeta un œil, et vit Liszt affalé sur le canapé, une femme blonde dénudée collée à lui, et Berlioz couché à leurs pieds avec une bouteille à la main. Voilà qui était inhabituel pour lui. C'est vrai qu'ils avaient fait du bruit hier soir, alors que lui tentait de dormir. Enfin il n'avait pas envie d'en savoir plus.

Sans faire de bruit, il se dirigea en face, dans la cuisine, et ne prit pas la peine d'en fermer la porte.

Cela faisait plusieurs jours qu'il était ici, et il commençait à connaître la place des choses. Il ouvrit l'un des tiroirs du haut pour en sortir un pot de confiture, et attrapa une baguette déjà sèche pour s'en prendre un morceau. Il était tant pris dans son entreprise qu'il n'entendit pas les pas approcher.

- Y a-t-il quelque chose à manger ici?

Il sursauta, et se retourna d'un geste. Son mouvement fut alors totalement contraire, car il se figea.

Devant lui se tenait la jeune femme, et elle était sans doute la plus belle qu'il n'avait jamais vue. Elle était totalement nue, et il ne put se retenir de rougir jusqu'aux oreilles. Elle porta une cigarette qu'elle venait d'allumer à sa bouche, ce qui ne fit que la rendre plus affriolante.

- Alors? Les placards sont-ils vides?

- N... Non... servez-vous...

- Ce pain est sec, constata-t-elle en prenant la baguette et en la lâchant. Tout compte fait je vais aller dans un café pour prendre mon déjeuner.

Elle ressortit de la cuisine, et Maurice ne la quitta pas des yeux. Il la suivit même dans le salon, sans trop savoir pourquoi.

- Tu es bien jeune, toi, fit-elle remarquer en ramassant ses sous-vêtements. Je ne savais pas que Franz avait ces goûts-là.

- Pas du tout! Je... Je suis son fils, mentit-il.

- Vraiment? Il ne m'a jamais parlé d'un fils. Il aurait pu me prévenir que tu étais présent avant que nous ne fassions l'amour toute la nuit.

Il ne réagit pas, et seul son visage dépassa plusieurs nuances de rouge.

Il continua de fixer la femme qui était en train de s'habiller, et qui n'avait pas l'air d'accorder de l'importance à ce public.

Il ne bougea pas jusqu'à ce qu'elle eût terminé de se préparer, et qu'il dût se décaler pour la laisser passer.

- Tu diras à Franz que je paierai pour la location de la salle de son prochain concert, lui dit-elle en rejoignant la porte d'entrée. Et que s'il a besoin d'argent supplémentaire, il peut me trouver à l'hôtel Régina à la chambre habituelle.

Il hocha seulement la tête, ayant en réalité peu fait attention à ses paroles mais n'oubliant pas la scène dont il avait été témoin et qui lui restait à l'esprit. Il demeura d'ailleurs immobile, durant un long moment, alors qu'elle avait déjà quitté les lieux. Ce n'est que lorsqu'il entendit du mouvement derrière lui qu'il réagit.

- Qu'est-ce, tout ce bruit...?

- Monsieur Liszt! Avez-vous eu un agréable sommeil?

- Ne parle pas si fort! Seigneur... ma tête... gémit-il en se mettant une main sur la tempe, avant de regarder autour de lui. N'y avait-il pas quelqu'un avec nous...?

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant